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mercredi 27 septembre 2023

Sirma Oran, Maxime Gauin, procès et bien-pensance

Publié le | par Turquie News | Nombre de visite 5343
Sirma Oran, Maxime Gauin, procès et bien-pensance

C’est dans un climat tendu et une ambiance électrique que s’est tenu hier, mardi 5 janvier 2010 devant la 6ème Chambre (Presse) du Tribunal correctionnel de Lyon, le procès intenté par Maxime Gauin, étudiant en Histoire à Paris, contre Movses Nissanian, conseiller municipal de Villeurbanne.

L’assistance, composée d’une centaine d’individus dont une écrasante majorité de militants arméniens, fourmillait dans la petite salle d’audience équipée d’à peine 50 places assises. Les sympathisants de Movses Nissanian ont criblé de flashs les quelques Franco-Turcs avec leurs appareils photos. S’il n’y avait pas Facebook, on aurait pu songer à un fichage des amis de Sirma Oran et Maxime Gauin. Lorsqu’un magistrat a rappelé l’interdiction des appareils photos à un activiste arménien, celui-ci a rétorqué : « Il n’y a pas que moi qui photographie » et s’adressant à un groupe de Turcs, il a tempêté : « ça suffit ces photos, on sait où elles vont. On les retrouve dans les fichiers des services secrets turcs ». Sidérée par cette paranoïa, une jeune femme s’est révoltée en expliquant qu’elle était correspondante de presse turque et qu’à ce titre, elle faisait son travail.

Le Président d’audience, en compagnie notamment de deux juges assesseurs et du procureur sont entrés dans la salle. Lorsque le dossier de Maxime Gauin a été appelé, le président a d’abord rappelé les faits.

Lors d’une réunion publique tenue à la Maison de la culture arménienne de Villeurbanne, le 15 février 2008, avec la participation de l’édile Jean Paul Bret et du conseiller municipal Movses Nissanian et intitulée : « La bataille de Villeurbanne : exemple de résistance aux thèses négationnistes de l’Etat turc », le docteur Nissanian a accusé :
« (…) Le poison de la société turque, c’est l’idéologie nationaliste. Les Turcs sont victimes et nous devons les aider à progresser. Et il n’y a pas que des gens d’origine turque parce que nous avons beaucoup de Français qui aujourd’hui sont négationnistes. On a sur des sites internet un déchainement de gens comme Maxime Gauin, comme Reynald Beaufort, des gens odieux, mais ce sont ceux qui étaient dans la milice de Pétain, c’est ceux qui envoyaient les Juifs à Auschwitz, c’est des personnes qui ont la même mentalité (…) »
Maxime Gauin a alors porté plainte pour injure contre l’élu Movses Nissanian.

Convoqué à la barre, le médecin, a répondu, d’une voix lymphatique et légèrement chevrotante, reconnaître les faits suite à la question du président. Comment les contester puisqu’une expertise de l’enregistrement avait, au préalable, confirmé son avanie ?

Lorsque Maître Morel, avocat de Maxime Gauin, lui a demandé s’il devait comprendre qu’il regrettait ses propos, il a répondu, en courbant la tête, : « oui, je les regrette ».
M.Nissanian était clairement mal à l’aise même si les militants arméniens avaient massivement répondu à son appel à soutien lancé depuis le 2 novembre 2009 via le site arménien collectifvan.org :
« (…) Je serai content de vous sentir à mes côtés le jour du procès, durant lequel je défendrai la mémoire et l’honneur de toutes les victimes du génocide arménien ».

