ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Dans son édition du 25 mars 2009, le Canard Enchainé publiait un article ouvertement anti-turc. Ce texte ne semble être qu’une compilation de préjugés, de raccourcis et de contrevérités qui s’inspirent largement de la propagande des ultranationalistes arméniens et, en retour, la renforcent
Les lecteurs de Turquie News ont réagi et ont écrit au Canard Enchainé et nous ont fait parvenir leur lettre pour publication.

Nous vous invitons à faire de même pour que l’impunité dont bénéficient les ultra-nationalistes arméniens de France cesse, que la vérité soit rétablie. Les manoeuvrent sournoises dont usent les propagandistes arméniens amènent encore une fois un journal réputé à attiser de vieilles haines. La force de ces propagandistes réside, pour l’essentiel, dans l’ignorance de leurs cibles et dans la passivité des Turcs.


Histoire

La dérive turcophobe du Canard Enchainé

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La dérive turcophobe du Canard Enchainé

Madame, monsieur,

La ligne violemment antiturque du Canard enchaîné est indigne d’un hebdomadaire qui a combattu le bourrage de crâne, l’intolérance et le racisme depuis sa fondation. En particulier, votre article de ce jour « Tête de Turc ! » (p. 7) est aussi peu conforme à la réalité que ce qu’écrivait Maurice Barrès pendant la Première Guerre mondiale.

Quelques remarques :

1) Vous commencez en citant les phrases fameuses « Nous sommes tous des Arméniens ! Nous sommes tous Hrant Dink ! » Mais sans mentionner le fait qu’elles ont été scandées lors de manifestations rassemblant au total plusieurs centaines de milliers de personnes.

De même, dans votre article, on chercherait en vain, fût-ce au microscope électronique à balayage, la moindre allusion au terrorisme arménien, qui a sévi contre la Turquie et l’Azerbaïdjan jusqu’aux années 1990. Ce terrorisme-là, aucune association arménienne, en dehors de la Turquie, ne l’a condamné. Aucune manifestation d’Arméniens (sauf des Arméniens turcs) n’a jamais été organisée. Il y avait pourtant de quoi dire. Entre 1973 et 1997, les Commandos des justiciers du génocide arménien (CJGA, plus tard appelés Armée révolutionnaire arménienne), l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie (ASALA) et la Nouvelle résistance arménienne (NRA) ont tué au moins 70 personnes (dont 31 diplomates turcs, membres de leur famille, ou collaborateurs ; 5 agents des forces de l’ordre ; et 34 autres personnes), commis 43 tentatives de meurtre, pris 105 otages et fait exploser 160 bombes.

De 1989 à 1994, les attentats contre des cibles azéries ont fait des centaines de morts, et des centaines de blessés. Et ne parlons pas de l’invasion, par l’armée arménienne, de 20 % du territoire azerbaïdjanais, intégralement vidé de ses Azéris et de ses Juifs, au prix de milliers de morts et d’au moins 800 000 réfugiés.

Les CJGA/ARA étaient la branche terroriste de la Fédération révolutionnaire arménienne – Dachnaktsoutioune (FRA), le plus puissant parti au sein de la « diaspora arménienne ». Mourad Topalian, président de l’Armenian National Committee of America (ANCA, l’émanation de la FRA aux États-Unis, lobby qui brasse plusieurs millions de dollars par an) entre 1991 et 1999 a été condamné en 2001 à trente-sept mois de prison ferme et trois ans de résidence surveillée. Il avait stocké, jusqu’en 1996, des armes et des explosifs pour les CJGA/ARA. Et pour ce stockage, il n’avait rien trouvé de mieux qu’un lieu situé entre une école et une route à fort trafic. La chaîne américaine NBC a consacré un documentaire édifiant à cette affaire. L’émission est disponible en ligne :

Ara Toranian, président du Comité de coordination des associations arméniennes de France entre 2003 et 2007, toujours rédacteur en chef des Nouvelles d’Arménie, qui se pose en arbitre des élégances, a été porte-parole de l’ASALA entre 1976 et 1983, puis d’un groupe terroriste dissident, l’ASALA-MR, démantelé par la police avant d’avoir pu commettre des attentats. Il a aussi été le rédacteur en chef d’Hay Baikar (« Combat arménien »), journal soutenant fanatiquement la violence physique contre les Turcs, de 1976 à 1988.

