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Les dessous des Mémoires de l’Ambassadeur Morgenthau

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III - Le but et la portée du livre

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 339
III - Le but et la portée du livre

Les questions-clés que le reste de cette étude va traiter se résument comme suit : quelle est la contribution de l’imagination journalistique fertile de Burton J. Hendrick à la partie de Ambassador Morgenthau’s Story qui n’est pas tirée directement ni du journal ni des lettres, et combien de tout ceci a été inventé par Morgenthau dans le but d’écrire un livre à sensation accablant les Turcs et les Allemands, et stimulant ainsi l’appui à la guerre parmi les Américains ? Dans le même ordre d’idée, quelle a été la nature de l’apport du Secrétaire d’État américain Robert Lansing ? C’est-à-dire, s’est-il simplement limité à censurer les révélations potentiellement embarrassantes de la part de Morgenthau, ou a-t-il eu un rôle actif, essayant de noircir la réputation des Turcs et des Allemands en conformité avec les buts fixés par son Président et ceux de l’auteur ?

Les opinions de Morgenthau sur le conflit entre Turcs et Arméniens étaient-elles façonnées par ses informateurs arméniens, Arshag K. Schmavonian et Hagop S. Andonian ? Plus important encore, quelles étaient les opinions réelles de Morgenthau sur les leaders turcs et les diplomates allemands avec lesquels il a traité durant son séjour à Constantinople et comment (et pourquoi jusqu’à une certaine mesure) ces opinions ont-elles été révisées deux ans après lorsque Ambassador Morgenthau’s Story a été écrit ?

Robert Lansing
Robert Lansing

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le livre de Morgenthau, il serait utile de mettre en évidence ses thèmes de base, qui sont au nombre de quatre, résumés comme suit :
 les motifs impérialistes allemands ont entraîné le naïf gouvernement Jeune-Turc à la guerre ;
 les chefs Jeunes-Turcs, particulièrement Talaat Bey et Enver Pacha, ont décidé, sous couvert de la guerre, de "turquifier" l’empire ottoman une fois pour toutes. En vue d’accomplir cet objectif, ils ont conçu et perpétré un plan pour exterminer la population arménienne qu’ils ont injustement accusée de complicité avec l’ennemi russe en temps de guerre ;
 Morgenthau était le seul interlocuteur essayant en vain de dissuader Talaat Bey et Enver Pacha de mettre à exécution leurs sinistres desseins d’exterminer les Arméniens ; et
 les efforts de Morgenthau ont échoué pour la simple raison que le seul homme qui aurait pu persuader les Turcs de revenir sur leur action, l’ambassadeur d’Allemagne, le baron Wangenheim, fut un spectateur indifférent et a refusé de parler au nom des Arméniens impuissants.

Les thèses de Morgenthau paraissent crédibles en raison du fait que tout au long du livre, son trio de malfaiteurs, Wangenheim, Talaat, et Enver, avouent eux-mêmes de leurs propres voix les crimes qui leur sont imputés.

Ainsi, à plusieurs reprises, Morgenthau fournit des récits à la première personne, complétés de citations, de commentaires soi-disant de leurs bouches qui confirment son affirmation quant à leurs rôles. Ainsi, le seul crime qu’ils n’ont pas confessé ouvertement à en croire le récit de Morgenthau est celui de "génocide" et seulement parce que le mot n’existait pas encore. Une question s’impose à nous qui est de savoir si ces prétendues conversations se sont réellement déroulées de la manière décrite par Morgenthau/Hendrick ? Pour répondre à cette question, nous devons comparer une série de déclarations dans le livre en les mettant en regard avec les récits correspondants tirés du journal et des lettres et avec les rapports soumis par Morgenthau au Secrétaire d’Etat Lansing, à Washington, D.C.

Tout d’abord, un fait est incontestable : aucune des déclarations données entre guillemets au long du livre, et prétendant être des commentaires faits par des officiels turcs ou allemands, ne sont basés sur des sources écrites. Il n’existe aucune déclaration de ce genre enregistré dans aucune source utilisée pour la rédaction de Ambassador Morgenthau’s Story. En d’autres termes, l’utilisation de ces déclarations entre guillemets n’est autre qu’une convention littéraire adoptée par Hendrick.

Son intention ne pouvait être que de rendre certaines de ces déclarations crédibles en utilisant le style direct. Même si cela n’établit pas de facto que ces déclarations étaient fausses, nous devrons pour le moins leur accorder un examen beaucoup plus minutieux que cela n’a été le cas jusqu’à présent.


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