Ensuite, à l’invitation du président, l’étudiant Maxime Gauin, s’est présenté à la barre. A travers un développement érudit, il a expliqué le contexte dans lequel Monsieur Nissanian l’avait invectivé.
Ainsi, il a souligné que Movses Nissanian était membre de la FRA Dachnaktsoutioun et que le public de la réunion incriminée était en partie le même que celui qui continue d’honorer comme des héros certains terroristes. A l’appui, il a cité notamment l’hommage rendu aux : « cinq de Lisbonne », à Décines-Charpieu ; aux « trois d’Ottawa », condamnés en 1986 par le Canada à la réclusion criminelle à perpétuité, pour avoir assassiné un agent de sécurité canadien, puis tenté de tuer l’ambassadeur de Turquie ; et à Hampig SASSOUNIAN, condamné à perpétuité pour avoir assassiné le Consul général de Turquie.
Maxime Gauin s’est astucieusement basé sur des citations d’auteurs tels Gaïdz Minassian, le pro-arménien Yves Ternon ou Haïrenik, principal journal édité par la branche américaine de la FRA Dachnaktsoutioun.
Dès lors, en le pointant du doigt nommément, Monsieur Nissanian le dénonçait à la vindicte des extrémistes nationalistes de la FRA et connaissait bien les conséquences de tels propos pour la sécurité de Maxime Gauin. D’ailleurs, celui-ci a rappelé avoir été « bousculé » à la sortie de l’audience du mardi 3 novembre 2009 même si ce n’était « que peu de choses par rapport à la violence dont d’autres ont été victimes ». Le jeune étudiant en Histoire a indiqué avoir des craintes pour sa sécurité.

Le président a ensuite exigé le silence de la part d’un activiste arménien atrabilaire assis au premier rang qui raillait Maxime Gauin par des commentaires hargneux incessants. Courroucé, le trublion a quitté la salle de lui-même.
Par ailleurs, certains ont même entendu un vœu punitif murmurer : « L’Asala devrait s’occuper de son cas à ce Maxime Gauin ».

La défense, ne trouvant rien à répondre aux arguments de Maxime Gauin, a appelé à la barre un témoin : Philippe VIDELIER.

Lorsque le Tribunal lui a demandé son identité et sa profession, celui-ci a déclaré être « historien au CNRS et spécialiste des génocides et en particulier du génocide arménien ».
En fait, Monsieur Videlier est spécialiste de l’immigration en France et n’a jamais mis les pieds aux archives nationales turques, ni d’ailleurs à celles du Quai d’Orsay, du Foreing Office et du Département d’État américain.

Alors qu’il était appelé à témoigner sur des faits précis relatifs à la réunion du 15 février 2008 qui s’est tenue à la Maison de la culture arménienne de Villeurbanne à laquelle il a participé, Monsieur Videlier, s’est érigé en « Expert du génocide arménien près le Tribunal » et a débuté par trois affirmations diaphanes en guise de paroles d’évangile : « 
 Oui, le nationalisme est le poison de la société turque
 Oui, le génocide arménien est identique au génocide juif
 Oui, le négationnisme est approprié pour ceux qui contestent le génocide des Arméniens
 »
Il a alors enchainé sur un « cours », des plus subjectifs, sur « la réalité du génocide arménien et la condamnation de sa négation ». Le personnage n’a pas hésité, une seule seconde, à s’appuyer sur la fameuse phrase attribuée à Hitler : « Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? » que le Tribunal de Nürnberg a pourtant qualifiée d’apocryphe. A l’entendre, les Turcs auraient inspiré les crimes d’Hitler et de Mussolini ! Il n’hésitera pas non plus à faire valoir que les méchants Turcs, par le biais de leur Ministère de l’Environnement et des Forêts, ont modifié le nom du mouflon « Ovis Armeniana » en « Ovis Orientalis Anatolicus ». Là, il n’y a plus de doute, ça innocente M.Nissanian et prouve bien que ces ‘ignobles assassins turcs’ ont commis un génocide !