Le même Ara Toranian a dû fermer le forum de réaction aux articles, puis le forum d’actualité en accès libre, de son site armenews.com, suite à une plainte pour provocation à la haine raciale et incitation au meurtre, puis une autre, pour diffamation cette fois. Les forums d’Armenews auraient fait passer ceux du Front national pour un lieu courtois et tolérant.

2) Le journal Taraf n’est pas libéral, c’est un journal d’extrême gauche, une extrême gauche à côté de qui Mme Laguiller a l’air de présider le MoDem.

Vous affirmez qu’en Turquie « le mot ‘Arménien’ est une injure », affirmation en vogue ces temps-ci chez les turcophobes professionnels, mais qui ne repose sur aucun début de preuve.

3) Vous dites que le « génocide arménien de 1915 » est « un sujet tabou ». La très officielle Société d’histoire turque a invité, dès 1990, la plupart des partisans du mot « génocide » à son congrès annuel, pour confronter les points de vue. Deux seulement ont répondu oui, Levon Marashlian et Anahide Ter Minassian, cette dernière s’étant décommandé au dernier moment. L’Arméno-Britannique Ara Sarafian et le très proarménien Hilmar Kaiser ont prononcé plusieurs conférences dans des universités turques, sur les évènements de 1915-1916, entre 2005 et 2009. Ils ont publié des articles dans des journaux turcs, y compris le quotidien conservateur Zaman, proche du parti actuellement au pouvoir.

Depuis 1992 au moins, des livres défendant la thèse d’un « génocide arménien » sont écrits, ou traduits, en turc, et vendu dans des librairies stambouliotes, sans susciter de poursuites judiciaires ou d’émeutes.

Si tabou il y a, il est en France et aux États-Unis, où la contestation de la notion de génocide vous vaut des bordées d’injures et de propos diffamatoires, des menaces mort, souvent des agressions physiques, et, dans un cas au moins, une véritable tentative d’assassinat. La description exhaustive serait fort longue, alors je vais essayer d’être bref, et m’en tenir à une description succincte de quelques cas exemplaires :

 Le domicile de Stanford J. Shaw et Ezel Kural Shaw, respectivement professeur et maître de conférences en histoire turque et ottomane à l’université de Californie, a été plastiqué par l’ASALA, une nuit d’octobre 1977, alors qu’ils s’y trouvaient, avec leur fille, alors âgée de treize ans. Si la bombe avait été placée plus adroitement, ils auraient été tués tous les trois.

En 1982, le bureau de S. J. Shaw à l’université de Californie a été saccagé par des voyous arméniens, encouragé par un collègue des Shaw dans cette même université, Richard G. Hovannisian. Toujours à l’instigation de M. Hovannisian, des étudiants arméno-américain ont systématiquement perturbé les cours du professeur Shaw, qui dut interrompre pendant plusieurs années son enseignement, et déménager hors du campus. Sa boîte au lettre a régulièrement été remplie de menaces de mort jusqu’aux années 1990. Finalement, la famille Shaw a déménagé en Turquie.

Le crime de S. J. Shaw et Ezel Kural Shaw ? Avoir écrit que le sort des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale est certes terrible, mais ne relève pas du génocide ; et que les volontaires arméniens de l’armée russe ont commis de grands massacres de musulmans et de juifs.

 L’éditeur des Shaw, responsable de l’antenne new-yorkaise des Cambridge University Press, a été physiquement menacé.

 Justin McCarthy, professeur d’histoire du Proche-Orient à l’université du Kentucky, ancien président de la section Histoire de cet établissement, vit sous la protection de la police américaine depuis 1983, ainsi d’ailleurs que sa proche famille. Son crime ? Le même.

 Gilles Veinstein, professeur d’histoire ottomane au Collège de France, a été victime d’une campagne ordurière, aux accents souvent antisémites, pendant deux ans (1998-2000). Elle a culminé avec une agression physique à Aix-en-Provence, en mai 2000, par des jeunes de la FRA. Le Canard enchaîné a-t-il alors défendu la liberté d’expression de M. Veinstein ? Je n’en ai aucun souvenir.

