100e anniverssaire de la république de Turquie

Loi de censure, lobbying & nationalisme arméniens

La Gauche molle prend les pantoufles de la Droite dure… Le brave Hollande et son accordéon sera plus fort que le Conseil constitutionnel et la Cour Européenne des Droits de l’Homme ! C’est le retour de la loi pénalisant la négation du génocide arménien, un plat de Sarko qu’Hollande va cuisiner à sa manière… Un échec juridique assuré pour de petits profits politiques. La grande échéance, ce sont les municipales de 2014.

Il faut d’emblée régler une question, celle des relations entre la Turquie et l’Europe. Genre la méchante Turquie, pas encore civilisée, qui ne peut entrer dans l’Europe.

La réponse est claire : cette entrée de la Turquie dans l’Union européenne, qui a été pendant un temps le fantasme des dirigeants turcs et européens, est en Turquie totalement has been. La Turquie est membre du Conseil de l’Europe, partie à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et nombre d’accords de coopération économique ont été signés avec l’Union Européenne. Donc, tout va bien. La Turquie n’a aucune envie d’aller patauger dans la mare aux canards de Bruxelles, et elle apprécie au plus au point de jouer son rôle de puissance phare dans la région (+ 7% de croissance en moyenne ces dernières années) avec une grande liberté diplomatique à équidistance des US, de la Russie, de l’Europe et de ses grands voisins, la Géorgie, l’Arménie, l’Iran, l’Irak et la Syrie.


Editos & Tribune libre

Hollande dans les habits de lumière de Sarko

Publié le | par Gilles DEVERS | Nombre de visite 3115

La Gauche molle prend les pantoufles de la Droite dure… Le brave Hollande et son accordéon sera plus fort que le Conseil constitutionnel et la Cour Européenne des Droits de l’Homme ! C’est le retour de la loi pénalisant la négation du génocide arménien, un plat de Sarko qu’Hollande va cuisiner à sa manière… Un échec juridique assuré pour de petits profits politiques. La grande échéance, ce sont les municipales de 2014.

Il faut d’emblée régler une question, celle des relations entre la Turquie et l’Europe. Genre la méchante Turquie, pas encore civilisée, qui ne peut entrer dans l’Europe.

La réponse est claire : cette entrée de la Turquie dans l’Union européenne, qui a été pendant un temps le fantasme des dirigeants turcs et européens, est en Turquie totalement has been. La Turquie est membre du Conseil de l’Europe, partie à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et nombre d’accords de coopération économique ont été signés avec l’Union Européenne. Donc, tout va bien. La Turquie n’a aucune envie d’aller patauger dans la mare aux canards de Bruxelles, et elle apprécie au plus au point de jouer son rôle de puissance phare dans la région (+ 7% de croissance en moyenne ces dernières années) avec une grande liberté diplomatique à équidistance des US, de la Russie, de l’Europe et de ses grands voisins, la Géorgie, l’Arménie, l’Iran, l’Irak et la Syrie.

On imagine bien Erdogan attendant les sublimes analyses de la baronne Ashton avant de prendre position sur la politique étrangère de la Turquie…

La Turquie n’a rien à craindre de l’Europe, qui lorgne sur sa croissance et rêve de beaux marchés. Sept pour cent de croissance en un an, c’est ce que fera peut-être la France en cinq ans. Voyez à quelle vitesse s’écrit le quotidien.

Donc, la loi pénalisant la négation du génocide arménien.

J’ai un peu de scrupules à exposer le fond du débat, car nous y avons déjà bien passé du temps, et la décision du Conseil constitutionnel était aussi nette qu’attendue (Décision n° 2012-647, 28 février 2012) : « En réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ». C’est, d’une manière générale, la question des lois mémorielles, pure lubie française. Même un rapport de l’Assemblée nationale avait demandé d’arrêter ce cinéma.

Les bases sont certaines :

 Le Parlement a une compétence définie par l’article 34 de la Constitution, et les lois mémorielles n’entrent pas dans cette compétence ;

 Les faits n’ont pas été jugés, et ce qui les différencie du génocide juif commis par les Nazis et leurs alliés (dont Pétain), et le Parlement ne peut exercer des compétences qui relèvent de l’autorité judiciaire, au titre de la séparation des pouvoirs ;

 La loi doit être normative, c’est-à-dire créer de règles, et elle ne peut « reconnaître » des faits historiques ;

 La liberté de la recherche, qui a valeur constitutionnelle, est inconciliable avec la protection pénale d’événements historiques ;

 Sanctionner pénalement l’expression d’une idée, c’est scinder la liberté de pensée entre deux domaines, l’un légal, l’autre illégal, et la définition d’une pensée légale n’entre pas dans le champ de la loi.

S’ajoute en toile de fond tout ce qui concourt à la liberté d’expression : exprimez vos idées, cherchez à convaincre, et emportez la partie sur le terrain de la preuve et du débat.

Fabius, jeudi, n’a fait que rappeler ces évidences. Il sait que toute loi sera cassée par le Conseil Constitutionnel ou la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Laurent Fabius, qui venait de s’entretenir avec son homologue turc, Ahmet Davutoglu, avait dit les choses simplement : « Les Sages ont décidé que la proposition de loi qui avait été présentée par les parlementaires était contraire à notre Constitution donc il n’est pas possible de reprendre le même chemin sinon le résultat sera évidemment le même ». Comme deux et deux font quatre.

Protestation des assos, dénonçant une trahison, et Hollande a aussitôt publié un communiqué de faussaire : « Le président a fait part de ses engagements pendant la campagne. Il les tiendra. Il faut trouver une chemin, une route qui permette d’avoir une texte compatible avec la Constitution ». Fabius, qui ne peut pas blairer Hollande, doit bien rire.

Restons cartésiens : la seule solution, c’est une grosse manip’.

D’abord, Sarko ayant armé le cortex de la pensée d’Hollande, Hollande va suivre la ligne Sarko.

Ensuite, Hollande sait très bien que cette loi est carbonisée d’avance. Le Conseil ayant dénoncé en février 2012 une « atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication », on ne voit pas bien ce qu’il pourrait dire de différend un an plus tard, même avec la voix de Sarko. Blindé… Hollande choisit donc - encore la méthode Sarko - de se faire une double gloire communautariste : en faisant voter la loi, puis en dénonçant le méchant Conseil constitutionnel qui a cassé la gentille loi.

Lors de la campagne, le mou avait dit que la loi n’avait pas été présentée au bon moment. Ce n’est pas une question de légalité, mais de calendrier. Donc, tout va se jouer sur le calendrier.

Ce qui veut dire que la loi sera votée juste quelques mois avant les municipales, en dealant à fond pour que les parlementaires ne saisissent pas le Conseil Constitutionnel. Ca retardera l’échéance. Le Conseil aura inévitablement à se prononcer car une QPC sera posée, lors du premier procès. Mais pour cela il faudra le temps pour un procès et pour une QPC, soit de quoi passer des municipales sans ce souci.

Voici ce que deviennent les grands principes dans les mains des petits malins.

Source : Actualités du Droit


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