19 avril 2024

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Le livre de Georges de Maleville

La tragédie arménienne de 1915


La tragédie arménienne de 1915

Le prétendu génocide arménien (partie 1)

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Le prétendu génocide arménien (partie 1)

2ème Chapitre - Le prétendu génocide arménien (partie 1)

En abordant l’examen de ces faits douloureux, il convient d’être très précis, tant les événements dont nous allons parler ont déclenché de polémique. L’imagination s’affole en effet au récit de ces meurtres donc beaucoup ne furent que trop réels.

Nous examinerons donc successivement :

  • Les mesures prises par le gouvernement ottoman.
  • La cause desdites mesures.
  • Les conséquences indirectes de ces mêmes mesures.
  • Enfin, les causes réelles de ces terribles conséquences.

Nous entreprenons cette étude sans aucun parti pris, et donc, nous écarterons, comme ils le méritent, tous les préjugés qui ne soient pas confirmés par une documentation sûre.

Mais, nous rappelons d’autre part que, conformément au bon sens et à la logique élémentaire, c’est à celui qui avance une accusation contre quelqu’un d’en établir la preuve, car la répétition d’une affabulation, fut-elle systématique et acharnée, n’en a jamais constitué le bien fondé.

****
1- Les mesures prises par le gouvernement ottoman

En - nous l’avons signalé et nous y reviendrons - les communautés arméniennes étaient en rébellion dans toute l’Anatolie orientale. C’est dans ces conditions que fut diffusée, le (nouveau style) une circulaire du grand état-major à toutes les unités qui décide que (article premier) "les Arméniens ne pourront en aucun cas être employés au service armé" [1].

On désarma donc les Arméniens - qui étaient astreints au service militaire comme tous les Ottomans depuis la Révolution Jeune Turque de - et on les conserva sous les drapeaux comme service auxiliaire (intendance, génie, etc.). C’est dans cette mesure que les apologistes du génocide voient le premier pas accompli par les Turcs pour l’accomplissement de leurs ténébreux desseins : on aurait désarmé les Arméniens pour mieux les assassiner ensuite, une fois ceux-ci sans défense !

La puérilité de cette argumentation situe d’emblée le niveau - vraiment journalistique - de la controverse. Car si les Turcs voulaient vraiment exterminer le peuple arménien sans défense, ne valait-il pas mieux - plutôt que de le désarmer - ne pas l’avoir armé du tout ? Et si l’on a armé les Arméniens d’abord, pour les désarmer ensuite au bout de quatre mois de guerre, cela ne signifie-t-il pas que, contrairement aux dénégations acharnées de la thèse adverse, il s’est passé entre et , certains événements qui ont convaincu l’État-Major Ottoman de la trahison des sujets arméniens de l’empire, tels par exemple la désertion massive des conscrits arméniens emportant leurs armes ?

Nous y reviendrons mais nous tenons à signaler à quel niveau primaire et purement émotionnel, se situe cette énorme polémique.

La circulaire en question comportait d’ailleurs un art. 3 où il était précisé, après l’indication de diverses directives concernant la répression des rébellions éventuelles : "Partout où les indices d’agression n’auront pas été constatés, il faut, nonobstant la surveillance en vigueur, s’abstenir de tout acte qui pourrait constituer un acte d’oppression envers la population (arménienne) et serait de nature à la terroriser. Il faut ainsi renforcer la conviction que ceux qui ne se seront pas départis d’une attitude d’obéissance et de loyauté n’auront rien à craindre, et ne pas inciter la population à la révolte en la poussant au désespoir..."

Est-ce que ce sont là les propos d’un gouvernement qui s’apprête à massacrer la population dont il s’agit ? Or, on nous affirme - sans la moindre preuve bien entendu - que le même mois de février, le comité Union et Progrès avait arrêté définitivement un plan secret d’extermination [2]. N’aurait-il pas dû alors - aux yeux de l’opinion publique auxquels il tenait tant à cacher ses noirs desseins (si bien qu’on n’en a retrouvé aucune trace) - n’aurait-il pas dû, ce comité génocide, pousser les Arméniens à la révolte pour avoir un bon prétexte à les massacrer, plutôt que d’interdire à l’armée ottomane "tout acte d’oppression de nature à terroriser la population arménienne" ? L’argumentation de l’accusation est contraire au plus élémentaire bon sens.