4) Le Code pénal turc a été voté par le Parlement turc, lui-même démocratique élu. L’article 301 n’est pas pire que l’article 543 du Code pénal espagnol, lequel punit de 7 à 12 mois de prison « les offenses et outrages contre l’Espagne, ses communautés autonomes [régions] et ses emblèmes ». La plupart de ceux ont été attaqués injustement au nom de l’article 301 ont été relaxés en première instance ou en appel ; Hrant Dink lui-même avait fait appel. L’article 301 a été récemment réécrit pour éviter les abus. Ceux qui avaient fait profession de l’utiliser, d’une manière tendancieuse, pour empoisonner l’existence de certains sont actuellement en prison pour complot contre la sûreté de l’État.

Au final, cet article est infiniment moins liberticide que la proposition Masse de 2006, ardemment soutenue par le Comité de coordination des associations arméniennes de France :

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=46792

Pour faire bonne mesure, l’association Liberté pour l’histoire a été traitée de « négationniste » (pas moins) pour s’être opposée à cette proposition de loi liberticide :

http://www.crda-france.org/fr/9genocide1915/f_6historiens1.htm

Faut-il insister sur le grotesque de votre accusation, selon laquelle « le lobby militaro-fasciste » « contrôle l’État » turc ? J’ose espérer que vous regrettez déjà d’avoir publié une pareille sottise.

5) Vous écrivez que « les traces de l’ancienne présence arménienne sortent de nouveau de l’ombre ». Mieux vaut sourire d’une pareille démonstration d’ignorance. Les 70 000 citoyens turcs de culture arménienne, et les 100 000 citoyens arméniens qui ont immigré en Turquie dans les années 1990-2000, disposent de quarante-deux églises en état de recevoir des fidèles (trente-cinq à Istanbul, sept en Anatolie), deux hôpitaux (l’hôpital arménien et l’hôpital arménien catholique), deux quotidiens, trois hebdomadaires, plusieurs dizaines d’écoles primaires et un lycée de réputation internationale. Le premier député de culture arménienne au Parlement de la République turque a été élu en 1935. Les Arméno-Turcs ont fourni à leur pays des dizaines de médecins réputés, d’universitaires, de musiciens.

Dès les années 1980, au plus fort de la campagne terroriste de l’ASALA et des CJGA, l’État turc a commencé a réhabiliter de vieilles églises arméniennes en Anatolie orientale, mal en point, mais pas plus que bien des mosquées seldjoukides, voire ottomanes, dans la même région. La dernière inauguration d’une église réhabilitée par les pouvoirs publics a eu lieu sur une île du lac de Van, en 2007.

Par contraste, il y avait 80 % de musulmans sur le territoire de l’actuelle Arménie en 1828, date de la conquête russe. Ils n’étaient déjà plus que 30 ou 40 % en 1913, après des campagnes d’expulsions et de massacres. Ils représentaient moins de 5 % de la population dans les années 1920, et ne sont même pas 2 % aujourd’hui. La plupart des mosquées d’Arménie, comme de l’Azerbaïdjan occupé, ont été détruites, transformées en étables ou en églises. Mais n’est-ce pas, ça concerne des musulmans, et des turciques en plus, pas de bons chrétiens.

6) Le décret de 1974, pour injuste et injustifiable qu’il soit, n’était pas un décret de saisie générale, contrairement à ce que vous insinuez. Ce texte était d’une portée limitée à quelques fondations. Il a été pris en pleine crise chypriote, quand le dictateur grec de l’époque (un ancien Waffen-SS, si ma mémoire est bonne), voulait envahir Chypre et éliminer physiquement la minorité turque. Ce n’est pas une excuse, mais une circonstance à connaître.

7) Hitler n’a eu besoin de personne pour imaginer la Shoah. La fameuse phrase qui lui est attribuée est un faux grossier, ainsi que l’ont démontré l’universitaire arméno-américain Robert John dans l’Armenian Reporter du 2 août 1984 (http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article191#02), puis Heath Lowry (codirecteur du laboratoire d’études turques et byzantines à l’université de Harvard, puis professeur à l’université de Princeton, excusez du peu) dans la revue Political Communication and Persuasion, III-2, 1985 (http://www.ataa.org/reference/hitler-lowry.html).

Hilmar Kaiser et Ara Sarafian, dont j’ai déjà parlé, ont dénoncé l’assimilation de la Shoah au cas arménien, assimilation qu’ils considèrent comme malhonnête, et relevant d’une mentalité de procureur.

