ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Persevevare diabolicum


Histoire

Réponse à Jean-Marc Ara Toranian

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Réponse à Jean-Marc Ara Toranian

M. Toranian a fort peu apprécié — ce qui n’étonnera personne — le courrier de protestation contre sa tribune publiée par Le Monde et il le fait savoir sur son site. Étant le rédacteur de ce courrier, que j’ai soumis, pour approbation, à certains de mes amis, il m’incombe de rétablir, une fois encore, les faits. M. Toranian illustre la formule populaire selon laquelle « il n’y a que la vérité qui blesse ».

Questions de fond

Le rédacteur en chef des Nouvelles d’Arménie magazine accuse la lettre de ne pas « répondre sur le fond de [s]on article ». La simple lecture du texte en question suffit à montrer que c’est faux : le courrier commence par répondre sur le fond, et n’évoque qu’ensuite l’auteur de la tribune. Si quelqu’un refuse de répondre sur le fond, c’est M. Toranian, qui fait silence sur la purification ethnique contre les Azéris, et reprend, une fois encore et sans argument, l’usage abusif du terme « négationnisme », que le courrier adressé au Monde critiquait. Le Petit Larousse, le Grand Robert et le dictionnaire intégré à l’Encyclopædia Universalis électronique, pour ne citer qu’eux, définissent le négationnisme comme étant la négation de l’existence des chambres à gaz, éventuellement celle de la Shoah en général, et rien d’autre.

M. Toranian parle d’un « véritable appel public à la haine », « d’une rare agressivité ». Le courrier de protestation se borne à donner des faits, et à en appeler à la plus élémentaire éthique ; il suffit, là encore, de lire pour le vérifier. M. Toranian offre à ses lecteurs une perle d’humour involontaire lorsqu’il accuse ses contradicteurs d’en appeler « à la censure ». En effet, M. Toranian n’a de cesse, depuis plusieurs années, d’obtenir une loi interdisant de contredire sa version de la tragédie arméno-turque qui est intervenue pendant la Première Guerre mondiale. De même, M. Toranian parle d’« attaque ad hominem », or c’est précisément ce à quoi il se livre, en qualifiant les signataires du courrier de « propagandistes de l’État turc », ce qui n’est le cas d’aucun d’entre eux. Si le rédacteur en chef des Nouvelles d’Arménie magazine avait le moindre commencement de preuve à ce sujet, il ne se priverait pas du plaisir de le publier.

M. Toranian prétend que les citations d’Hay Baykar/Combat arménien sont « tronquées » et « détachées de leur contexte » — je vais y venir dans un moment —, mais il se livre à une troncature : « Les signataires, dans la pure tradition de la Turquie, placée en 138e position au classement de la liberté de la presse, estiment scandaleux que le quotidien puisse “donner la parole à un tel homme” ». La formulation exacte est : « Il est donc, par principe, scandaleux de donner ainsi la parole à un tel homme, sans prise de distance, dans un journal comme Le Monde. » Plus haut dans le courrier, il est dit : « ce n’est pas un discours démocratique qu’a relayé, une fois encore et sans contradiction, Le Monde. » Il est donc parfaitement clair que ce n’est ni le droit à la parole de M. Toranian qui est en cause, ni même qu’il s’exprime dans Le Monde, mais le fait de monologuer ainsi, sans être contredit, sans que son passé — y compris récent — soit rappelé, ce qui le promeut, au moins implicitement, arbitre des élégances, alors qu’il n’y a aucun droit. Quant à la situation des libertés publiques en Turquie, je ne saurais mieux dire, en l’occurrence, que le politiste Gaïdz Minassian : « Avant de parler de la démocratie en Turquie, il faudrait parler de la démocratie en Arménie(page 25). »

L’expression « dirigeant de l’ASALA » est, comme l’indique expressément le courrier, du politiste Michael M. Gunter, dans son livre « Pursuing the Just Cause of their People ». A Study of Contemporary Armenian Terrorism, publié en 1986. Il n’avait pas été démenti à l’époque. Plus récemment, en France, un autre politiste, Gaïdz Minassian, a rappelé que le Mouvement national arménien (MNA) de M. Toranian était « le bras politique de l’ASALA en France » [1] ; M. Minassian n’a pas, lui non plus, été démenti.