Les mesures préconisées ne continrent malheureusement pas - nous le savons - la rébellion arménienne alimentée de l’extérieur. Bien au contraire – nous avons vu - à la mi-avril, toute la région de Van était en révolte et le gouverneur de la ville en avait été chassé de vive force. La rébellion locale était conduite, nous l’avons dit, par Pasdermadjian, ancien député du parti autonomiste Dachnak au Parlement ottoman et ancien co-auteur de l’attentat à la bombe dirigé en 1896 contre la Banque ottomane. La collusion entre les partis révolutionnaires arméniens et les ennemis de la Turquie était donc manifeste.

C’est dans ces conditions que, le , le ministère de l’Intérieur annonça par circulaire [3] la fermeture immédiate à Istanbul et dans les grandes villes, des Centres des Comités arméniens, l’arrestation de leurs dirigeants et la saisie de leurs documents. D’après les journalistes Hamelin et Brun, le , "600 personnalités écrivains, poètes, journalistes, politiciens" (on notera l’ordre des préséances choisi par Hamelin !) "médecins, avocats, juristes, professeurs, savants et prêtres étaient envoyés à la prison centrale" (p. 41) [4].

Les mêmes auteurs commentent (p. 42) : "Cette date du est considérée aujourd’hui comme le coup d’envoi d’une opération destinée à éradiquer totalement la population arménienne de Turquie. Avant d’assassiner un peuple, on cherche à étouffer sa voix. L’élimination des intellectuels laissait présager ce qui allait suivre. En réalité, le plan d’extermination était déjà en cours..."

On ne peut qu’être surpris en lisant ces lignes d’auteurs - bien entendu hostiles aux Turcs - de constater qu’ils avouent pompeusement que le "premier génocide du XXe siècle", en souvenir duquel les Arméniens mobilisent chaque année des foules et font élever partout des monuments, a consisté tout simplement dans l’embastillement de 600 "intellectuels" - en fait les cadres des partis révolutionnaires arméniens dont il était essentiel de faire cesser l’activité -, dont on ne peut manquer d’ailleurs d’être étonné qu’elle ait duré pendant six mois après le début de la guerre. Ce n’est pas cette arrestation qui peut choquer - tout gouvernement devait d’en faire autant ! - mais bien son caractère tardif !

Il est vrai qu’Hovannisian, auteur arménien, affirme froidement que les personnes arrêtées furent "déportées en Anatolie et mises à mort" [5]. Tous les auteurs hostiles aux Turcs, se copiant les uns les autres, répètent cette légende tenace. Elle n’a aucune espèce de preuve.

Sur les "600" "intellectuels" arrêtés - qui étaient des personnalités connues, certains ont été jugées - et sur ce point, le gouvernement turc actuel serait bien avisé de publier des documents d’archives - et les autres, assignées à résidence, ont suivi leur destin naturel durant le reste de la guerre.

Mais la légende contraire des 600 victimes est tenace et universelle. On en mesurera le sérieux quand on saura qu’il y eut, d’après les documents officiels ottomans, non pas 600 personnes raflées - mais bien 2 345 arrestations à la suite de la circulaire d’avril ! [6].

Si les vengeurs des Arméniens oublient les trois quarts des prétendues victimes, quel crédit accorder à leur récit ? Et quel crédit, au surplus, accorder à la prétendue innocence politique des personnes arrêtées, quand on prend connaissance du télégramme adressé au président des États-Unis dès le - deux jours avant les arrestations - par le Catholicos d’Etchmiadzine, primat arménien résidant en territoire russe, informant son correspondant que "d’après les informations qui lui sont parvenues... une terreur organisée met en danger l’existence du peuple arménien » et le suppliant d’intervenir « pour défendre son peuple qui a été abandonné à la violence du fanatisme turc ?" [7].

Ce télégramme a été reçu aux États-Unis le , jour même des arrestations. Or, nul ne conteste que le prétendu génocide n’a commencé qu’après le . L’attitude du Catholicos prouve donc deux choses :

  • d’une part, il a été informé, par une "fuite", de la circulaire en préparation. Il a espéré en empêcher la publication en provoquant une fois encore, une campagne d’indignation contre les Turcs dans la presse occidentale. Depuis trente ans, le procédé était usuel et efficace, avec toujours autant de mauvaise foi. Mais cette fois, les Arméniens ont été pris de court, la circulaire ayant été publiée précipitamment ;
  • d’autre part et surtout, dans son télégramme même, le Catholicos fait l’aveu que certains milieux arméniens de Constantinople correspondaient secrètement directement avec lui, en pleine guerre, alors que les soldats ottomans se faisaient tuer sur le front d’Anatolie en se battant contre les Russes. C’est le même Catholicos qui avait écrit le à Vorontzof, gouverneur général russe du Caucase - avant la déclaration de guerre turque il est vrai - mais après le début des hostilités en Russie, la lettre suivante : "Me fondant sur des renseignements obtenus par l’intermédiaire du Patriarcat d’Istanbul et de l’Assemblée nationale arménienne, nous demandons à votre Seigneurie de présenter à sa M. l’Empereur... les sentiments dévoués de ses fidèles sujets ainsi que l’attachement et la sympathie sans faille des Arméniens de Turquie..." [8].

