7 mai 2024

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100e anniverssaire de la république de Turquie

Le livre de Georges de Maleville

La tragédie arménienne de 1915


La tragédie arménienne de 1915

Conclusions

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Conclusions

Conclusions

La Turquie a d’abord été un Empire et l’on ne peut comprendre la Turquie moderne si l’on perd ce souvenir de vue.

On ne peut comprendre l’Angleterre insulaire de Mme Thatcher si l’on oublie que la reine d’Angleterre a aussi été Impératrice des Indes. La France moderne, "hexagonale", s’explique par les guerres d’Italie, par les campagnes perpétuelles en Allemagne et jusqu’en Russie, et par la conquête de l’Afrique.

De même, le "rectangle" que constitue aujourd’hui la Turquie kémalienne doit s’apprécier comme le noyau d’un énorme ensemble qui s’étendait jadis à l’ouest jusqu’à Vienne, au nord jusqu’en Crimée, au sud jusqu’à Aden.

Depuis la Renaissance, les Turcs ont été les premiers à bâtir un Empire en Europe continentale - mais leur entreprise a souffert de leurs habitudes de cavaliers nomades. Ils ne fondèrent pas de colonies importantes en dehors de l’Anatolie. A la différence de l’impérialisme russe, et surtout allemand, l’emprise turque sur les territoires conquis a été purement administrative, sans aucun peuplement que de petites garnisons. Et dès la conquête s’est posé pour la Sublime Porte le problème du maintien du pouvoir sur des territoires peuplés de population allogènes.

Dans les pays d’Islam, la communauté de religion a constitué, après que le Sultan ait repris le titre de calife, un lien entre tous les sujets de la puissance ottomane, lien d’ailleurs précaire à en juger par les rébellions albanaise, wahabite et surtout égyptienne.

Mais dans les régions de peuplement chrétien, la domination turque - même si elle a été souhaitée à l’origine comme en Hongrie ou en Crète - a été mal assurée dans la mesure où elle a, dès le début, été compromise par les entreprises des royaumes chrétiens limitrophes qui ont consacré leurs efforts à provoquer des rébellions sporadiques. La "Question d’Orient" n’a pas surgi au XIXe siècle ; elle se pose depuis la bataille de Mohacs (1526).

Dans ces provinces périphériques, éloignées de Constantinople, peu accessibles, sous-administrées malgré l’excellence de l’administration ottomane, les gouverneurs locaux se sont heurtés dès l’origine, de façon endémique, aux populations dont ils avaient à assurer la soumission et auxquelles les opposaient les différences de religion, de langue et d’ethnie.

Et les puissances voisines : Venise, Autriche, Pologne, Russie, n’ont eu de cesse - durant quatre siècles,- d’entretenir l’esprit d’insurrection parmi les populations limitrophes tombées - comme on disait alors "sous le joug" ottoman. La longue histoire - si brillante par ailleurs - de l’Empire ottoman n’est - en ce qui concerne les territoires à peuplement chrétien, que le récit d’une lutte intermittente contre des séditions toujours renaissantes.

La Turquie s’est trouvée de la sorte avoir à inaugurer, bien malgré elle, le recours à un procédé de lutte typiquement moderne, à savoir la contre-guerilla. Le scénario a, durant tout l’Empire ottoman, été le même : à l’occasion d’un incident mineur - dû à la maladresse ou à l’impopularité d’un administrateur local, éclate une émeute. L’incident se transforme immédiatement en soulèvement, grâce au concours de populations rurales insoumises, excitées par des agents étrangers et encadrées par des bandits de droit commun. Que va faire le Gouverneur turc ? Pour éviter que la rébellion ne s’étende, il va faire un exemple - frapper lourdement, durement, mais localement. C’est ce qu’attendent les Puissances limitrophes qui sont aux aguets et qui sont renseignées par leurs agents qui sont aussi les agitateurs :

Immédiatement, elles vont crier au massacre. "L’opinion" (on ne dit pas encore "l’opinion publique" - ni la "conscience universelle" - mais c’est la même chose) soigneusement orchestrée par les chancelleries des pays voisins de la Turquie va accuser le Gouvernement ottoman de "barbarie" (on ne parle pas encore de "génocide") et exiger une intervention en faveur des "victimes innocentes". Sous la menace diplomatique, voire militaire, le Gouvernement turc va être contraint de donner tous "apaisements" aux Puissances voisines quant au sort de ses propres sujets.

Ainsi s’institue, consacré peu à peu par la pratique, un droit d’ingérence de la communauté internationale dans les affaires turques.