Contrairement à ce que prétend, sans l’ombre d’une preuve, M. Toranian, les citations d’Hay Baykar/Combat arménien ne sont ni « tronquées » ni « détachées de leur contexte ». Voici, par exemple, une citation plus longue de l’éditorial publié le 29 septembre 1982, glorifiant la boucherie de l’aéroport d’Ankara (neuf touristes assassinés au hasard, dont un Américain et un Allemand ; plus de soixante-dix blessés), perpétrée le 7 août 1982 :

« Cette action a incontestablement été la plus importante de ces sept dernières années de lutte. Tout d’abord, parce qu’elle témoigne de la volonté politique de l’ASALA de porter la lutte en Turquie même. Alors que pendant sept ans, la lutte a eu pour cadre essentiel l’Europe occidentale, l’opération Garine exprime la nécessité de resituer la question arménienne dans son vrai cadre historique et géographique. […] Quand Lévon Ekmédjian et Zohrab Sarkissian ont pénétré dans l’aéroport d’Ankara, c’était pour y mourir. Cela traduit une tout autre motivation et reflète donc une tout autre réalité. […] On ne meurt pas pour une cause sans perspective. […] L’attaque contre l’aéroport d’Ankara marque l’entrée dans les faits de cette stratégie, le déclenchement d’une nouvelle étape de la lutte de libération. »

Donc, non seulement M. Toranian et son équipe éditoriale approuvaient chaudement cet attentat aveugle, mais ils ont espéré que de tels crimes se reproduiraient. Leurs espoirs ont été partiellement comblés : le 16 juin 1983, soit un mois avant que la bombe meurtrière n’explose à Orly, un autre terroriste de l’ASALA a commis un attentat-suicide au grand bazar d’Istanbul, tuant deux personnes et en blessant plus de vingt.

Je n’ai pas pris en notes des passages aussi long dans les articles commentant l’attentat contre l’agence de tourisme Marmara, où la secrétaire française Renée Morin fut tuée, ni sur l’éditorial réagissant à la condamnation des trois coupables de l’attentat d’Orly, mais tout un chacun peut vérifier, à la Bibliothèque nationale, qu’Hay Baykar/Combat arménien a bien excusé le plasticage de cette agence, couvert de propos calomnieux ceux qui osaient condamner ce crime, puis fustigé le verdict prononcé dans l’affaire d’Orly.

Les années MNA-ASALA : persiste et signe

M. Toranian dit que le Mouvement national arménien pour l’ASALA était « légal », que lui-même n’a « jamais été condamné pour aucun délit, aussi minime soit-il, pas plus d’ailleurs que Hay Baykar ». C’est partiellement inexact. M. Toranian a bien été condamné, par un tribunal de première instance, en 1985, pour recel de malfaiteur, à six mois de prison avec sursis, avant d’être relaxé, au bénéfice du doute, par une cour d’appel. M. Toranian avait donné à une amie de l’argent ayant servi à un terroriste de l’ASALA ; il a plaidé l’ignorance de la destination finale de ces fonds ; les juges de première instance ont estimé qu’il ne pouvait pas être naïf à ce point, ceux d’appel, si. Plus important est le fait que si M. Toranian et son journal Hay Baykar/Combat arménien n’ont jamais été condamnés pour apologie de crime et atteinte à l’autorité de la justice, c’est uniquement parce que l’ambassade de Turquie n’a jamais porté plainte, et parce qu’aucun procureur n’a ouvert d’informations judiciaires. Les articles 23 et 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 sont pourtant très clairs. L’article 434-25 du code pénal est tout aussi clair.