Inversement, il n’est pas indifférent de savoir que le général arménien Kanayan, dit Dro, a commandé, de 1941 à 1944, le 812e bataillon arménien de la Wermacht, dont le principal fait d’arme reste la rafle de milliers de Juifs soviétiques, remis aux Einsatzgruppen pour être exterminés. Le général Dro, membre de la FRA, a été exfiltré aux États-Unis par ses camarades du parti. Il a clamé jusqu’à sa mort, en 1956, sa fierté d’avoir le Troisième Reich, et la parfaite continuité entre son engagement nazi et son engagement à la FRA.

On le croit sans peine, au vu de ce qu’il avait fait en 1918. Sur ordre des dirigeants de la FRA, Dro et ses hommes ont méthodiquement exterminé les Turcs de l’extrême nord-est de la Turquie, notamment au village d’Oba. Le charnier a été fouillé, par des archéologues de l’université d’Erzurum, en 1986, grâce aux documents d’archives et à deux octogénaires, témoins et survivants du massacre :

http://www.youtube.com/watch?v=Acsn-De8vCQ (en turc, sous-titré en anglais).

8) Ce que vous appelez la « turquisation forcée » fut, dans la majorité des cas, une simple mesure de survie. Voici en effet ce qu’avaient constaté le capitaine Emory Niles et Arthur E. Sutherland, enquêteurs officiels du gouvernement américain, missionnés en 1919 en Anatolie orientale :

« Dans toute la région qui va de Bitlis à Van en passant par Bayezit, nous avons été informés des dommages et des destructions causées par les Arméniens, qui ont continué à occuper le pays après que les Russes se furent retirés, et qui, au fur et à mesure que l’armée turque avançait, ont détruit tout ce qui appartenait aux musulmans. En outre, les Arméniens sont accusés d’avoir commis des meurtres, de viols, des incendies criminels et d’horribles atrocités en tous genres, contre la population musulmane. Au début, nous avons accueilli la plupart de ces histoires avec incrédulité, mais nous sommes finalement arrivés à les tenir pour vraies, étant donné que les témoignages à ce sujet furent absolument unanimes, et qu’ils ont été corroborés par des preuves matérielles. Par exemple, le seul de tous les quartiers qui soit intact dans les villes de Bitlis et de Van, c’est le quartier arménien, tandis que les quartiers musulmans ont été complètement détruits. »

Lire en ligne ce document d’archive, publié en 1990 : http://louisville.edu/a-s/history/turks/Niles_and_Sutherland.pdf

Les documents ottomans, russes, français, britanniques et américains sur les massacres et les destructions matérielles commis par les volontaires arméniens se comptant par centaines [1], je me contenterai d’ajouter le témoignage de Mehmet Saar, né en 1901 :

« Je suis du village de Göllü. Les Arméniens se trouvant à Van, en Erzurum, passèrent à l’action à la suite du départ de l’armée ottomane, se trouvant à Van, en Erzurum. Nos mères et nos pères furent tous massacrés par les Arméniens. Mon père, sergent de gendarmerie, fut également martyrisé dans la région. Tous les villageois de Molla Kasim, Amik, Göllü, Hidir, Kurtsatan, Köprüköy furent massacrés. Une partie de nos villageois, se réfugiant à Zeve, fut martyrisée là-bas. Nous pûmes nous enfuir. Les Arméniens commirent toutes sortes d’atrocités sur ceux qu’ils emmenèrent comme des prisonniers. Fendant les ventres des femmes enceintes, ils accrochèrent les fœtus à la pointe des baïonnettes. En attaquant tous les villages, ils les incendièrent. Ils massacrèrent tout le monde sans distinction, femmes, enfants, jeunes et vieillards. Les Musulmans des villages, que je viens d’énumérer, et les nôtres s’enfuyant de leurs villages, s’efforçaient de traverser le pont d’Ablengez, qui fut incendié par les Arméniens, et ma mère et mes deux sœurs et moi-même nous eûmes la vie sauve.

