Le communautarisme arménien échoue encore à extorquer de l’argent au contribuable français
Le 28 février 2012, le Conseil constitutionnel mettait un point final à des années d’actions communautaristes, visant à censurer le débat sur l’aspect le plus dramatique du conflit turco-arménien. Saisi de la proposition de loi déposée par la très communautariste députée Valérie Boyer, le Conseil décidait :
« Considérant […] qu’en réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n’en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er. — La loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution.
Article 2. — La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. »
La décision fut savamment rédigée, car non seulement c’était un rejet absolu, de principe, au nom de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (texte impossible à changer), mais encore, le considérant n° 6 expliquait « qu’une disposition législative ayant pour objet de ‟reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ». Traduit en langage courant, cela veut dire la « loi » de janvier 2001 portant « reconnaissance du génocide arménien » viole l’article 34 de la Constitution française, article qui définit le champ de la loi, et n’autorise pas les dispositions se limitant à du bavardage. Depuis 2005, le Conseil constitutionnel censure de telles dispositions quand il en est saisi. L’avertissement implicite est clair : mesdames et messieurs les communautaristes, plus soucieux de votes que des principes républicains, si vous recommencez ce genre de sottises, la prochaine fois, nous censurerons aussi votre loi inconstitutionnelle de 2001, et vous aurez ainsi tout perdu (puisque le Conseil constitutionnel a le droit de s’autosaisir d’une loi ancienne s’il est saisi d’une loi nouvelle, étroitement liée à la précédente).
Bien entendu, pour les nationaux-socialistes arméniens, l’État de droit n’a jamais eu un début de signification, et nous avons ainsi pu entendre, le 2 février 2012, sur les ondes de Radio AYP FM, Mourad Papazian, co-président de la Fédération révolutionnaire arménienne pour l’Europe occidentale (et auteur, dans les années 1980, d’articles d’une virulence extraordinaire en faveur du terrorisme) traiter de « salopards » (sic) les parlementaires socialistes qui avaient signé la saisine du Conseil par des députés (emmenés par les UMP Michel Diefenbacher, Jacques Myard, Éric Straumann et Jean-Philippe Maurer) ou par des sénateurs (guidés par Bariza Khiari, Jacques Mézard et Nathalie Goulet). Le terme « salopards » fut même utilisé par M. Papazian trois fois en une vingtaine de secondes.
Il y eut aussi un aspect tragi-comique aux réactions des milieux nationalistes arméniens : le recours de l’avocat Philippe Krikorian devant le Conseil d’État. Il fut sèchement débouté. Cette année, il tenta d’attaquer, devant le tribunal des référés de Marseille, le gouvernement, pour « voie de fait », réclamant pas moins de vingt mille euros de dommages et intérêts (qui auraient été payés par le contribuable français, en pleine crise), mais M. Kirkorian fut encore une fois débouté. Nullement décontenancé, il fit appel de cette décision, et vient d’être débouté une nouvelle fois. Parmi les parties civiles représentées par Philippe Krikorian, il y avait cette fois une certaine Dzovinar Melkonian, qui a menacé de mort Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel [1].
Outre le raisonnement juridique complètement absurde de Philippe Krikorian, qui est réfuté de façon efficace par la justice administrative, il convient de rappeler que la France n’a aucune espèce d’obligation de transcrire dans son droit national la directive-cadre européenne de 2008 sur le racisme et la contestation de crimes contre l’humanité. En effet, une telle contestation n’est punissable, selon cette directive, que lorsqu’elle risque d’inciter à la haine raciale ; or, la France, par le décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939 et surtout la loi Pleven du 1er juillet 1972, a interdit d’inciter à la haine raciale, ethnique ou religieuse. C’est parce qu’ils ont, eux aussi, une législation antiraciste que le Royaume-Uni et la République d’Irlande ont refusé toute transcription de la directive ; quant à l’Allemagne, elle a corrigé à la marge une loi en vigueur contre le racisme, sans plus, et n’a pas transcrit intégralement le texte européen dans son droit national.
M. Krikorian s’est fait une sorte de spécialité des procès perdus d’avance et contre-productifs. Déjà, il y a une décennie, il avait attaqué les institutions de l’Union européenne, arguant que la Turquie était devenue candidate à l’UE sans avoir reconnu le « génocide arménien », alors qu’une résolution du Parlement européen, datant de 1987, en faisait une condition à son adhésion. Il réclamait déjà de l’argent. Il se fit sèchement débouter par la Cour de justice des communautés européennes (rebaptisée depuis Cour de justice de l’Union européenne), en première instance (décembre 2003), puis en appel (novembre 2004), et la partie civile qu’il représentait fut condamnée aux dépens. Mieux : ces décisions judiciaires ont permis de montrer que la résolution de 1987 n’a aucune valeur juridique. Le jugement de première instance, intégralement confirmé en appel, dit :
« Il suffit de relever à cet égard que la résolution de 1987 est un document contenant des déclarations de caractère purement politique, lesquelles peuvent, à tout moment, être modifiées par le Parlement. Elle ne saurait, de ce fait, produire d’effets juridiques obligatoires à l’égard de son auteur ni, a fortiori, à l’égard des autres institutions défenderesses. »
En sachant que le Parlement européen a changé de position en 2007, refusant désormais de prendre position sur la qualification des évènements de 1915, et à plus forte raison de faire d’une quelconque « reconnaissance » une condition, la résolution de 1987 n’a désormais plus aucune espèce de valeur, même symbolique.
