Les résultats quasiment définitifs des élections législatives en Turquie donnent une courte majorité absolue des voix pour le parti conservateur AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui n’obtient toutefois pas le nombre de sièges requis pour convoquer un référendum constitutionnel.
Après comptage de 94% des voix, le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002, remporte 50,2% des voix, selon les chaînes de télévision.
Ce parti pourra ainsi facilement former seul un gouvernement, d’après une projection d’ensemble donnée par la société A&G et diffusée par la chaîne de télévision CNN-Türk.
L’AKP détient largement la majorité absolue au Parlement avec 327 des 550 sièges, ressort-il de cette projection nationale. Mais cela ne devrait pas être suffisant pour lui offrir les 330 élus nécessaires pour la convocation d’une consultation référendaire.
Ce parti avait obtenu 47% des suffrages aux législatives précédentes de 2007 et remporté 341 sièges au Parlement. En 2002, l’AKP avait recueilli 34% des suffrages.
Accueil triomphal pour le Premier ministre sortant
Plus de 5000 personnes se sont réunies devant le siège de l’AKP dans le centre-ville de la capitale Ankara, scandant "Erdogan Premier ministre !", dans l’attente du discours que devait incessamment prononcer Recep Tayyip Erdogan du balcon de ce bâtiment, a constaté l’AFP.
Cette fois, même si l’AKP ne présente pas de signes d’essoufflement et augmente son pourcentage des voix à un niveau record, il aura moins de députés, en raison du système électoral turc, à savoir la proportionnelle, selon les résultats.
Vient en deuxième position le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d’opposition avec 25,8% des voix, suivie des nationalistes du MHP (Parti de l’action nationaliste) avec 13,2%.
50 millions d’électeurs
Plus de 50 millions d’électeurs, sur une population de 73 millions d’habitants, étaient appelés aux urnes.
L’AKP n’obtient cependant pas la majorité des deux tiers (367) qu’elle espérait au Parlement pour modifier, sans avoir à consulter l’opposition, la Constitution héritée des militaires après leur coup d’Etat de 1980.
Il reste même en dessous des 330 députés nécessaires pour soumettre à référendum tout amendement de la loi fondamentale.
Recep Tayyip Erdogan a promis que la nouvelle Constitution s’appuierait sur des principes démocratiques et pluralistes, mais ses détracteurs ont dénoncé ses tendances autocratiques et lui prêtent l’ambition de se hisser plus tard au poste de chef de l’Etat, dans le cadre d’un régime présidentiel.
L’opposition dénonce des atteintes aux libertés, avec en particulier des arrestations de journalistes, et le bien-fondé des procès pour complots contre le régime.
Percée des candidats d’une formation pro-kurde
Les candidats présentés en indépendants par la principale formation favorable aux Kurdes (Parti de la paix et de la démocratie, BDP), pour contourner le seuil des 10% de voix à l’échelle nationale nécessaire pour qu’une formation entre au Parlement, réalisent une percée significative avec une trentaine de députés (20 au Parlement sortant).
Le Premier ministre a vanté pendant la campagne la bonne santé économique de la Turquie, actuellement 17e économie mondiale avec une croissance "à la chinoise" de 8,9% en 2010, et une inflation maîtrisée à environ 6%.
Les électeurs ont également été sensibles au fait que Recep Tayyip Erdogan assure la stabilité politique de la Turquie, selon les analystes.
Déchirée par des coalitions instables et des gouvernements éphémères, le pays s’est enfin stabilisé, politiquement et économiquement, sous la direction de l’AKP qui a aussi réussi à cantonner dans ses casernes l’armée, jadis acteur politique de premier plan.
Mais la perspective d’une adhésion à l’Union européenne est dans les limbes, en raison notamment de l’opposition de la France et de l’Allemagne.
AFP