Comment la Grèce viole le traité de Lausanne pour réprimer la minorité turque en Thrace occidentale
source : https://trt.global/afrika-fran%C3%A7ais/article/20309f166ca8
La Grèce continue de supprimer l’identité, les institutions et les droits de la minorité turque de Thrace occidentale, révélant une politique persistante de déni et de désidentification au cœur de l’Europe.
Par Aslan Can Delibas
En 1913, bien avant la fondation de la Turquie moderne, les Turcs de Thrace occidentale ont établi ce qui est considéré comme la première république turque de l’histoire — une affirmation audacieuse d’autonomie et d’identité nationale.
Depuis lors, cette communauté résiliente mène un combat centenaire pour préserver sa culture, sa langue, sa religion et son existence même face à une pression croissante de l’État grec.
Suite au Traité de Lausanne en 1923, la Thrace occidentale a été placée sous souveraineté grecque. Cependant, contrairement aux échanges massifs de populations entre la Grèce et la Turquie après cet accord, les Turcs de Thrace occidentale — ainsi que les Grecs résidant à Istanbul et sur les îles des Princes — ont été exemptés de relocalisation.
Cette exception n’était pas arbitraire ; elle était codifiée dans le droit international pour garantir la protection des droits des minorités. Pourtant, au fil des décennies, la Grèce a systématiquement érodé ces protections.
« Le Traité de Lausanne... est un certificat de naissance qui forme la base de leur identité, de leur existence et de leurs droits », déclare Ozan Ahmetoglu, ancien président de l’Union turque d’Iskece, qui a été officiellement interdite par le gouvernement grec malgré une décision claire en sa faveur par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Cependant, la Grèce a mené une campagne centenaire pour effacer l’histoire, saper l’identité et réduire au silence tout un peuple sous prétexte d’unité nationale.
De la fermeture arbitraire des écoles turcophones au remplacement des leaders religieux locaux élus par des clercs nommés par l’État, en passant par la confiscation des biens des fondations et l’interdiction d’utiliser le mot « turc » dans les noms d’associations, Athènes a déployé une politique lente mais persistante d’effacement.
Pire encore, la Grèce n’a pas appliqué plusieurs décisions de la CEDH, y compris des cas qui confirmaient le droit de la minorité turque à s’organiser et à exprimer son identité ethnique.
Les activistes turcs en Thrace occidentale affirment que ce mépris viole non seulement le traité, mais affaiblit également le cadre plus large des droits de l’homme en Europe.
Le traitement réservé par la Grèce à la communauté turque est depuis longtemps un point de discorde dans les relations turco-grecques, déjà tendues en raison de plusieurs différends sur les revendications territoriales en mer Égée.
La Thrace occidentale — qui borde la Bulgarie, la Turquie et la région grecque de Macédoine — abrite environ 150 000 Turcs ethniques.
La politique d’Athènes de déni identitaire
La politique de longue date de la Grèce consistant à nier l’existence de minorités nationales et ethniques sur son territoire n’est pas une simple négligence bureaucratique — c’est une doctrine d’État calculée visant à effacer des communautés entières de la reconnaissance historique et juridique.
Bien que cette politique cible toutes les minorités ethniques, son impact le plus visible et le plus flagrant concerne la minorité turque de Thrace occidentale. L’État grec définit officiellement les minorités uniquement par leur affiliation religieuse — un cadre qui ignore délibérément l’ethnicité, la langue et la culture.
Dans les déclarations officielles et les cadres juridiques, le gouvernement insiste sur le fait qu’« il n’existe qu’une seule minorité religieuse en Grèce — la minorité musulmane grecque ».
« Cette approche ignore les identités, les langues et le patrimoine culturel des autres minorités ethniques du pays, en particulier des Turcs, et reflète une perspective contraire aux droits de l’homme. Nier les identités des minorités entraîne de nombreux problèmes », explique Ahmetoglu à TRT World.
Ces dernières années, la Grèce a renforcé cette politique — transformant le déni en un récit officiel de l’État.
L’identité turque est traitée comme une menace pour l’unité nationale, et l’expression culturelle de la communauté est présentée comme une ingérence étrangère. Cette rhétorique a gagné du terrain dans le discours politique et a été reprise dans les tribunaux, le parlement et même les programmes scolaires.
En effaçant la minorité turque sur le papier, Athènes tente de rompre les liens historiques et juridiques qui relient cette communauté à la Turquie et aux traités internationaux qui les protègent