Les excuses faites à Guenter Lewy
Si le professeur Gilles Veinstein avait disposé d’une telle assistance juridique à la fin des années 1990, quand il fut lui aussi diffamé, nous n’aurions peut-être pas connu un tel terrorisme intellectuel, en France, pendant une décennie ; nous n’aurions peut-être eu à subir cette loi inconstitutionnelle de « reconnaissance », votée de nuit par quelques dizaines de députés, puis sous la contrainte par le Sénat.
Exclusif.
Après avoir annoncé, seuls sur la Toile francophone, la victoire de Guenter Lewy contre la calomnie inspirée par des nationalistes arméniens, nous vous proposons la traduction intégrale, en français, du texte d’excuses publié par le Southern Poverty Law Center (SPLC) le 29 septembre 2010, pour éviter un procès en diffamation devant le tribunal civil de Washington (district fédéral).
« Rétractation et excuses
Dans son Rapport de renseignement publié à l’été 2008, le Southern Poverty Law Center affirmait que Guenter Lewy, professeur honoraire à l’université du Massachusetts, faisait partie d’un réseau de personnes, financées par le gouvernement turc, qui contestent que les évènements tragiques de la Première Guerre mondiale constituent un génocide des Arméniens. Désormais, nous réalisons que nous n’avions pas compris le travail scientifique du professeur Lewy, que nous nous sommes trompés en affirmant qu’il faisait partie d’un réseau financé par le gouvernement turc, et que nous faisions erreur en prétendant que tout universitaire qui remet en cause la version d’un “génocide arménien” a nécessairement des liens financiers coupables avec le gouvernement turc. Par la présente déclaration, nous revenons sur l’affirmation selon laquelle le professeur Lewy aurait été, ou serait, payé par le gouvernement turc.
À notre connaissance, le professeur Lewy n’a jamais cherché à nier ou à minimiser les morts d’Arméniens dans l’Empire ottoman ; ni cherché à minimiser les graves erreurs d’appréciation commises en temps de guerre par le gouvernement ottoman, ni l’indifférence à la misère humaine lors d’un conflit marqué par des souffrances très fréquentes de civils, et ce, chez tous les peuples. Ce qu’il a fait valoir dans son livre The Armenian Massacres in Ottoman Turkey : A Disputed Genocide, et ailleurs [c’est-à-dire dans divers articles et conférences — Note du traducteur] c’est que les documents historiques connus à ce jour ne corroborent pas la thèse d’un plan prémédité de l’Empire ottoman pour exterminer sur des critères ethniques, nationaux ou religieux, mais plutôt celle d’une déportation d’Arméniens pour des raisons politiques et militaires. En disant cela, il [Guenter Lewy] partage l’avis de spécialistes aussi distingués que le professeur Bernard Lewis, de l’université de Princeton. Comme des documents supplémentaires et précieux viennent au jour, le professeur Lewy préconise une étude plus approfondie sur ce sujet controversé.
Nous regrettons profondément nos erreurs, et nous présentons au professeur Lewy nos excuses les plus sincères.
Le professeur Lewy ajoute le commentaire suivant :
Le SPLC a grandement contribué à l’État de droit et à la lutte contre l’intolérance. Je n’ai donc pris aucun plaisir à entamer une procédure judiciaire contre lui. Mais l’enjeu, aussi bien pour ma réputation d’universitaire que pour une discussion libre et sans entrave des sujets controversés, m’a convaincu d’agir.
Il doit être possible de défendre des vues contraires à l’opinion commune sans être qualifié d’agent d’un gouvernement étranger. »
Ce texte est particulièrement important, car le SPLC reconnaît avoir accusé sans preuve, d’une façon irresponsable, mais aussi qu’il existe plusieurs thèses sur le sort des Arméniens ottomans, celle qui conteste la qualification de « génocide » étant parfaitement respectable et défendable. Le rapport du SPLC avait été cité en références par les nationalistes arméniens, aux États-Unis bien entendu, mais aussi en France. Nous allons voir maintenant s’ils se font l’écho de cette rétractation et de ces excuses. Il est probable qu’ils ne diront rien à ce sujet.
Par ailleurs, il se confirme que le SPLC paiera une indemnité au professeur Lewy, mais le montant ne sera pas divulgué ; il a seulement été indiqué que la victime est satisfaite de la somme bientôt versée. Les avocats de M. Lewy avaient réclamé un total de huit millions de dollars dans la plainte déposée en novembre 2008.
Les défenseurs de la liberté d’expression et de la recherche historique ne peuvent que féliciter le professeur Lewy et le Turkish American Legal Defense Fund. Si le professeur Gilles Veinstein avait disposé d’une telle assistance juridique à la fin des années 1990, quand il fut lui aussi diffamé, nous n’aurions peut-être pas connu un tel terrorisme intellectuel, en France, pendant une décennie ; nous n’aurions peut-être eu à subir cette loi inconstitutionnelle de « reconnaissance », votée de nuit par quelques dizaines de députés, puis sous la contrainte (jusqu’à la limite de la menace physique) par le Sénat. L’appel de Blois et la condamnation de Movsès Nissanian ont toutefois redonné une certaine bouffée d’air dans le pays de Voltaire.
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