L’initiative même du Catholicos en prouve à elle seule la trahison de certains milieux politiques arméniens d’Istanbul - et justifie donc à elle seule le bien fondé des mesures prises par le gouvernement turc pour essayer d’y mettre fin.

Ceci dit, il nous paraît essentiel de faire une distinction très nette et très précise, parmi les mesures prises par les Turcs, entre la circulaire du et ses mesures d’application, qui visent, d’après le libellé même du texte, certains Arméniens réputés dangereux, nommément désignés, - et les textes postérieurs prescrivant une déportation générale de la population arménienne. Les premières décisions sont des mesures de police, visant certains agitateurs politiques connus. C’est aux secondes et aux secondes seules que pourrait éventuellement être appliqué le qualitatif de génocide - étant donné leur généralité. Il nous paraît important d’insister à ce sujet, car les auteurs hostiles aux Turcs, eux, assimilent toutes ces mesures les unes aux autres de façon à étayer leur thèse d’un prétendu plan secret de génocide, mis au point de façon parfaitement arbitraire et sans aucune raison avouable, dès le début de l’année alors que les Arméniens des territoires turcs auraient été alors parfaitement dociles : la circulaire du a été provoquée par la révolte de Van et les révoltes immédiatement précédentes. La déportation, elle, trouve son initiative dans une lettre d’Enver, un peu postérieure, dont nous allons maintenant parler.

Rappelons qu’Enver Pacha, membre du triumvirat du comité Ittihad ve Terakki, ministre de la Guerre, s’était réservé plus particulièrement la direction des opérations sur le front de l’Est où ses initiatives avaient été malheureuses. A la fin d’avril, l’armée turque reculait vers Erzurum et l’insurrection de Van en avait chassé les Ottomans. C’est alors qu’Enver écrit ceci à Talaat Pacha, ministre de l’Intérieur, le  :

"Les Arméniens se trouvant autour du lac de Van... sont en état d’alerte et ont l’intention de prolonger l’insurrection. Mon objectif est de les déloger afin de dissoudre les foyers de révolte. Selon les informations que j’ai reçues, les Russes ont remis le à l’intérieur de nos frontières les musulmans qui se trouvaient chez eux.
En guise de riposte, et afin de parvenir à l’objectif mentionné, il faudra, ou bien envoyer les Arméniens et leurs familles à l’intérieur des frontières russes, ou bien les disperser de même que leurs familles dans diverses régions d’Anatolie. Je demande que celle des deux formules qui paraîtra convenable soit retenue et appliquée..." [9].

Cette lettre est absolument capitale et nous nous étonnons que les défenseurs de l’honneur des Turcs n’en aient pas plus fait état jusqu’à présent. En effet, l’authenticité de ce document n’est ni discutable ni discutée, et son contenu même prouve qu’elle n’a pas été écrite pour être publiée.

Or, cette lettre démontre avec une franchise un peu naïve :

  • que l’initiative de déporter les populations soupçonnées de sympathie avec l’ennemi n’a pas été prise par les Turcs, mais bien par les Russes, le , et que ce sont même eux qui ont donné à Enver l’idée d’en faire autant "en guise de riposte". (Les Turcs n’étaient pas révoltés contre les Russes) ;
  • que la nécessité de déplacer la population arménienne est apparue à l’esprit d’Enver Pacha à la suite de l’insurrection arménienne du lac de Van, et devant la persistance des foyers de rébellion ;
  • qu’Enver n’a d’ailleurs, à la date à laquelle il écrit, pas pris de décision sur le traitement des Arméniens insurgés et propose une alternative, "déloger" les Arméniens soit devant les lignes, soit sur leurs arrières ;
  • qu’enfin, les mesures envisagées par Enver ne concernant, à la date du , que la seule population arménienne insurgée d’Anatolie orientale.

Ce document capital démontre donc qu’il n’y a jamais eu, comme s’acharnent à le prétendre les ennemis de la Turquie, de plan secret d’extermination conclu au début de entre les dirigeants d’Union et Progrès - dont Enver était un des trois principaux membres - puisqu’à la date du , à peine trois semaines avant que les déportations ne soient ordonnées et ne commencent effectivement, aucun projet n’est arrêté dans l’esprit d’Enver et il s’agit encore d’une simple suggestion.

