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Une agression du national-socialisme arménien en plein Paris

Publié le | par Maxime Gauin | Nombre de visite 1949
Une agression du national-socialisme arménien en plein Paris

Lundi 2 mars, l’ambassadeur de Turquie en France, S. E. Hakkı Akil a été victime d’une agression physique et verbale revendiquée par l’organisation de jeunesse de la Fédération révolutionnaire arménienne (la FRA Nor Seround). Outre des injures, M. Akil a reçu deux jets successifs d’un liquide de couleur, censé représenter du sang. L’ambassade a déposé plainte. L’agresseur principal a passé quarante-huit heures en garde à vue, puis il a été jugé en comparution immédiate. La décision du tribunal de grande instance est à venir.

Le voyou auteur de cette agression est un certain Tad Gabhann. Il a retiré de sa page Facebook, ou du moins de la partie visible par tout le monde, cette photographie de lui posant, l’air niais, avec une mitraillette (vraie ou fausse, il faudrait un spécialiste pour le dire, l’image n’étant pas très nette) :

Ce sémillant personnage et ses amis du Nor Seround n’ont pas agi sous le coup d’une impulsion, mais par idéologie politique. Rappelons encore une fois que le parti de Tad Gabhann, la Fédération révolutionnaire arménienne, créée en 1890, a inclus le terrorisme dans son premier programme [1] et l’a pratiqué jusqu’aux années 1990 au moins. L’énumération des attentats nécessiterait un livre. Disons simplement qu’en France, les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA, créés en 1972 par le congrès mondial de la FRA et directement subordonnés au bureau mondial du parti) ont assassiné l’ambassadeur de Turquie İsmail Erez et son chauffeur (24 octobre 1975) puis l’attaché pour le tourisme de cette ambassade, Yılmaz Çolpan (22 décembre 1979) ; qu’en 1993, la FRA a organisé le double assassinat de deux officiers russes [2] ; et qu’en 1998, ce fut, comme par hasard, un de ses membres qui commanda le groupe de tueurs auteur du massacre au Parlement de l’Arménie (dans un contexte de fortes rivalités internes). Outre ces actes de terrorisme proprement dit — et ceux commis, de 1973 à 1997, par l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA), distincte de la FRA, même si plusieurs de ses membres étaient des dissidents de ce parti —, il faut relever l’attaque contre le stand turc au Selon du livre de Paris en mars 2011 par des excités de la FRA Nor Seround et de nouveau en mars 2012. S’agissant du vandalisme de 2011, qui voyons-nous ? Ô surprise, l’agresseur de l’ambassadeur Akil, Tad Gabhann, cette fois rasé de près, mais l’index menaçant :

Autre exemple récent du fanatisme du Nor Seround : l’attaque contre l’office de tourisme turc à Paris, le 18 avril 2014. Déjà, du faux sang avait été versé sur l’entrée du bâtiment. Les militants de la FRA peuvent s’en prendre aussi aux personnes dans la France des années 2010 : le 25 février 2013, des voyous de ce parti ont roué de coups (28 février 2013) et en appel (16 janvier 2014), à Paris, pour diffamation contre Sırma Oran-Martz, une citoyenne française d’origine turque. Comme le savent les lecteurs de Turquie news, M. Leylekian s’est désisté de son pourvoi en cassation.

L’idéologie de la FRA ne se résume pas, cependant, dans un nationalisme hargneux et une apologie de la violence. À partir des années 1910, s’y est ajouté un racisme fanatique, principalement dirigé contre les Turciques (Turcs, Azéris…) et les Juifs. Voici ce qu’écrivait le principal idéologue de la FRA d’alors, en 1917 :
« Le contraste est absolu entre l’élément arménien et son milieu ethnographique. Un petit fragment de race indo-européenne, placé entre des peuplades primitives et nomades appartenant à la race touranienne et professant une religion toute différente. De là la grande tragédie de l’histoire arménienne. Les envahisseurs turcs, seldjoukides, mongols, osmanlis, se sont successivement établis sur le sol arménien, en hordes guerrières, qui ne savaient manier que l’épée et le cheval ; ils ont campé durant des siècles en Arménie, comme des corps étrangers, incapables de produire, d’assimiler et de gouverner, uniquement forts dans l’art de consommer, d’asservir et de détruire.