De toute manière, M. Toranian admet en partie son soutien au terrorisme — et comment pourrait-il le nier en bloc ? —, mais là encore, en prenant des libertés avec la vérité : « si l’on devait juger les gens en fonction de leurs engagements de jeunesse, toute proportion gardée, ni Rabbin ni Arafat n’auraient obtenu le prix Nobel de la paix. » Outre que Yitzhak Rabin n’a jamais pratiqué le terrorisme (M. Toranian le confond peut-être avec Menahem Begin, ancien de l’Irgoun, et qui reçut lui aussi le prix Nobel de la paix), Yasser Arafat avait renoncé au terrorisme, et déclaré « caduque » la charte de l’OLP appelant à la destruction d’Israël, six ans avant de recevoir le prix Nobel de paix. Or, M. Toranian continue d’approuver la violence terroriste du PKK (« Tous avec le PKK » titraient Les Nouvelles d’Arménie magazine dans le numéro d’avril 1999) et, comme l’indique le courrier de protestation au Monde, se référant au propre site de M. Toranian (armenews.com), ce dernier appela « ses compatriotes », le 24 avril 2009, à « revenir au militantisme des années 1975-1980 », ce qui ne peut signifier que le terrorisme, comme la propre réponse de M. Toranian en témoigne, et comme lui-même ne le conteste pas. L’appel est du reste parfaitement logique, puisque M. Toranian n’a pas renoncé aux revendications territoriales contre la Turquie, qui ne pourraient être satisfaites, il le sait fort bien, que par la violence.

Emblême de l’ASALA

L’ancien porte-parole de l’ASALA s’enfonce d’ailleurs en évoquant le procès Kilndjian et le procès de la prise d’otage au consulat général turc de Paris : « hormis pour l’attentat aveugle d’Orly qui a représenté la quintessence de la dérive criminelle évoquée plus haut, les jurés populaires français ont toujours témoigné de leur compréhension à l’égard des actions des combattants arméniens. » Certes, Max Hraïr Kilndjian a été condamné à deux ans de prison (le temps déjà passé en détention provisoire) pour complicité dans une tentative d’assassinat et les quatre terroristes de l’ASALA le furent à sept ans — avant d’être libérés au bout de cinq ans, et non de quatre, comme M. Toranian pourra le vérifier en relisant plus attentivement les collections du journal qu’il a dirigé de 1976 à 1988. Mais ce faisant, l’ancien rédacteur en chef d’Hay Baykar/Combat arménien continue d’excuser des actes terroristes, et de réécrire à sa façon, tant l’histoire de l’Empire ottoman que celle du terrorisme arménien dans les années 1980. Sur l’argument tant de fois ressassé, le « génocide arménien », je renvoie à ce qui a été écrit par moi et — mieux — par d’autres, notamment Guenter Lewy, Edward J. Erickson, William L. Langer, Justin McCarthy et Erman Şahin.

Ce qui nous amène au point suivant. M. Toranian, en ne parlant que de trois procès, évite de mentionner le procès de plusieurs membres de son Mouvement national arménien (MNA), en janvier 1985, et du procès de Monte Melkonian. Alors qu’Abraham Thomassian s’en était tiré, en 1983, avec deux ans et demi de prison pour un attentat contre la Turkish Airlines (qui n’avait pas fait de morts, Hagop Hagopian n’ayant pas fourni des grenades de puissance suffisante), Avétis Catanessian (membre du MNA et collaborateur d’Hay Baykar/Combat arménien) a écopé, en 1985, de quatre ans ferme pour détention illégale d’explosifs ; Monte Melkonian a pris six ans, dont quatre ans ferme, pour association de malfaiteurs, détention illégale d’armes à feu et de faux passeport. Cette différence, de même que les condamnations prononcées lors du procès de l’attentat d’Orly, s’expliquent en partie par l’évolution de la réponse turque.