On peut se laisser aller à imaginer ce qui se serait produit si le gouvernement turc, au lieu d’adopter finalement la seconde suggestion d’Enver, apparemment la plus humaine, l’évacuation des Arméniens vers l’arrière, avait choisi la première solution et avait vidé l’Anatolie d’Arméniens en les poussant devant la ligne de front, comme les Russes le faisaient pour les Musulmans et comme les Arméniens choisirent pour eux-mêmes de le faire lors de la prise de Van par les Turcs : des centaines de milliers de personnes auraient erré entre les lignes, servant de cibles aux tirs, et une grande partie en aurait été massacrée.

Mais l’honneur des Turcs eût été sauf. On n’eût rien pu leur reprocher, d’autant moins qu’ils auraient copié le procédé des Russes.

Au lieu de cela, les Turcs ont choisi - maladroitement - la solution la plus humaine - le transfert à l’arrière, solution qu’ils ont mise en œuvre de façon plus maladroite encore. Et ce fut le drame.

Mais la conviction s’impose ici : il n’y eut pas de plan concerté d’extermination, il n’y eut pas de génocide. C’est ce que confirme l’examen chronologique des mesures prises : le , le commandement général (c’est-à-dire Enver) envoie au ministre de l’Intérieur (c’est-à-dire Talaat) la note suivante :

"Il a été décidé verbalement d’envoyer les Arméniens des provinces d’Anatolie orientale, de Zeytun et des autres lieux où ils sont en grand nombre, vers le sud de la province de Diyarbakir, la vallée de l’Euphrate, les environs d’Urfa et de Suleymanie.
Pour ne pas permettre la création de nouveaux foyers de sédition, il faudra se conformer aux principes suivants :

a) dans les endroits où elle sera envoyée, la population arménienne n’excèdera pas 10 % de l’effectif des tribus et des musulmans ; b) aucun des villages fondés par les Arméniens qu’on aura fait émigrer ne pourra dépasser 50 maisons ; c) les familles d’émigrants arméniens ne pourront pas changer de domicile, etc." [10]

La note en question est manifestement le prolongement, après discussions, de la lettre d’Enver à Talaat du . Le but de la mesure est clairement précisé, et il est le même que dans la lettre précitée : il s’agit d’éviter la création de foyers de sédition. Et il n’est pas question à cette époque de camps de concentration mais de villages créés par les familles arméniennes, répartis et dispersés parmi la population musulmane.

Notons au surplus que la sincérité de ce document ne peut sérieusement être mise en doute puisqu’il s’agit d’un écrit interne qui n’était nullement destiné à être publié.

Le même jour, , et manifestement au reçu de la note précédente, le ministre de l’Intérieur (Talaat) adressait à la Présidence du Conseil un mémorandum lui commentant les décisions prises. En voici le texte :

&nbsp "Une partie des Arméniens habitant les lieux proches de la zone des opérations gêne les mouvements de l’Armée impériale, agit en accord avec l’ennemi, et surtout rejoint les rangs de l’ennemi.

A l’intérieur du pays, elle attaque à main armée les forces armées et la population. Elle massacre, pille et met à sac les villes et les bourgades musulmanes et fait régner la violence... Certaines dispositions ont été prises afin d’écarter de la zone des opérations de tels germes de troubles... C’est ainsi que les Arméniens habitant les provinces de Bitlis, Van et Erzurum, ainsi que ceux habitant les cantons de Beylan, Cisri et Antakya, à l’exception de ceux des villes d’Adana, Sis et Mersin ont commencés à être dirigés vers les provinces méridionales... [11]"

Il s’agit évidemment d’une note politique et non plus juridique, expliquant les raisons de mesures dont on précise qu’elles ont déjà commencé à être mises en œuvre dans les jours immédiatement précédents. On peut donc situer aux alentours du 15 mai, le début, dans les secteurs les plus menacés, de la déportation des Arméniens. Les autorisations législatives ne viendront que quelques jours plus tard, les 27 et 30 mai.

Et c’est sur l’existence de ces agissements, avant toute sanction officielle du gouvernement dans son ensemble, que les auteurs hostiles aux Turcs se basent pour soutenir l’existence d’un deuxième pouvoir occulte, parallèle aux structures officielles, et ayant, lui, décidé dès février un massacre général : c’est absurde.