Le plus frappant exemple de cette mentalité de toute une race nous est donné par les Turcs ottomans, qui furent maîtres de la plus grande partie de l’Arménie pendant six siècles. »

Mikael Varandian, L’Arménie et la Question arménienne, Laval, Imprimerie moderne, 1917, pp. 23-24.

Ces mots n’ont pas manqué d’être mis en pratique, en Anatolie comme au Caucase.

De même, dans une publication officielle de la FRA (Haïrenik, 16 avril 1936), Garéguine Nejdeh, figure très importante du parti (il a, notamment, créé l’équivalent du Nor Seround aux États-Unis) félicitait Hitler et Mussolini : « Aujourd’hui, l’Allemagne et l’Italie sont fortes parce qu’elles vivent et respirent en termes de race. » Nejdeh est ensuite parti pour l’Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale, et a siégé au Conseil national arménien, créé en décembre 1942 sous les auspices du ministre d’Hitler pour les territoires occupés. Quant à Drastamat Kanayan, alias Dro, qui était tout simplement le principal dirigeant de la FRA de 1923 à sa mort, en 1956, il a commandé le 812e bataillon arménien de la Wermacht à partir de 1941, et a aussi été un agent de l’Abwehr, le service de renseignements de l’armée allemande [3]. La section du Nor Seround à Décines-Charpieu, près de Lyon, s’appelle… Dro, en hommage au criminel nazi. On comprend mieux l’agression du 2 mars 2015 en sachant cela.
Dernière citation, en relation encore plus directe avec l’explosion de haine manifestée par Tad Gabhann à Paris : l’avis de Laurent Leylekian (figure de la FRA citée plus haut) sur le peuple turc, avis exprimé en octobre 2009 sur un site fermé depuis, mais avis qui n’a jamais critiqué depuis par la FRA (ou par quelque autre association arménienne de France, d’ailleurs) :

« Alors oui, les “maudits Turcs” restent coupables ; ils restent tous coupables quelle que soient leur bonne volonté, leurs intentions ou leurs actions. Tous, de l’enfant qui vient de naître au vieillard qui va mourir, l’islamiste comme le kémaliste, celui de Sivas comme celui de Konya, le croyant comme l’athée, le membre d’Ergenekon comme Orhan Kemal Cengiz qui est “défenseur des droits de l’homme, avocat et écrivain” et qui travaille pour “le Projet kurde des droits de l’homme”. Aussi irrémédiablement coupables que Caïn, coupables devant les Arméniens, devant eux-mêmes, devant le tribunal de l’Histoire et devant toute l’Humanité. »

Évidemment, quand des voix autorisées beuglent ce genre de discours, digne de Julius Streicher (je n’exagère rien : ce propagandiste du Troisième Reich a utilisé exactement la même métaphore contre les Juifs que celle de M. Leylekian contre les Turcs), il y a des chances pour que des jeunes fanatisés par leurs aînés passent à la violence physique.

Vous pouvez utiliser la messagerie Facebook pour expliquer à Tad Gabhann ce que vous pensez de son geste et de ses idées.

Maxime Gauin


[1Louise Nalbandian, The Armenian Revolutionary Movement, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1963, pp. 151-178 ; Kapriel Serope Papazian, Patriotism Perverted, Boston, Baikar Press, 1934, pp. 13-23 et 60-70 ; Mikael Varandian, Rapport présenté au congrès socialiste international de Copenhague par le parti arménien « Daschnaktzoutioun ». Turquie — Caucase — Perse, Genève, 1910, p. 9, n. 2 et pp. 16-17.

[2« Un représentant de Boris Eltsine tué dans le Caucase du Nord », Le Monde, 3 août 1993 ; Michael M. Gunter, « Pursuing the Just Cause of their People ». A Study of Contemporary Armenian Terrorism, Westoport-New York-Londres, Greenwood Press, 1986, p. 68 ; Gaïdz Minassian, Guerre et terrorisme arméniens, Paris, Presses universitaires de France, 2002, pp. 22-23, 28, 32-34, 37 et 262.

[3Le dossier de la CIA sur Dro est dans National Archives and Records Administration, College Park (Maryland), RG 263, ZZ-18, CIA Name Files, carton 64 (voir, par exemple, la note du 2 décembre 1948 et le mémo du 19 janvier 1954) ; « Document Reveals Dashnag Collaboration With Nazis », Congressional Record, 1er novembre, 1945, pp. A4840-A4841 ; Christopher Walker, Armenia. The Survival of a Nation, Londres-New York, Routledge, 1990, p. 357.

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