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dimanche 24 septembre 2023

La fin de l’Empire Ottoman et les appétits coloniaux.

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 914
La fin de l'Empire Ottoman et les appétits coloniaux.

Sykes-Picot, c’est sous cette appellation que les accords qui prévoient le partage du Moyen-Orient et de l’Anatolie entre la France, la Grande Bretagne et la Russie tsariste seront signés le 16 mai 1916 à Downing Street (résidences du Premier ministre britannique). Ils portent ce nom en référence aux diplomates anglais et français, Sir Mark Sykes et François Georges-Picot, qui avaient la charge de les conclure.

Anglais, Français et Russes ont depuis longtemps des vues sur le Moyen Orient et l’Anatolie. Si pour les Russes l’accès aux mers chaudes passent par la conquête de l’Anatolie, pour les Français et Britanniques il s’agit d’une part de développer leur domination coloniale et d’autre part contrôler les réserves pétrolières de la région (1), qui, avec la mécanisation de la guerre, ont pris une importance fondamentale.

La France a une présence ancienne dans la région et a réussi à s’y imposer dès le XVIIIème siècle, en "obtenant un Protectorat catholique". D’abord limité aux "religieux catholiques envoyés par le Saint-Siège dans l’Empire à des fins missionnaires" (2), la France, tirant prétexte de ce privilège, étendra ce Protectorat au Liban puis à la Syrie, ce qui consacre son influence dans la région.

La suprématie de la France sera contestée par les Britanniques qui ont également des visées sur les zones de domination française. Néanmoins, à la veille de la Première guerre mondiale c’est bien la France qui est la puissance coloniale prépondérante dans cette région.

La première guerre mondiale, qui précipite la chute de l’Empire Ottoman, sera ainsi l’occasion pour les différentes puissances impérialistes d’atteindre leur objectif, en dépeçant l’Empire. A cette fin, Français, Britanniques ou Russes pousseront à la révolte et armeront les populations de l’Empire contre les Ottomans. Cette politique de soulèvements contre le pouvoir central ottoman sera habilement légitimée en faisant valoir le principe du "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes".

Bien entendu, pour les pays coloniaux, les peuples qui constituent l’Empire Ottoman n’ont que peu d’importance, l’essentiel étant la domination de la région - domination conditionnée à l’affaiblissement de l’Empire. Si bien que, comme le rappelle l’historien Henry Laurens (1), ce principe du "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" n’est pas très clair dans l’esprit des Occidentaux - vaut-il, pour le Président américain de l’époque Woodrow Wilson, "pour les peuples non blancs comme les "bruns" (les Arabes) et les "jaunes" - pour les "noirs", il n’en est pas question".

Evidemment, le peuple noir étant fortement présent aux Etats-Unis, lui accorder le droit à l’autodétermination reviendrait à démembrer les Etats-Unis, ce dont il ne peut être question... Nous voyons ici toute l’ambiguïté de la politique occidentale qui, déjà à cette époque, consiste à instrumentaliser les droits de l’homme à des fins économiques et politiques.

Ainsi, Arabes, Grecs, Assyro-chaldéens, Kurdes et Arméniens, sous l’influence, l’appui et la protection des forces de l’Entente, se soulèveront contre les Ottomans qui perdront nombre de leur territoire. En 1915, Français et Anglais attaquent avec des moyens considérables (15 divisions, plus d’une vingtaine de navire de guerre) le détroit des Dardanelles afin d’ouvrir la voie vers Istanbul (3). L’échec, côté forces de l’Entente, à cette bataille (qui fera 250 000 morts de chaque côté) ne remet pas en cause les politiques colonialistes françaises et britanniques.

En 1916 seront donc signés les accords de Sykes-Picot qui partagent en zones d’influence le Moyen Orient et l’Anatolie. La France revendique "son influence par un protectorat sur une "Syrie intégrale" ou "Syrie naturelle" s’étendant des plaines de Cilicie (au sud de la Turquie actuelle) au Sinaï et du littoral méditerranéen à Moussoul" (2) (ville riche en pétrole).

Pour les Ottomans, l’entrée en guerre en novembre 1914 avait pour objectif de s’affranchir des dominations étrangères et mater les rébellions nationalistes et les autonomismes locaux, qui aura pour conséquence des répressions sanglantes ainsi que des déplacements de population. Peine perdue, en 1918 les Empires centraux (dont l’Empire Ottoman) perdent la guerre et le 11 novembre l’armistice est signé.

Des négociations serrées s’engagent alors entre les forces victorieuses pour le partage et le contrôle de la région. La France et le Royaume-Uni s’opposent sur les "zones d’influence" qui revient à chacun - "à la conférence de Versailles, dans les négociations entre Lloyd George et Clemenceau, ce dernier reste ferme sur la présence française en Syrie" (2). Finalement, un accord est trouvé à la conférence de San Remo (en Italie) en avril 1920. Cette conférence se solde par le traité de Sèvres qui signe le dépeçage et l’effacement de l’Empire Ottoman.

L’occupation, par les vainqueurs, des anciennes provinces ottomanes se fait sous la forme de mandats - qui représentent une solution moins coûteuse que l’occupation directe. Des projets d’oléoducs destinés à transporter le pétrole d’Irak vers la Méditerranée voient rapidement le jour - "les Français disposeront d’un quart des parts (ultérieurement 23,75 %) au sein du consortium chargé d’exploiter ce pétrole" (1).

Une fois la victoire acquise et les accords signés, le principe "du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" sera vite oublié. En effet, pour imposer le régime des mandats en Palestine, en Syrie et en Irak, Français et Britanniques" engageront des opérations débouchant sur une guerre pour mater les populations indigènes."

Côté turc, à la même période, un jeune militaire, Mustafa Kemal, héros de la bataille des Dardanelles, organisera la résistance en vue de libérer la Turquie de l’occupation étrangère. Le 19 mai 1919, il se rend dans la ville de Samsun (Est de la Turquie) d’où il prépare la guerre de libération qui aboutira le 24 juillet 1923 au Traité de Lausanne qui remplace le Traité de Sèvres, et à la création de la Turquie moderne le 29 octobre 1923.

(1) "Comment l’Empire ottoman fut dépecé" : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102#nh6/www.monde-diplomatique.fr

(2) "Le retournement de la diplomatie française envers la Syrie par le rapprochement franco-américain. (et ses conséquences sur le Liban) : http://www.univ-paris1.fr/IMG/pdf/M2R_RI_-_Hainaut.pdf

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_Dardanelles