Au fur et à mesure que les incidents se répètent et pour éviter - prétend-on - le renouvellement de ces révoltes qu’on encourage en sous-main, les gouvernements limitrophes vont exiger du gouvernement turc la constitution de "garanties" en faveur des populations prétendument opprimées. Et ces garanties prendront, bien entendu, la forme de missions diplomatiques étrangères sur place, voire de l’envoi de troupes en garnison.

Un tel processus, encourageant au maximum les tendances centrifuges par rapport au gouvernement ottoman, conduit inévitablement à l’autonomie des provinces périphériques, puis à leur "indépendance", laquelle d’ailleurs précède souvent de fort peu leur absorption dans l’Empire contigu.

Avec des variantes, un tel processus s’est déroulé systématiquement durant deux siècles dans toutes les provinces périphériques de l’Empire ottoman : en Crimée comme au Montenegro, en Serbie comme en Crète. Il allait s’enclencher enfin en Arménie quand l’Empire ottoman s’est effondré.

Et la Sublime Porte, comme tous les gouvernements pacifiques mais conservateurs, s’est vue - sans alliés sincères - prise au piège, aujourd’hui bien connu, utilisé par tous les mouvements révolutionnaires manipulés de l’étranger : le "cycle infernal" : provocation - répression indignation.

Nous connaissons bien aujourd’hui ce processus car il est universellement utilisé, dans la planète entière, par tous les mouvements révolutionnaires qui veulent substituer leur tyrannie aux gouvernements conservateurs en place. On déclenche artificiellement une campagne d’indignation, on accable le gouvernement avec un discours moralisateur qui vise à l’empêcher de se défendre, on flétrit comme des "monstres sanguinaires" les hommes au pouvoir de façon à compromettre ceux qui seraient tentés de les aider, avec l’intention bien arrêtée de prendre leur place.

L’Empire ottoman a été la première victime de ce procédé, ceci depuis plusieurs siècles. En Europe chrétienne, l’opinion "éclairée" était dès lors convaincue que les provinces chrétiennes de l’Empire ottoman étaient tout simplement livrées à des "irréguliers", "aux janissaires", "aux bachi-bouzouks", - troupes chargées de les ravager et d’y faire régner par la terreur la paix des cimetières. Le préjugé est fort ancien : quand Chateaubriand, en 1806, visite la Grèce et la Judée, il est convaincu - d’avance - que les fonctionnaires ottomans ne sortent de leur inaction que pour ordonner des massacres. Les Romantiques, Byron, Hugo, Delacroix achèveront de populariser ce cliché qui imprègnera la psychologie de la plupart des hommes d’État du XIXe siècle.

Alors que la Turquie, dans un effort désespéré, essaye de se réformer par le Tanzimat pour être admise dans cette Europe à laquelle elle a toujours voulu appartenir, les Puissances qui l’entourent, et qui font semblant de la conseiller, s’acharnent à démoraliser les dirigeants ottomans en les persuadant que leur effort est sans espoir puisqu’à tout moment éclatent dans les provinces périphériques de l’Empire des révoltes que le gouvernement turc serait impuissant à réduire si ce n’est en recourant à des actes de prétendue "barbarie". On entretient ainsi, de façon tout à fait délibérée, les dirigeants de cet État qui veut se rénover et s’affirmer, dans une attitude de désespoir et d’abandon progressif à la tutelle étrangère.

Après le désastre de 1877, alors qu’il est déjà trop tard, alors que la colonisation économique a déjà fait perdre à la Turquie son indépendance internationale, le sultan Abdul Hamid, dans un sursaut, s’enferme dans une attitude de xénophobie et de conservatisme absolu, - imitant inconsciemment et ce n’est pas un hasard - le comportement adopté à l’autre bout du monde et pour les mêmes raisons par sa contemporaine l’Impératrice chinoise Tseu-HI.

Puis l’Empire ottoman s’effondra dans la tourmente de la guerre mondiale.

Alors vint un homme qui se proposa de s’adresser aux Turcs seulement, rassemblés dans leur foyer d’Anatolie, et qui vint leur dire qu’ils étaient un peuple libre, pauvre mais digne, qu’ils pouvaient être des Européens s’ils le voulaient, qu’ils n’avaient pas à rougir de leur passé mais que, pour eux, seul devait compter le présent car l’Histoire se fait tous les jours.

Cet homme a rendu au peuple turc sa dignité et son espérance.

Et c’est en son nom, en tant que successeur d’Atatürk, que le Gouvernement turc, quelle que soit sa tendance, ne peut que repousser avec indignation la présente campagne "arménienne" de calomnies - dont les justifications actuelles n’existent pas et dont les intentions sont malhonnêtes.

Il appartient aux Européens de le comprendre.