La procédure de déportation a été décidée "verbalement" - c’est Enver qui le précise le - à la suite de la demande formulée par celui-ci le . Elle a été mise en œuvre, très officiellement, à partir du 18 au moyen d’une note chiffrée envoyée ce jour au gouverneur d’Erzurum prescrivant l’évacuation des Arméniens vers Urfa, Moussoul et Zor [12].

Le , une autre note chiffrée, adressée aux gouverneurs de Van et de Bitlis leur donnait les mêmes directives. Bien plus les mêmes instructions chiffrées prescrivent déjà les mesures de protection qui seront ultérieurement adoptées par le gouvernement tout entier. La même note du précise : "Il appartient aux administrateurs en service de protéger la personne et les biens des Arméniens, de les ravitailler et de veiller à leur repos tout le long de la route [13]."

Le même jour, Talaat envoyait aux gouverneurs de Mossoul, Urfa et Zor, destinataires des Arméniens déportés, les instructions suivantes :

"Les Arméniens qui arriveront dans les régions d’établissement seront installés, soit de façon dispersée dans des résidences qu’ils construiront dans les villes et bourgades existants, soit dans des lieux qu’indiquera l’Administration où ils pourront construire de nouveaux villages.
"Il sera du ressort des fonctionnaires en service de s’occuper de la sécurité des biens et des personnes des Arméniens, de leur ravitaillement et de leur repos tout au long du chemin. Les Arméniens transférés pourront prendre avec eux toutes leurs affaires ne nécessitant pas de moyens de transport." [14]

Il n’y a pas la moindre raison de douter de la sincérité de ces instructions, chiffrées et destinées à rester secrètes. Et quand on prend connaissance, on ne peut qu’être stupéfait, puis indigné, de l’invraisemblable aplomb et de la gigantesque mauvaise foi avec lesquels les ennemis des Turcs persistent à soutenir aujourd’hui l’existence d’un plan prétendu d’extermination des Arméniens, dont ils n’apportent au surplus par la moindre preuve !

Et bien entendu, les instructions données, de sa propre autorité, par Talaat, furent confirmées - d’une part par une loi provisoire (décret-loi) du autorisant effectivement les commandants d’armées à procéder à des transferts de population [15] - et de l’autre par le Conseil des Ministres du qui délibéra longuement sur la question arménienne et adopta la décision suivante qu’il est nécessaire de citer [16] :

&nbp; "Parmi les Arméniens habitant les villages nommément cités "(dans la note de Talaat du )" ceux dont le transfert est indispensable seront menés et conduits en toute tranquillité sur les lieux prévus pour leur installation.
"En chemin, leur repos sera assuré, ainsi que la protection de leurs vies et de leurs biens, et, à leur arrivée, ce qui concernera leur installation.

"D’une manière absolue, leur nourriture leur sera fournie jusqu’à leur arrivée sur les lieux de leur installation... des biens et des terres leur seront distribués, en proportion de leur situation économique antérieure.

"A ceux qui en auront besoin seront attribués de la part du gouvernement les moyens de construire leur habitation, aux agriculteurs et aux artisans, les semences, les outils et les instruments.

"Les biens, effets et objets précieux demeurés dans le pays qu’ils auront quitté leur seront restitués de manière convenable, la valeur des demeures, biens et terres des émigrants... sera estimée et leur sera attribuée, etc."

Quand on connaît, comme nous le connaissons aujourd’hui, comment les choses se sont effectivement passées, dans quelles conditions presque toujours effroyables la déportation fut opérée, il y a quelque chose de sinistre à la lecture de ces prescriptions, d’un optimisme naïf et irréaliste. Nous aurons, hélas, l’occasion d’y revenir.

Mais en prenant connaissance de ces dispositions détaillées, arrêtées par la plus haute autorité gouvernementale de l’Empire ottoman, on ne peut plus mettre en doute ni la bonne foi ni la bonne volonté du gouvernement turc vis-à-vis des populations arméniennes que les nécessités de la conduite de la guerre le contraignaient à déporter.

Ceci est irréfutable pour tout lecteur de bonne foi - d’autant plus que les mesures arrêtées le 30 mai firent l’objet de tout un dispositif d’application très complexe. Un décret de juin 1915 stipule notamment : "(article 21) Si ceux qui émigrent sont attaqués, que ce soit dans les camps ou en cours de voyage, les agresseurs seront immédiatement arrêtés et déférés en cours martiale" (il y eut, effectivement, des centaines de condamnations capitales à ce titre). [17]

De même une deuxième loi provisoire, du , prévoit la vente aux enchères par une commission spéciale sous le contrôle des tribunaux des biens laissés par les transportés, et le dépôt du produit en Caisse d’Epargne à leur nom. On ne peut vraiment dire qu’il y ait eu, à ce titre, incurie législative. [18]

Les ennemis des Turcs refusent de prendre connaissance de ces textes. Ils ont leur réponse toute prête : le double langage. Tout cet arsenal législatif - effectivement peu appliqué, quand il le fut jamais - n’aurait été qu’une hypocrisie se surajoutant à la cruauté.