Au procès Kilndjian, en 1982, l’avocat de la partie civile s’était retrouvé presque seul. Tous les témoins de l’attentat, qui avait eu lieu en Suisse, ayant reçu des menaces de mort, un seul a osé se déplacer jusqu’à Aix-en-Provence. Aucun historien, turc ou non-turc, n’est venu répondre aux élucubrations des témoins et avocats de la défense sur le « génocide arménien », pas même sur les télégrammes attribués par le faussaire Aram Andonian à Talat Pacha et d’autres dirigeants ottomans — télégrammes dont il a été prouvé qu’ils sont des faux grossiers [2]. Dans la salle et au dehors, une foule complètement hystérique beuglait pour réclamer l’acquittement : s’ils avaient condamné M. Kilndjian, par exemple, à huit ans ferme, les jurés et les juges n’auraient pu sortir vivants que grâce à une intervention policière d’une exceptionnelle ampleur. Début 1982, la diplomatie turque vivait encore, apparemment, dans le souvenir du procès de Gourgen Yanikian, l’inspirateur de l’ASALA, condamné à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle en 1973, pour l’assassinat du consul général de Turquie à Los Angeles, Mehmet Baydar, et de son adjoint, Bahadır Demir. Le procureur avait purement et simplement interdit toute déposition relative aux évènements de la Première Guerre mondiale ; avant de prononcer le verdict, le président avait précisé qu’au premier cri, il ferait évacuer la salle, et que les perturbateurs seraient poursuivis en justice, eux aussi. Le verdict du procès Kilndjian changea quelque peu les choses. Mais au procès de la prise d’otages au consulat de Paris, seuls deux témoins de la partie civile (Türkkaya Ataöv, professeur à l’université d’Ankara, et un représentant du patriarcat arménien d’Istanbul) faisaient face à une foule de témoins de la défense. Des sympathisants de l’ASALA étaient présents en masse, dans la salle et au dehors, pour intimider la justice.

Au procès d’Orly, ce fut très différent. Les historiens du dimanche Jean-Marie Carzou (qui appelait les Arméniens à recourir au terrorisme dans son discours à Marseille, en octobre 1972), Gérard Chaliand et Yves Ternon (le chirurgien de profession qui utilisait comme argument une fausse citation attribuée à Atatürk, deux ans après que cette fabrication fut minutieusement démontée par… James H. Tashjian, intellectuel de la Fédération révolutionnaire arménienne aux États-Unis), habitués des prétoires depuis le procès Jamgotchian, à Genève, en 1981, se sont prudemment fait porter pâles, l’attentat jugé étant cette fois trop gros. À l’inverse, la partie civile a fait déposer les universitaires Sina Aksin, Türkkaya Ataöv, Simon Haciliyan, Hasan Köni et Mümtaz Soysal ; les avocats se sont partagés ainsi les tâches : Gilles de Poix et Christian de Thezillat plaidaient sur l’attentat lui-même, et Jean Loyrette faisait une — excellente — plaidoirie sur la dangerosité du terrorisme arménien et l’inanité des accusations de « génocide ». La police française a empêché les nervis venus du Liban de pénétrer dans la salle d’audience. Ce fut également Jean Loyrette et ses associés qui s’occupèrent du procès de janvier 1985, procès auquel assistèrent, non seulement des membres et des sympathisants du MNA, mais aussi bon nombre de Turcs.

Un quart de siècle après ces procès, les procès Oran contre Bret et Gauin contre Nissanian ont montré qu’il est hautement préférable, non seulement d’avoir une base juridique et factuelle solide, mais aussi de répondre sur l’histoire, plutôt que de laisser la partie arménienne soliloquer.