Biographie

 Sur l’histoire générale de l’Empire ottoman et de la République turque, le meilleur ouvrage récent est : Stanford J. Shaw, History of the Ottoman Empire and Modern Turkey, 2 vol, Cambridge University Press, Cambridge (D.K.), 1977. (Très documenté et objectif).
L’Histoire des Turcs, de Richard F. Peters, Payot, Paris, 1966, est assez superficielle, et surtout intéressante pour la période kémalienne.
Bien meilleure est l’Histoire des Turcs de Jean-Paul Roux, Fayard, Paris, 1985.

 L’écriture arménienne de l’Histoire est principalement consignée parmi les auteurs récents, dans les ouvrages de Richard G. Hovannissian, Armenia on the Road to Independance, Los Angeles, 1967 - et de Christopher V. Walker, Armenia, the Survival of a Nation, Londres, 1980.

 Sur la tragédie de 1915, le point de vue turc est exposé de façon critique et documentée dans Kamuran Gürün, Le Dossier arménien, Triangle, Paris, 1984.

 La thèse du génocide des Arméniens est principalement soutenue par Gérard Chaliand et Yves Ternon, Le Génocide des Arméniens, Editions Complexe, Bruxelles, 1984 - et dans Tribunal permanent des Peuples, Le Crime de silence, Flammarion, Coll. « Champs », Paris, 1984.
Les autres ouvrages dans le même sens peuvent être négligés.

 Les documents d’archives concernant la période examinée, et notamment les télégrammes d’État-Major sont en cours de publication par les soins de la Direction générale de la Presse et de l’Information de la Présidence du Conseil à Ankara, sous le titre Documents sur les Arméniens ottomans et Documents militaires historiques. T. 1 : 1982 ; t. II : 1983 ; t. III : 1986 (reproduction photographique des documents ottomans avec traduction en français ou en anglais).

 Les documents de témoins oculaires allemands et les rapports des diplomates germaniques sont consignés dans le troisième ouvrage de Lepsius : Deutschland und Armenien, 1914 -1918, Sammlung diplomatischer Aktenstüche, Postdam, 1919 (à ne pas confondre avec le second ouvrage de Lepsius intitulé Bericht, qui est sans valeur probante).

 Les témoignages russes sur le comportement des Arméniens en Anatolie septentrionale ont été référencés dans le texte, et sont en partie reproduits dans l’ouvrage de Kara Schemsi : Turcs et Arméniens devant l’histoire, Genève, 1919.

 Les références des monographies traitant de points particuliers discutés ont été données en notes. Sur les faux télégrammes Andonian, on trouvera une étude critique et convaincante dans S. Orel et S. Yuca : Les télégrammes de Talaat Pacha, Triangle, Paris, 1986. (Reproductions photographiques des Télégrammes, reproductions de documents de comparaison, traduction et analyse critique).

 Sur les statistiques de la population arménienne, on consultera Gürün, op. cit., pp. 101-135, qui procède à une comparaison des diverses estimations selon les sources. La meilleure étude statistique récente est celle de Justin Mc Carthy, Muslims and Minorities : the population of ottoman Anatolia at the End of the Empire, New York Univ. Press, 1983.

 Sur la situation des Arméniens dans l’Empire ottoman avant 1914, le meilleur ouvrage récent est celui de S.R. Sonyel : The Ottoman Armenians ; Victims of great power diplomacy. K. Rustein, Londres, 1981, - bien documenté et modéré.
Les archives du Foreign Office relatives à la question arménienne ont été publiées, mais jusqu’à 1890 seulement, par les soins de la Société d’Histoire turque. V. B. Shimshir : British documents on Ottoman Armenians. Tome I, 1856-1880 ; tome II, 1880-1890. Société d’Histoire Turque, Ankara, 1983.

 Les documents concernant l’activité des organisations révolutionnaires arméniennes avant et après le déclenchement du conflit de 1914 (statuts, proclamations, correspondances) ont été reproduits dans l’ouvrage intitulé : Aspirations et agissements révolutionnaires des Comités Arméniens, Istanbul, 1917 - qui ne cite malheureusement pas les sources d’archives.
La meilleure étude récente sur cette question est celle de Louise Nalbandian : The Armenian revolutionary movement. Presses de l’Univ. de Californie, Berkeley, 1967.

 Le meilleur ouvrage récent sur l’histoire des républiques caucasiennes de 1917 à 1923 est celui de S. Afanasyan : L’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, de l’indépendance à l’instauration du pouvoir soviétique, L’Harmattan, Paris, 1981.

Les développements récents de l’affaire arménienne (Revenir au début) : Introduction

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