Voici ce qu’écrit M. Ternon qui se dit historien (Le crime de silence, p. 160) :

"En , tout bascule. Un plan général d’extermination, élaboré dans le plus grand secret, est mis en place.

"Les Préfets et les responsables locaux de l’Ittihad sont informés oralement ou par télégrammes des tâches qui leur sont affectées. L’exécution du programme est confiée aux gendarmes, etc."

Suivent vingt-cinq lignes de roman noir avec accumulation de détails - pour "faire vrai", sans aucun élément de preuve - qui se terminent par l’assertion suivante : "La censure militaire assurera la discrétion des opérations et bloquera l’information."

Les Turcs sont donc, pour M. Ternon, des gens aussi fourbes qu’ils sont cruels - mais où en est la preuve ?

La preuve, voici ce que Ternon en dit aussitôt : "Ce plan d’extermination ne peut pas être présenté comme pièce à conviction devant un tribunal. Le criminel s’est donné les moyens de son crime. Il est en mesure de le camoufler aussi soigneusement qu’il l’a exécuté. C’est donc indirectement par l’analyse des événements... que l’on peut affirmer que les meurtres commis... ne sont pas des faits isolés."

Et voilà : moins il y a de preuves, et plus la culpabilité est certaine - car cette absence des preuves démontre par elle-même l’habileté du criminel dans la destruction des indices - et prouve, par là même, la perversité de celui qu’on a choisi comme coupable !

Bien plus, s’il a accumulé des gestes en sens contraire, s’il a fait des déclarations qui l’innocentent (comme la décision du Conseil des Ministres), ce ne sont là que faux-fuyants et poudre aux yeux ! En se procurant ces alibis, le criminel, loin de s’innocenter, a démontré la pleine conscience qu’il avait de sa propre culpabilité, dont il a voulu échapper aux sanctions, etc.

Ce discours primaire et vengeur, très en vogue dans le monde marxiste, ne comporte qu’une lacune, fondamentale. C’est qu’on oublie de vous dire que le coupable est désigné d’avance et son crime défini avant tout examen. Il ne s’agit plus alors de démonstration, mais d’agitation politique. Il est regrettable que certains historiens, par ailleurs honorables, se soient prêtés à ce mauvais jeu : nous essayerons de comprendre pourquoi un peu plus loin.

Mais en attendant, nous pouvons balayer aux rebuts toute cette légende noire ; la réalité, dans l’affaire arménienne, est suffisamment pénible pour qu’on s’abstienne d’y ajouter toutes ces inventions.

2 - La cause desdites mesures

Examinons, en second lieu, les causes des mesures prises par le gouvernement ottoman :

La cause immédiate, nous l’avons signalé, fut le soulèvement de la province de Van. Mais elle ne fut pas la seule, il s’en faut de beaucoup.

Les historiens hostiles aux Turcs, dans leur argumentation, mettent systématiquement en avant le surnom de "nation fidèle" que les Ottomans avaient jadis donné aux Arméniens. Ils s’en servent pour soutenir que, lors des déportations, les Arméniens n’auraient été qu’un peuple doux et soumis, totalement inoffensif. Dans ces conditions, la décision de leur transfert, puis leur "massacre" n’auraient été qu’une mesure d’extermination pure et simple, inspirée par je ne sais quelle haine religieuse ou ethnique. Le caractère prétendument pacifique des Arméniens est essentiel pour la démonstration du "génocide".

Il est pourtant difficile à soutenir : il suffit, pour s’en convaincre, de constater le ton embarrassé de l’historien Ternon, hostile aux Turcs, qui écrit (Le crime, p. 156) : "(Au début de la guerre) il est certes évident que la population arménienne de l’Ottoman souhaite la victoire de la Russie, qui mettrait un terme à ces persécutions, mais rien, dans son attitude, ne vient extérioriser ces sympathies."

Tout ceci est faux : dès le début de la guerre, se multiplient, de la part des Arméniens, des faits très graves de désertion et de rébellion.