Persistance et ampleur du terrorisme arménien

Comme M. Toranian le sait mieux que moi, et contrairement à ce qu’il prétend malgré tout, ni le terrorisme arménien en général, ni la partie qu’il a justifiée en particulier ne se sont arrêtés en 1983. Un commando de l’Armée révolutionnaire arménienne (ARA, branche terroriste de la Fédération révolutionnaire arménienne, FRA) attaqua, le 12 mars 1985, l’ambassade de Turquie à Ottawa, tuant le gardien Claude Brunelle, qui sacrifia héroïquement sa vie en sortant, pistolet au poing, de sa guérite à l’épreuve de balles, et sauva ainsi la vie de l’ambassadeur, qui eut le temps de sauter du deuxième étage, s’occasionnant de multiples fractures. Les trois criminels furent condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de vingt-cinq ans. Dans son édition du 20 décembre 1986, Hay Baykar/Combat arménien fustigea « un verdict terroriste » (sic). Le journal s’est également réjoui de l’attentat (raté) contre le consulat de Turquie à Melbourne (23 novembre 1986), qui a valu à Levon Demirian — membre de la FRA — de passer dix ans dans les prisons australiennes.

M. Toranian argue que « Beaucoup de peuples et beaucoup de causes ont provoqué pour leur droit et leur défense bien plus de morts que la centaine recensée, et évidemment de trop, au cours des 8 ans d’activisme arménien. » Il est indéniable que l’ASALA et les CJGA/ARA ont fait moins de victimes que les Brigades rouges, le terrorisme italien d’extrême droite, l’ETA basque, l’Armée républicaine irlandaise (IRA), ou encore le terrorisme palestinien — auquel l’ASALA était étroitement liée. Mais M. Toranian omet de dire pourquoi :

1) La bombe qui explosa le 15 juillet 1983 à l’aéroport d’Orly devait éclater dans l’avion, après son départ, comme l’avoua Varoujan Garbidjian (Karapetian), condamné à perpétuité. L’acte terroriste devait donc tuer environ deux cents personnes, et surpasser ainsi l’attentat de la gare Bologne (85 morts).

2) Vicken Hovsepian et ses acolytes, membres des Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA, branche terroriste de la FRA, ensuite appelée ARA) ont tenté de commettre, en 1982, un attentat contre l’immeuble abritant, entre autres, le consulat de Turquie à Philadelphie ; le FBI estima que l’explosion aurait tué au minimum cent personnes, et plus vraisemblablement deux à trois mille ; la cour d’appel fédérale du neuvième district, dans son verdict confirmant la condamnation de M. Hovsepian et ses complices, le 10 mars 1988, reprit à son compte cette estimation (paragraphe 12). Après avoir purgé sa peine, M. Hovsepian est devenu membre du bureau mondial de la FRA, et son représentant suprême aux États-Unis ; il occupe toujours ces fonctions en janvier 2011.

Victimisation et inversion des rôles

Dans une inversion coutumière des rôles, M. Toranian assure : « puisqu’il est question de terrorisme, faut-il rappeler que cette période du début des années 80 a également été marquée par une série d’attaques armées commises sur le territoire français contre des citoyens d’origine arménienne : des attentats aveugles perpétrés contre des écoles, des églises, des spectacles, des militants. J’ai moi-même été la cible de deux plasticages le 21 mars et le 5 décembre 1983, dont nous [ne] sommes sortis avec ma compagne que légèrement blessés. Par miracle. »

Sur les attentats dont il a été victime, je ne peux que lui faire, pour l’essentiel, la même réponse qu’il y a un an, lors de notre échange de courriels : ces deux tentatives d’assassinats ont été commises, non par les services secrets turcs — qui, du reste, n’auraient pas agi différemment du Mossad, de la CIA, ou du Sdece français jusqu’en 1981 —, mais par des membres de l’ASALA, la première fois parce qu’Hagop Hagopian, chef de l’ASALA jusqu’à son assassinat, en 1988, estimait M. Toranian peu fiable ; la seconde, parce que ce dernier avait tout simplement rompu avec le groupe terroriste. C’est attesté, notamment, par le témoignage de Monte Melkonian [3]. Citant Al-Watan al-Arabi du 5 août 1983, les criminologues Anat Kurz et Ariel Merari écrivent que « Toranian lui-même accusa l’ASALA » pour la première tentative de meurtre [4]. Il faudrait que M. Toranian soit cohérent avec ses propres déclarations.