Question de Maître Vahramian, avocat de M.Nissanian, à Philippe Videlier : « Comment interprétez-vous la position des Historiens comme Günter Lewy ou Gilles Veinstein qui donnent une autre version ? »
Philippe Videlier : « Vous savez, il y a souvent des intérêts. Pour Bernard Lewis, [visiblement, il ne connaissait pas Günter Lewy] il avait écrit qu’il y avait eu un génocide arménien mais 15 ans après, ces deux mots ont disparu de son texte. Vous savez l’état turc injecte beaucoup d’argent pour financer le négationnisme. Concernant Gilles Veinstein, c’est pareil. Après son article ignoble dans l’HISTOIRE, il a fait marche arrière en disant qu’il était un spécialiste de l’Empire ottoman jusqu’au 18ème siècle mais pas au-delà, et cela pour pouvoir accéder à la chaire de turcologie au Collège de France. En plus, vous savez Gilles Veinstein est membre du Conseil d’Administration de l’Institut du Bosphore, financé par les fonds de l’état turc. Sont aussi membres de cet Institut du Bosphore, des gens comme le PDG d’Axa, il y a beaucoup d’argent en jeu ».
Un rapide coup d’œil au site web de l’Institut du Bosphore montre que d’une part, l’Institut du Bopshore est un organisme indépendant créé par le TÜSIAD, le patronat turc donc une organisation non-gouvernementale et d’autre part, le nom de Monsieur Veinstein ne figure pas dans le Comité exécutif de cet Institut.
Concernant Bernard Lewis, dans la première édition de The Emergence of Modern Turkey (1961), p. 350, l’auteur parle d’un « holocaust » avec une minuscule, ce qui signifie « catastrophe » en anglais (à distinguer d’ « Holocaust » avec une majuscule, qui est le terme anglo-saxon pour distinguer la Shoah). Bernard Lewis parle aussi d’un « combat désespéré entre deux nations » (la turque et l’arménienne). La deuxième édition est parue en 1968 et pas « quinze ans après ». Le terme « holocaust » y est remplacé par « massacre » (« slaughter »).

Curieusement, alors que le Président avait pourtant répété à plusieurs reprises que « le Tribunal ne prendrait pas position pour une thèse historique », les magistrats ont écouté avec intérêt l’autoproclamé « expert ès génocide arménien » Philippe Videlier qui n’a fait qu’exprimer son appréciation personnelle sans aucune nuance et en dénigrant de la façon la plus abjecte de grands spécialistes émérites mondialement reconnus.

Question de Maître Morel, avocat de Maxime Gauin : « Monsieur Videlier, connaissez-vous la définition du mot négationnisme ? ».
Philippe Videlier : « Non. [Silence, puis] mais je sais ce qu’il désigne pour nous les Historiens. La contestation du génocide arménien est considérée comme du négationnisme ».
Me Morel : « Je vais vous donner, moi, la définition officielle du mot négationnisme. Le Petit Larousse, de même que d’autres dictionnaires d’ailleurs, définit ainsi ce terme :
« Doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, et l’existence des chambres à gaz. ». Donc, ce mot s’applique spécifiquement au génocide juif. N’oubliez pas que nous sommes dans un tribunal et ici, seul le droit compte
 ».

Movsès Nissanian, conforté par les propos de son « témoin » dithyrambique, est revenu à la barre et cette fois, d’une voix rassurée, il a expliqué sur un ton très émotif qu’il était un « descendant du génocide arménien » et qu’il ne pouvait pas supporter que l’on « nie la réalité du génocide ». Ce jour-là, il aurait prononcé ses paroles à l’encontre de Maxime Gauin « après une longue réunion épuisante, et dans un contexte de pression des élections municipales et l’affaire avec Sirma Oran ».

Maître Xavier Vahramian, avocat au barreau de Lyon et défenseur de Movses Nissanian, a plaidé en invoquant l’excuse de provocation constituée selon lui par les articles de Maxime Gauin.