Il est exact qu’au congrès Dachnak (parti autonomiste arménien) qui se tint à Erzurum, en , juste avant la déclaration de guerre, "le parti veut que la Turquie demeure neutre et s’engage à collaborer avec le gouvernement pour éviter la guerre mais (décide que) si celle-ci éclate, les Dachnaks, comme tous les autres Arméniens, accompliront loyalement leur devoir" (Ternon, Le crime, p. 153). Ceci est un fait établi.

Mais M. Ternon oublie la suite. Voici ce qu’en écrit un auteur arménien, Papazian [19] : "Les leaders de la section arménienne turque des Dachnaks ne tinrent pas la promesse de loyauté faite à la Turquie lorsque celle ci fit son entrée en guerre. Leurs actions étaient influencées par les intérêts du gouvernement russe et ils ne tinrent aucun compte des dangers que cette guerre allait entraîner pour les Arméniens de la Turquie. La prudence avait été complètement abandonnée au grès des vents ... et un appel fut lancé pour que des volontaires arméniens aillent se battre contre les Turcs sur le front caucasien."

Et l’exemple de trahison vint de haut. L’historien, Rafael de Nogales [20], nous dit : "Lorsque les hostilités eurent effectivement commencé, le député d’Erzurum, à l’Assemblée ottomane, Pasdermadjian, passa dans l’autre camp, en Russie, avec presque tous les officiers et soldats arméniens de la IIIe armée." "Peu après, il revint avec ceux-ci. Ils commencèrent à incendier les villages et à frapper sans merci de leurs couteaux tous les paisibles musulmans qui leur passaient sous la main."

C’est enfin l’historien Clair Price qui écrit : "...Du côté de la frontière orientale, les Arméniens commencèrent à déserter pour passer dans les armées russes et le gouvernement d’Enver, douteux de la loyauté de ceux qui restaient, les sépara des forces combattantes pour les affecter à des bataillons du génie... En , Lord Bryce et "les Amis de l’Arménie" à Londres, commencèrent à rassembler des fonds pour armer ces déserteurs. On ne peut prétendre que les Russes demeurèrent indifférents devant l’appoint de ces volontaires. Finalement, fin avril, ceux-ci s’emparèrent de Van ... Et, après avoir massacré la population turque, ils livrèrent ce qui restait de la ville à l’armée russe [21]..."

Voilà donc comment est décrite - par ses propres amis - l’action de ce peuple prétendument soumis, loyal et pacifique. Il se fait armer par les Russes avec des fonds fournis par les Anglais et collectés par Lord Bryce qui, soit dit en passant, sera un des principaux accusateurs des Turcs lors de la campagne sur le "génocide" ! Et toute cette agitation eut, sur le plan militaire, des effets immédiats :

Dès la déclaration de guerre, la région de Zeytoun (en Cilicie près de Marache) est insurgée [22] et constitue un foyer de rébellion si important qu’en février 1915, l’ambassadeur de Russie à Londres effectuera une démarche auprès des Anglais en vue de ravitailler les 15.000 insurgés recensés par un débarquement à Antakya. (Signalons - pour souligner la gravité de la chose - qu’à la même époque, la Turquie était déjà sur la défensive aux Dardanelles) [23].

Dès le , on signale la formation de maquis dans la région de Van [24]. Le , une révolte a éclaté à Bitlis - ainsi qu’à Mus, où on signale - ce n’est pas un hasard - la présence du député de Van, Papazian, qui passera aux Russes [25].

Le , nous l’avons déjà dit, le gouverneur de Van signale 2.000 rebelles dans la région et il devra abandonner la ville le tandis que la population musulmane, chassée de ses foyers, erre à l’abandon [26].

Le , le gouverneur de Sivas télégraphie que "les Arméniens ont armé 30.000 personnes. 15.000 sont enrôlées dans l’armée russe... et il est définitivement établi que 15.000 autres vont attaquer l’armée turque sur ses arrières [27]".

Le , plus de 1.000 déserteurs sont arrêtés à Diyarbakir [28] - et ainsi de suite...

Tous ces faits sont établis par des télégrammes officiels d’État-major. Et dans ces conditions, alors que l’ensemble de l’Anatolie orientale est en insurrection, on voudrait imputer à crime au gouvernement ottoman d’avoir pris des contre-mesures pour assurer la sécurité de ses armées et de la population demeurée fidèle.

Les propagandistes de la cause arménienne savent bien qu’ils ne le peuvent pas. Et c’est pourquoi, dans leurs récits des faits, ils glissent prudemment sur ces révoltes.

Elles sont pourtant l’unique origine des mesures militaires ultérieurement prises - mesures sur lesquelles Enver s’interrogera encore le - nous l’avons vu.