Ayant tué les prisonniers, les Arméniens les jetèrent dans la rivière d’Ablengez et leurs cadavres furent déversés le printemps dernier dans le lac de Van par les eaux provenant de la fonte des neiges. Ma mère, mes deux sœurs et moi-même et avancions dans la journée entre les semailles et dans les vallées en nous frottant coutre à la terre et nous nous reposions le soir dans les montagnes. Parce que nous savions très bien que les Arméniens nous tueraient s’ils nous attrapaient. En nous enfuyant à Diyarbakir, je perdis ma mère, ensuite ma sœur. Nous restâmes avec ma deuxième sœur pendant trois ans et la quatrième année nous nous en retournâmes à Van, dont tous les villages musulmans avaient été démolis et incendiés, les villages arméniens, n’ayant pas été incendiés, étant en bon état, nous y vécûmes jusqu’à l’arrivée de l’armée ottomane. Nous revînmes par la suite dans notre village que nous reconstruisîmes de nos propres mains.

Nous ne pouvons trouver aucun mot pour raconter les atrocités arméniennes, par lesquelles nous avons perdu nos familles, nos immeubles, nos meubles. Moi-même j’ai perdu non seulement ma mère, mon père, mes deux sœurs, mais aussi plusieurs personnes de ma famille, qui ont fait partie des millers de Musulmans qui ont été massacrés en s’enfuyant de-ci et de-là. Des milliers de Musulmans montés sur des voiliers au village de Parkat, près d’Adilcevaz, ont été dramatiquement égorgés, massacrés par les bandes arméniennes. »

Azmi Süslü, Van, Bitlis, Mus, ve Kars’taki Ermeni Katliamlar, Ankara, 1994.

Il a fallu non seulement trouver des maisons, des fermes, des mosquées pour ceux qui avaient tout perdu à cause des volontaires arméniens, mais aussi pour les centaines de milliers de réfugiés affluant depuis le Caucase russe, fuyant, pour la plupart, les atrocités de l’éphémère République d’Arménie. Voici comment un des responsables de cette purification ethnique décrivait son travail :

« J’ai tué des Turcs par tous les moyens possibles. Pourtant, il est parfois dommage de gaspiller de balles. Le meilleur moyen est de rassembler tous ces chiens et de les jeter dans des puits et ensuite remplir les puits avec de grandes et lourdes pierres, comme je l’ai fait. J’ai assemblé toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants, puis jeté des pierres, en grand nombre, sur eux. Ils ne doivent plus jamais vivre sur cette terre. »

Rapport cité par l’historien arménien A. Lalyan dans Revolutsionniy Vostok, n° 2-3, 1936.

Un autre, quoique moins fier du résultat, est tout aussi explicite :

« Nous avons fermé les routes et les cols de montagne qui pourraient permettre aux Tartares [en fait, aux musulmans caucasiens] de s’enfuir, puis nous avons procédé au travail d’extermination. Nos troupes ont entouré les villages les uns après les autres. Ces derniers n’offrirent que peu de résistance. Notre artillerie a réduit les habitations en tas de pierres et de poussière. Quand les villageois n’ont plus pu tenir, et ont fui dans les champs, les balles et les baïonnettes ont achevé le travail. Certains purent s’échapper, bien entendu, en franchissant la frontière turque. Le reste fut tué. »

Ohanus Appressian, Men are Like That, Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1926, p. 202.

9) Vous n’indiquez pas que les Arméniens d’Istanbul (160 000), Edirne (33 000), Izmir (13 000), Aydin (25 000), Kastamonu (13 700), Antalya (500), Maras (6 000) et Alep (25 000) ont été, en quasi-totalité, exemptés de déportation, de même que des milliers d’Arméniens catholiques, artisans, militaires ou appartenant à des familles de soldats.

Inutile également de chercher dans votre article la moindre allusion à la politique menée par Cemal Pasa, numéro 3 du régime jeune-turc, qui était en quelque sorte le proconsul du Comité Union et progrès au Proche-Orient. Hilmar Kaiser a tout récemment admis que Cemal était la personne ayant sauvé le plus d’Arméniens pendant la Première Guerre mondiale (http://www.todayszaman.com/tz-web/detaylar.do?load=detay&link=170297&bolum=101). La démonstration de M. Kaiser ne souffre que d’un défaut : il oublie de préciser que la politique de Cemal était aussi celle de Talat Pasa, ministre de l’Intérieur, puis Grand vizir, celui-là même qui est diffamé, pour des raisons purement politiques, comme « le cerveau du génocide ». De 1978 à 2007, les historiens turcs ont publié et traduits tous les documents nécessaires pour arriver à cette conclusion. Mon courriel étant relativement long, je n’en citerai que trois :