Sans contester l’adhésion de son client au parti social-nationaliste FRA Dachnaktsoutioun , il a relativisé le terrorisme arménien en arguant qu’il n’était « pas né de rien » et qu’il faisait « suite aux massacres d’Arméniens commis par les Turcs ». Grâce à lui, nous aurons également appris la raison de l’entrée de l’Empire ottoman dans la 1ère guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne : « C’est uniquement pour organiser et exécuter le génocide des arméniens » ! D’ailleurs, les officiers allemands, futurs nazis, se sont faits la main avec les Turcs.
Nul doute que Maître Vahramian est très docte en Histoire turque. Pourtant, l’historien arméno-américain Ronald G. Suny rejette cette idée aberrante, de même que les principaux spécialistes ayant travaillé sur l’entrée en guerre de l’Empire ottoman (David Fromkin, Kemal Karpat et Mustafa Aksakal).
Toutefois, Me Vahramian a reconnu que «  il n’y a aucune preuve d’un ordre des dirigeants ottomans » car, selon lui, « tout génocide est un crime parfait et ses exécutants font disparaitre toutes les traces ».
Et moi, qui pensais naïvement qu’il fallait des preuves pour accuser quelqu’un. Donc visiblement, quand il s’agit de la Turquie ou du pire des crimes : le génocide, l’obligation de preuve devient optionnelle...

Pourtant, le génocide juif, lui, a été clairement établi sur la base de preuves réelles et irréfutables. En outre, Me Vahramian s’est appuyé, à l’instar de son témoin douteux, sur des documents controversés comme les Mémoires de l’Ambassadeur Morgenthau qui ont été pourtant démenties par les archives personnelles de l’intéressé comme démontré par l’Historien Heath Lowry, professeur à l’université de Princeton. Un autre grand spécialiste que Philippe Videlier ne doit pas connaître…
Pour clore, Maître Vahramian a cité en exemple Reynald Beaufort, qualifié, lui aussi, de négationniste et assimilé, lui aussi, à un membre de milices pétainistes qui envoyaient les Juifs à Auschwitz « mais qui n’a pas porté plainte, lui ».
C’est vrai ça, mais pourquoi Maxime Gauin a honteusement refusé de se laisser injurier de nazi par Movses Nissanian !? Edifiant.

Les propos laconiques du Procureur ont étonné lorsqu’il a lancé « Une faute avouée est une faute à moitié pardonnée ». Le dictionnaire des adages aurait-il remplacé le code pénal ?
Propos curieux et troublants venant d’un homme qui a fait du Droit, son métier.

La décision du tribunal est mise en délibéré au mardi 2 mars 2010. Toutefois, le président a versé au débat l’éventualité d’une prescription de l’affaire. En effet, il ne peut s’écouler un délai supérieur à 3 mois entre deux actes en matière de presse.

Autrement, la culpabilité et la condamnation de Movsès Nissanian ne souffrent d’aucun doute si le tribunal fonde sa décision exclusivement sur les textes de lois.

En effet, avant ce procès, il a rendu une décision défavorable à l’encontre de Sirma Oran, en relaxant le Maire Jean-Paul Bret et en la condamnant pour procédure abusive. Le président du tribunal Monsieur Fernand Schir, après avoir appelé au strict silence, a tenu à expliquer longuement les motivations du jugement en rendant la décision publiquement.

Plusieurs points dans les motivations du tribunal suscitent l’incompréhension :

1) Le jugement conforte l’interrogatoire mené par M.Bret sur Mme Oran en expliquant qu’en raison du ‘rôle de l’état turc’ que « … nombre d’historiens se sont accordés à décrire comme “un négationnisme d’Etat puissant, pervers et sophistiqué”, il appartenait à M. BRET d’anticiper les attaques adverses … ».
Décidément, qu’il est pervers cet abominable état turc !

2) Le tribunal précise que l’interrogation de M.Bret sur Mme Oran n’était pas justifiée par ses origines turques mais par son engagement dans une association franco-turque (Horizons Turcs). Stupéfiant. Est-ce une faute que de s’engager dans la vie associative franco-turque ? Tout militant associatif franco-turc devra-t-il désormais subir un examen d’entrée en politique ?

3) La bienveillance de M.Bret à l’égard d’un parti extrémiste, en l’occurrence, la FRA Dachnaktsoutioun -son conseiller municipal Movses Nissanian en est adhérent- n’est nullement retenue. A l’inverse, le jugement voit en Monsieur Bret « un homme en faveur de la défense des droits de l’Homme » !

Sirma Oran, par la voie de son avocat, a indiqué qu’elle interjetterait appel.

A.A.
06/01/2010

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