Rendons cette justice à M. Krikorian : il n’est ni le premier ni le seul à s’être lancé dans des procès absurdes et contre-productifs. Même la plupart de ceux qui s’intéressent à la question arménienne en France ignorent qu’il n’y eut pas une, mais quatre procédures judiciaires contre Bernard Lewis, en 1994-1995. Trois (qui étaient également dirigées contre le quotidien Le Monde) furent perdues, par le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA, émanation de la FRA), l’Union médicale arménienne de France (UMAF) et l’Association générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française (Agrif), toutes deux proches du Front national et représentées par Jacques Trémolet de Villers, avocat du criminel contre l’humanité Paul Touvier, condamné, en 1994 également, à la réclusion criminelle à perpétuité. L’UMAF et l’Agrif furent d’ailleurs condamnées à payer huit mille francs chacune au professeur Lewis pour procédure abusive ; la décision fut confirmée en appel [2]. Le quatrième procès, cette fois au civil et non au pénal, fut perdu par Bernard Lewis, mais il est très probable que le grand historien américain aurait gagné en appel — ou même, avec une meilleure stratégie de défense, dès la première instance. Quoi qu’il en soit, l’article utilisé contre lui (l’article 1382 du code civil) ne peut plus être utilisé pour des affaires de ce type depuis un arrêt de la Cour de cassation datant de 2005.
Après l’échec de ces trois procédures, perdues en 1994-1995, le CDCA ne trouva rien de mieux que d’attaquer, en juillet 2004, le consulat général de Turquie à Paris, toujours au nom de l’article 1382 du code civil. Le CDCA fut débouté en première instance (novembre 2004) puis en appel (novembre 2006), et condamné aux dépens. Par manque de moyens financiers, ou par lassitude de se ridiculiser ainsi, le CDCA ne s’est pas pourvu en cassation. Quelques mois plus tard, le 7 mars 2007, la cour d’appel de Paris déboutait le CDCA d’une autre procédure, là encore intentée au nom de l’article 1382 du code civil, contre l’encyclopédie Quid, éditée par Robert Laffont. Comme par hasard, les activités du CDCA ont pris fin au plan national début 2008, soit moins d’un an après. Notons, a contrario, que l’arrogance constante de Laurent Leylekian ne lui a pas servi, puisqu’il a été condamné à verser 7 500 euros à sa victime, Sırma Oran-Martz (il a fait appel) ; et que, dès le procès de Lyon, le 5 janvier 2010, Movsès Nissanian a dû en rabattre par rapport à l’arrogance des conclusions présentées (il fut condamné le 27 avril 2010 à me verser 500 euros pour injure publique et n’a pas fait appel).
De telles procédures ne sont pas limitées à la France. En février 2012, une cour d’appel fédérale a catégoriquement rejeté les demandes d’Arméno-Américains, au nom du « génocide », contre des compagnies d’assurance, et même refusé d’exprimer une position quelconque sur les évènements de 1915-1916. La Cour suprême a ensuite rejeté le recours formé contre cette décision. Sur une base similaire, un procès pour « réparations » contre la République de Turquie elle-même a été perdu par des Arméno-Américains, à New York, en mars dernier. Inversement, l’historien Guenter Lewy a porté plainte avec succès, pour diffamation.
Sur les deux rives de l’Atlantique, les communautaristes arméniens qui font un usage abusif du terme « génocide » témoignent d’une tendance marquée aux échecs devant les tribunaux, par manque d’arguments juridiques d’une quelconque valeur. Ces gens-là ne doivent donc pas inspirer, outre mesure, la peur ; bien au contraire, il faut les attaquer par tous les moyens légaux, et avec des arguments rationnels, tirés d’une connaissance de l’histoire.
[1] Voir son commentaire en bas de cette note de blog au demeurant délirante : http://institut-phosphore.blogspot.fr/
[2] « Les actions engagées par les parties civiles arméniennes contre ‟le Monde” déclarées irrecevables par le tribunal de Paris », Le Monde, 27 novembre 1994 ; Bernard Lewis, Notes on a Century. Reflections of a Middle East Historian, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 2012, pp. 288-290.