« La préfecture d’Erzurum nous a informé qu’une colonie de 500 Arméniens a été tuée par des membres de tribus entre Erzincan et Erzurum. Il faudra veiller à défendre la vie des Arméniens que l’on met sur les routes ; il faudra, bien entendu, châtier ceux qui, pendant leur transfert, tenteront de fuir, ainsi que ceux qui attaqueront les convoyeurs. Mais il ne faudra jamais mêler à cela la population. Nous ne devons laisser absolument aucune possibilité à ce que se reproduisent ce genre d’évènements. En conséquence, il faudra prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger les Arméniens contre les attaques de tribus et de villageois ; il sera également nécessaire de punir sévèrement les meurtriers et les voleurs »
Note codée envoyée par le ministère de l’Intérieur ottoman, 15 juin 1915, cité dans Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Genève, Triangle, 1984, p. 256.

« Il sera du ressort des fonctionnaires en service de s’occuper de la sécurité des biens et des personnes des Arméniens, de leur ravitaillement et de leur repos tout au long du chemin. »
Note codée envoyée par le ministère de l’Intérieur ottoman, au gouverneur de Mossoul, ainsi qu’aux sous-préfets d’Urfa et de Zor, 23 mai 1915, cité dans Gürün, op. cit., p. 255.

« Ministère de l’Intérieur – Direction générale de la sécurité
Secret

Message au gouverneur de Konya

Ahmed de Siroz et son ami Halil ont été transférés à Konya aujourd’hui, afin d’être jugés devant une cour martiale de la 4e armée, pour avoir assassiné des Arméniens et dérobé leurs biens. Il faut veiller à ce qu’ils ne s’échappent pas, à ce qu’ils soient mis sous bonne garde, jusqu’à réception des instructions de Djémal Pacha [numéro 3 du régime jeune-turc, responsable du Proche-Orient] à leur égard.

Le ministre [Talat Pacha]. »

Référence : Hikmet Özdemir et Yusuf Sarinay, Turkish Armenian Conflict Documents, Ankara, TBMM, 2007, p. 261.

Ahmed et Alil ont été condamnés à mort et pendus. Ils ne furent pas les seuls. Vingt autres ont été exécutés en 1915, après une comparution en cour martiale sur ordre de Talat. Fin 1915, constatant que bien d’autres criminels sont encore impunis, Talat crée plusieurs commissions d’enquête. Ces investigations débouchent sur le procès en cour martiale de 1 673 personnes, dont 67 sont condamnées à mort et pendues, 524 condamnées à une peine de prison, et 68 à d’autres peines, dont les travaux forcés.

Ma question sera donc simple : allez-vous vous démarquer du journalisme « à la française », fait d’arrogance et d’irresponsabilité, en me répondant ? J’en serais agréablement surpris.

Veuillez recevoir, madame, monsieur, les salutations indignées.


Paris.


[1Citons, entre autres : Kara Schemsi, Turcs et Arméniens devant l’histoire, Genève, Imprimerie nationale, 1919 (http://louisville.edu/a-s/history/turks/turcs_et_armeniens.pdf) ; Congrès national turc, Documents relatifs aux atrocités commises par les Arméniens contre la population musulmane, Istanbul, 1919 (http://louisville.edu/a-s/history/turks/atrocites_commises_par_les_armeniens.pdf) ; Documents on Ottoman Armenians, Ankara, trois volumes, 1982-1985 ; Ermeniler Tarafindan Yapilan Katliam Belgeleri, Ankara, deux volumes, 2001 ; État-major général turc, Armenian Activities in the Archive Documents, Ankara, ATASE, sept volumes, 2005-2007 ; Azmi Süslü, Russian View on the Atrocities Committed by the Armenians Against the Turks, Ankara, Köksay-Kök, 1991 ; Général James G. Harbord, Conditions in the Near East, Washington, Government Printing House, 1920, p. 9 ; Major Edward W. C. Noel, rapport du 12 mars 1919, cité dans Stanford J. Shaw, From Empire to Republic. The Turkish War of National Liberation, Ankara, TTK, 2000, tome II, p. 922 ; voir aussi Robert F. Zeidner, The Tricolor over the Taurus, New York, Peter Lang, 1996, et Justin McCarthy, Death and Exile. The Ethnic Cleansing of Ottoman Muslims, Princeton, Darwin Press, 1995.

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