Turquie News vous soumet la traduction d’un éditorial de Mehmet Ögütçü publié dans le quotidien Zaman en date du 3 octobre 2007.
Ögütçü reprend point par point les thèses et demandes des nationalistes arméniens et y répond avec objectivité.
Nous vous souhaitons bonne lecture.
Par Mehmet Ögütçü
Chaque seconde valait la peine le week-end dernier aux rencontres du parc Egrove de l’université d’Oxford portant sur les résultats et les recommandations de la Commission Caucase/Caspienne, qui seront communiqués à l’attention de l’UE et des dirigeants de la région, les 11 et 12 novembre à Londres.
Les deux jours de discussions ont paru minimes grâce à la vision d’ensemble éloquente, du représentant spécial de la Grande-Bretagne pour le Caucase, des défis quotidiens relevés dans la mosaïque colorée des pays de la région. Nous étions parmi des présidents de l’UE et de gouvernement, des médias et des représentants civils de la société d’Azerbaïdjan, de Géorgie et d’Arménie pour contribuer à la version finale du rapport de la Commission. Le vice-président Reha Denemeç du parti Justice et Développement (AKP), le professeur Mustafa Ayd ?n, titulaire de chaire des Relations Internationales de l’université Union des Chambres de Commerce et des bourses d’Echange(TOBB), (également vice-président de la Commission du Caucase, assisté de Dennis Sammut du réseau de l’information de Londres sur les conflits et les Bâtiments Publics ‘LINKS’), ont tous deux donné une prestation impressionnante reflétant la perspective turque dans les discussions et le projet de rapport.
Laissons de côte pour l’instant les discussions interminables sur la façon de résoudre les longs conflits caucasiens en Ossétie, Abkhazie et Haut-Karabakh, pour se concentrer sur un sujet ‘brûlant’ que nous avons abordé pendant une session informelle Turco-Arménienne avec quelques fractions arméniennes influentes. J’éviterai de les nommer sans permission, conformément aux règles de la Chambre de Chatham. Leurs points de vues sont en italiques et mes propres réponses précédés d’un point :
Le Turquie devrait immédiatement établir des relations diplomatiques avec l’Arménie, ouvrir sa frontière et lever l’embargo imposé à l’Arménie. Elle n’aide pas du tout à établir un lien direct entre ces gestes attendus d’Ankara et nos efforts de faire reconnaître le génocide arménien par le Congrès des Etats-Unis et les Parlements d’autres pays. Il y a eu beaucoup d’initiatives dans le passé pour la réconciliation à travers des médias, des hommes d’affaires, des organismes civils, des universitaires, des réunions secrètes derrière des portes fermées et des médiateurs étrangers — pourtant aucun n’a donné de résultats fructueux. À notre avis, un dialogue sans conditions de ‘gouvernement à gouvernement’ entre Ankara et Erevan est à faire, et nous devrions créer un tel mécanisme sans tarder pour qu’un dialogue véritable ait lieu. C’est la priorité numéro un.
Je suis tout à fait d’accord. Vous avez absolument raison de réclamer un mécanisme direct de dialogue ; cependant, ce n’est pas la priorité numéro un pour la Turquie comme ça l’est pour l’Arménie. Votre urgence est d’agir sur ces mesures, il est clair qu’elles travaillent pour fournir à la Turquie des appuis efficaces. Une fois que les raisons fondamentales qui ont amené la Turquie à prendre ces mesures, seront retirées de l’ordre du jour, un tel mécanisme peut être immédiatement établi. Comme vous le savez bien, les raisons qui demeurent sont, entre autres : l’occupation illégale de 20% du territoire azerbaidjanais, le statut du Haut-Karabakh, l’existence de bases militaires russes sur le territoire arménien, qui visent la Turquie, et le refus de l’Etat arménien de reconnaître officiellement les frontières actuelles avec la Turquie. Sans de sérieux progrès dans les conflits existants pour montrer la bonne foi de l’Arménie vis-à-vis de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, il serait très optimiste de voir la Turquie faire un pas dans la direction désirée par Erevan, comme si tout allait bien dans nos relations.
Le non maintien par la Turquie de relations diplomatiques normales avec l’Arménie et les menaces persistantes d’employer la force militaire, ont poussé l’Arménie aux bras de la Russie et de l’Iran pour la sécurité et le soutien. Etant donné notre faible participation à la politique de la Turquie, nous essayons de faire pression sur Ankara par nos liens stratégiques avec les USA, l’UE, la Russie et l’Iran — ceci étant réalisé dans une large mesure par les groupes de pression de la Diaspora arménienne. Ce qui ne veut pas dire que tout ira bien après que des relations diplomatiques appropriées soient établies entre nos deux pays, mais vous conviendrez au moins que les deux pays pourraient gagner une meilleure compréhension de leurs positions respectives et développer des solutions créatrices autrement que ce qu’ils pourraient réaliser par des contacts indirects. D’ailleurs, le dialogue direct avec l’Arménie augmentera probablement la volonté d’Ankara de servir de médiateur pour résoudre les conflits avec l’Azerbaïdjan et pour dominer le processus de dialogue lié à sa force économique, et à sa puissance militaire et diplomatique.
Il va de soi qu’Ankara n’est pas content non plus avec l’impasse actuelle de la situation. Nous ne voulons pas que la question arménienne prenne le devant de nos priorités nationales et internationales et qu’elle altère l’image de la Turquie comme puissance régionale efficace et la ballotte au gré des caprices des puissances étrangères. Il est également vrai que créant des occasions pour le commerce frontalier, l’investissement et d’autres échanges avec l’Arménie, cela ferait beaucoup de bien pour Kars, Ag(r ? et Erzurum. Cependant, le plus grand bénéficiaire d’un tel rapprochement serait assurément l’Arménie, une pays sans littoral, souffrant de difficultés économiques et sociales sérieuses.
En outre, n’oublions pas que l’Azerbaïdjan est de plus en plus riche et influent, et qu’elle peut décider de recourir aux options militaires — une fois qu’elle jugera que tous autres moyens sont épuisés et qu’elle est suffisamment équipée pour sauter le pas et ce dans un avenir pas trop éloigné — pour résoudre le conflit avec l’Arménie et libérer ses territoires occupés. Ses vastes ressources de pétrole et de gaz naturel ont pu rendre ceci financièrement possible. L’Arménie se trouvera alors dans une situation beaucoup plus mauvaise qu’aujourd’hui. Naturellement, pour que ceci se produise, la Géorgie doit empêcher la Russie de soutenir directement l’Arménie. L’Iran doit également être neutralisée en jouant sur l’influence des 25 à 30 millions d’Iraniens d’origine azérie. Avec un tel scénario, la politique de la Turquie sera décisive.
Par conséquent, nous partageons tous un intérêt commun en favorisant la stabilité, la sécurité et la prospérité dans le Caucase, en évitant l’usage de moyens militaires qui plongeront la région dans un chaos plus profond. L’important est que Erevan prenne les décisions en connaissance de cause. Sans aucun doute, ces étapes devraient être discutées et négociées d’abord puis transformées en actes concrets pour réaliser une formule « gagnant-gagnant » pour les deux côtés. De sorte que nos populations respectives puissent y adhérer, sans perdre la face, sur ce qui sera convenu à un niveau gouvernemental.
(à suivre)
source : Zaman