Quant aux autres attentats, non seulement il n’y a jamais eu de preuve que leurs auteurs étaient turcs, mais il existe, pour plusieurs d’entre eux, des raisons de penser qu’il s’agit d’exemples, parmi tant d’autres, de la violence politique interarménienne [5], endémique depuis 1891 au moins [6]. Le plus amusant, à ce sujet, est qu’Hagop Hagopian accusa M. Toranian d’avoir commis personnellement un attentat contre le mémorial arménien d’Alfortville, au printemps 1984, à titre de provocation ; M. Gunter note cette hypothèse sans la trouver invraisemblable [7].

M. Toranian, une fois encore, se pose en victime, allant jusqu’à récupérer le cadavre de Hrant Dink, un homme dont les idées n’avaient rien à voir avec le siennes. M. Toranian n’a reçu aucune menace — sinon, il en parlerait. Par contre, j’ai été menacé de mort, en février 2008, sur le forum en accès libre dont il été responsable ; il a fallu plusieurs heures, et une menace de porter plainte, pour que ce message soit effacé. Suite à une plainte déposée par moi, en octobre 2008, pour de nouvelles attaques, ce forum en accès libre, qui regorgeait de propos racistes, antisémites et d’incitation à la violence, a été purement et simplement supprimé par M. Toranian. À la sortie du procès Oran contre Bret, le mardi 3 novembre 2009, j’ai été vivement pris à partie par des membres de la FRA Nor Seround, puis bousculé par une demoiselle au visage déformé par la haine, et n’ai échappé à une agression physique qu’en menaçant, encore une fois, de porter plainte ; j’ai déposé, par prudence, une main courante en rentrant à Paris, puis l’ai fait savoir, ce qui a permis que mon procès contre M. Nissanian se déroule dans un calme relatif. Vendredi 7 janvier 2011, le président de Confluence France-Turquie Yakup Kuş a reçu des menaces sur son téléphone.

L’ancien porte-parole de l’ASALA m’a ainsi donné l’occasion de préciser bien des sujets, et de démonter, une fois encore, ses mensonges, sélections de faits et autres déformations. Qu’il soit remercié pour sa maladresse, finalement utile. Je maintiens tout ce que j’ai écrit, et n’ai aucune intention d’arrêter de défendre la vérité.

Maxime Gauin, vice-président de Confluence France-Turquie.


[1Guerre et terrorisme arméniens, Paris, Presses universitaires de France, 2002, pp. 46 et 65-66.

[2Sinasi Orel et Sürreya Yuca, Les Télégrammes de Talat Pacha : fait historique ou fiction ?, Triangle, 1986 ; voir aussi Michael M. Gunter, « Gunter Response to Dadrian Article », International Journal of Middle Eastern Studies, novembre 1987, pp. 523-524 ; Guenter Lewy, The Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press, 2005, pp. 63-73 ; Jean-Louis Mattei, Belgelerle Büyük Ermenistan Peşinde Ermeni Komiteleri, Ankara, Bilgi Yayinevi, 2008.

[3The Armenian Reporter, 12 janvier 1984, p. 4 ; Francis P. Hyland, Armenian Terrorism. The Past, the Present, the Prospects, Boulder-San Francisco-Oxford, Westview Press, 1991, p. 42.

[4ASALA : Irrational Terror or Political Tool ?, Jérusalem-Boulder, The Jerusalem Post/Westview Press, 1985.

[5Michael M. Gunter, « Pursuing the Just Cause of their People » A Study of Contemporary Armenian Terrorism, Westport-New York-Londres, Greenwood Press, 1986, pp. 51-52 et 127-128.

[6Kapriel Serope Papazian, Patriotism Perverted, Boston, Baikar Press, 1934, pp. 13-18, 28, 62-63 et 68-73.

[7Michael M. Gunter, ibid.

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