Verdict de la CEDH sur le « génocide » arménien : L’Arménie active ses relais « associatifs »
Dans un arrêt rendu le 17 décembre 2013, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé que le fait de contester le qualificatif de « génocide » pour les événements de 1915 ne constituait pas un délit. Selon elle, la décision rendue en 2007 par un Tribunal de Lausanne, condamnant le Président du parti des travailleurs de Turquie (gauche), Dogu Perinçek pour ses propos portait atteinte à la liberté d’expression. Plus encore, la cour a affirmé que « l’emploi du terme « génocide » pour évoquer ces événements, ne faisait pas consensus », se ralliant ainsi à la position de nombreux historiens, en particulier des plus éminents experts de l’Empire Ottoman comme Robert Mantran, Gilles Veinstein, Stanford Shaw, ... dont certains ont subi les agressions physiques ou verbales des extrémistes arméniens par le passé afin de les réduire au silence.
Selon une source proche des milieux diplomatiques arméniens en France, les ambassades d’Arménie auraient reçu ordre d’Erevan d’activer les relais associatifs dont ils disposent afin de faire pression sur les ambassades helvètes dans les Etats en question.
Un courrier « officieux » serait adressé à l’ensemble des associations arméniennes proches des représentations diplomatiques de l’Etat arménien avec consigne de contacter les ambassades et les consulats de Suisse dans chacun des pays où un tel réseau est disponible afin de faire pression sur la Suisse et l’inciter à recourir contre le verdict de la CEDH sur la question arménienne. La Suisse dispose d’un délai de trois mois pour faire appel.
Les premiers effets de cette nouvelle ingérence de l’Etat arménien dans des affaires européennes semble déjà visible. L’Association Suisse Arménie (ASA), en partie à l’origine de la loi pro-arménienne helvète et de la poursuite en justice de Dogu Perinçek pour « négationnisme » s’est déjà fendu d’un communiqué « recommandant vivement » à l’Etat suisse de faire appel.
En France c’est le très nationaliste Bureau Français de la Cause Arménienne (BFCA) qui a publié un communiqué dans lequel il affirme, qu’en collaboration avec une autre organisation de lobbying basée à Bruxelles, la Fédération Euro-Arménienne pour la Justice et la Démocratie (FAEJD), elle entend porter ses efforts sur « l’exécution de [la] contestation par les autorités helvétiques ».
Le BFCA et la FAEJD sont deux officines d’influence politique toutes deux affiliées à la Fédération Révolutionnaire Arménienne - FRA Dachnaktsoutioun (parti national-socialiste arménien, extrémiste et homophobe).
En février 2013, lors d’une réunion organisée par le BFCA et l’ambassade d’Arménie en France dans l’encinte de l’Assemblée Nationale (avec l’aide de François Rochebloine, très proche des milieux nationalistes arméniens) deux étudiants d’origine azérie avaient échappé de justesse à une tentative de lynchage par des militants nationalistes arméniens présents dans la salle (voir également ici et tous les articles à ce sujet ici).
Plutôt loquace, le BFCA affirme, dans son communiqué, faire « front commun » avec Erevan et continue en ces termes : « Des démarches similaires seront organisées à travers le monde par les différents Bureaux de la Cause Arménienne, qui vont œuvrer de manière coordonnée. Dans le cadre de ces actions, Yerevan [Erevan] détient bien évidemment son propre terrain et c’est sur ce front commun que nous prendrons en charge cette affaire ».
Ce besoin de préciser que les actions se font « indépendamment » d’Erevan ne peut qu’amener des interrogations si ce n’est des confirmations...
Les événements de 1914-1922
Des affrontements inter-ethniques et des déplacements forcés de populations en Anatolie orientale, entre 1914 et 1922, ont fait plusieurs centaines de milliers de morts parmis les Turcs et les Arméniens. L’Empire ottoman était alors engagé dans la Première Guerre Mondiale aux côtés de l’Allemagne et de l’Empire Austro-Hongrois. Dès 1914, des Arméniens ottomans ont massivement pris le parti des Russes, contre les Turcs, se livrant à des massacres de masse et à des pillages dans l’est de l’Anatolie. A la suite de ces événements, le gouvernement ottoman décida d’éloigner une partie de la population arménienne des zones de front et à risque. Ce transfert se solda par un lourd bilan humain.
La Turquie et de nombreux historiens rejettent catégoriquement la thèse controversée d’un « génocide » que le gouvernement ottoman aurait perpétré contre la population arménienne de l’Empire. Cette thèse, défendue par les nationalistes arméniens, est aujourd’hui instrumentalisée afin d’exercer des pressions politiques sur la Turquie, notamment pour entraver la perspective de son adhésion à l’Union Européenne.
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