Les Arméniens ont été - c’est Papazian qui l’a déclaré avec mélancolie - les artisans de leur propre malheur. Cédant à une propagande criminellement utopique, ils se sont révoltés et le gouvernement turc qui, en , avait à mener la guerre sur deux fronts à la fois, ne pouvait pas, en plus, tolérer sur les arrières du front oriental, la présence d’une population hostile, voire franchement rebelle. Il fallait qu’il réagisse.

Son attitude est amplement justifiée par des considérations purement stratégiques et la fable d’un prétendu plan secret d’extermination des Arméniens, pour prendre leur place, est aussi gratuite qu’elle est grossière.

Lorsque la Grèce entra en guerre contre la Turquie, en , il ne se passa rien de pareil - et les Ottomans n’envisagèrent nullement de déporter les Grecs, pourtant nombreux en Asie Mineure, auxquels les opposaient cependant des souvenirs douloureux. Pourquoi ? Parce que les Grecs ottomans se tinrent tranquilles. Il ne leur arriva donc rien de mal jusqu’à l’armistice d’.

Si les Arméniens avaient fait de même, la déportation, et les meurtres qui l’accompagnèrent n’auraient tout simplement pas eu lieu.

Dans tous les pays, sous tous les régimes, les états-majors des armées en campagne évacuent vers l’arrière les populations qui résident dans la zone des combats et peuvent gêner le mouvement des troupes - surtout si ces populations sont hostiles. L’opinion publique ne trouve rien à redire à ces mesures, évidemment pénibles, mais nécessaires : durant l’hiver 1939-1940, le gouvernement français radical-socialiste fit évacuer et transporter dans le Sud-Ouest de la France, notamment en Dordogne, l’ensemble de la population des villages alsaciens situés dans la vallée du Rhin, à l’Est de la ligne Maginot.

Cette population germanophone, et même parfois germanophile, gênait l’armée française. Elle restera dans le midi, loin de ses foyers évacués et parfois détruits, jusqu’en . Et personne, en France, ne cria à la barbarie.

Au surplus, le caractère purement stratégique de la déportation ordonnée en Turquie résulte de ce que la population arménienne des grandes villes, et notamment celle d’Istanbul, qu’on pouvait facilement contrôler, ne fut pas visée par les mesures prises.

L’intention qui guida les décisions arrêtées par le gouvernement ottoman est donc parfaitement légitime. On ne peut honnêtement formuler à ce sujet aucune critique. Mais l’exécution de ces mesures fut, elle, désastreuse et dramatique. C’est ce que nous allons maintenant examiner.

Le cadre historique des événements Le prétendu génocide arménien (partie 2)

[1Circulaire 8682 citée par Gürün, p. 248, avec références d’archives.

[2Ternon, Le Crime, cité en bibliographie, p. 159.

[3Gürün, p. 249.

[4Hamelin et Brun, La mémoire retrouvée, Paris, 1983.

[5Hovanissian, in Le Crime, op. cit., p. 45.

[6Chiffre dans Gürün, p. 249.

[7Citation intégrale dans Gürün, p. 246.

[8Esat Uras, Les Arméniens dans l’histoire et le problème arménien (en turc), Istanbul, 1976, cité, par Gürün, p. 231.

[9Cité par Gürün, op. cit., p. 242, qui donne les sources d’archives.

[10Gürün, p. 249, même remarque que (26).

[11Gürün, p. 250, qui reproduit Bayur, Histoire de la révolution turque, d’après les procès-verbaux officiels.

[12Gürün, p. 254, qui cite les sources d’archives.

[13Ibidem.

[14Gürün, p. 255, même remarque que (29).

[15Texte complet in Gürün, op. cit., p. 250.

[16Gürün, p. 251, reprenant Bayur, op. cit.

[17Gürün, p. 254, qui cite d’après Sonyel, Shoking new documents, Londres, 1975.

[18Gürün, p. 254, qui cite d’après Sonyel, Shoking new documents, Londres, 1975.

[19Papazian, Patriotism perverted, Boston, 1934. Cité par Gürün, p. 230.

[20Rafael de Nogales, Four years beneath the Crescent, New York, 1926. Cité par Gürün, p.232.

[21Clair Price, The rebirth of Turkey, New York, 1923. Cité par Gürün, p. 234.

[22Gürün, p. 235, qui cite les télégrammes d’archives.

[23Gürün, p. 244, qui cite les archives du Foreign Office.

[24Gürün, p. 238, qui cite les sources d’archives.

[25Dito, p. 239, même remarque.

[26Gürün, p. 240, même remarque que note (41).

[27Dito, p. 243, même remarque.

[28Ibidem.

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