Le mardi 5 février 2013, la radio franco-turque « Made in Turkey » qui avait dédié son émission à la Belgique, a interviewé sur ses ondes un invité de marque : Didier Reynders, Vice-Premier ministre, Ministre fédéral des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes.
C’est avec franchise que le ministre belge a répondu aux questions de Özcan Mit, l’animateur de l’émission « Politika ».
L’interview a débuté sur le vif avec des sujets brûlants de l’actualité française. A la question de l’animateur : « notre pays la France est engagée dans une guerre au Mali depuis le 11 janvier dernier et nous avons le sentiment qu’elle est délaissée par ses alliés notamment en Europe. Pourquoi la Belgique ne s’engage pas plus au Mali aux côtés des Français ? », le ministre belge a rétorqué que certains pays avaient opté pour une engagement politique mais que la Belgique s’était engagée sur le terrain en fournissant du matériel et des hommes.
Parmi les premiers thèmes abordés figurait le mariage homosexuel. Alors qu’en France les débats passionnés se multiplient, en Belgique, la légalisation du mariage homosexuel remonte à 2003, et celle de l’adoption par deux personnes du même sexe à 2006. Didier Reynders a affirmé être surpris face à l’ampleur qu’a pris ce débat, et a invité les Français à aller voir de plus près les résultats de l’ attitude positive des Belges à l’égard de l’homosexualité, tout en soulignant la nécessité d’être vigilant au risque d’homophobie.
Au cours de cet entretien qui promettait de porter principalement sur les relations belgo-turques, le ministre des Affaires étrangères a dressé un bilan très positif de l’immigration turque dont le cinquantenaire sera commémoré l’an prochain puisque l’accord entre la Belgique et la Turquie a été signé le 16 juillet 1964. Monsieur Reynders a souligné la bonne intégration des Belges d’ascendance turque sur tous les plans, notamment culturel et politique, de la société.
L’animateur Özcan Mit a rappelé que la Belgique avait signé récemment avec la Turquie un accord pour la lutte contre le terrorisme et a précisé qu’un accord similaire existait entre la France et la Turquie depuis fin 2011 et grâce au travail notamment du juge français Thierry Fragnoli, les activités criminelles du PKK sont en baisse dans l’Hexagone. Le ministre Reynders a alors précisé la mise en place d’une trilatérale ministérielle : Affaires étrangères, Justice et Intérieur entre la Belgique et la Turquie afin d’obtenir plus d’efficacité. « L’objectif de cette plateforme vise à mener un dialogue entre les autorités politiques des deux pays sur des sujets d’intérêt commun, particulièrement la lutte contre le terrorisme, la coopération policière et judiciaire, ainsi que la coopération en matière consulaire et de gestion des migrations. ».
L’animateur a égratigné le ministre sur la fuite des mains des autorités belges, en 2006 de la militante du groupe DHKP-C d’extrême-gauche, Fehriye Erdal, condamnée à quatre ans de prison par un tribunal de Bruges et recherchée pour crime en Turquie. Le ministre a rappelé que l’accord permettrait également de lutter plus efficacement sur de tels dossiers tout en se défendant de tout « soupçon de complicité » relaté par la presse à l’époque des faits.
Le ministre Reynders s’est félicité du bilan très positif de sa visite officielle en Turquie en octobre 2012 aux côtés du Prince héritier Philippe et de son épouse la Princesse Mathilde en compagnie de 312 entrepreneurs belges. Il a été rappelé que la Turquie représente le 14ème client économique de la Belgique, qui se classe elle-même au 17ème rang de ses fournisseurs. Avec 4,7 milliards d’euros d’exports en 2011, la Turquie serait même le quatrième partenaire non-européen du Royaume après les États-Unis, l’Inde et la Chine, selon une étude du groupe financier ING.
Concernant l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, Didier Reynders a rappelé la position favorable belge et a insisté sur la volonté d’ancrer la Turquie dans une relation forte avec l’UE dans la perspective de son adhésion future. A une question de l’animateur lui demandant pourquoi la Turquie est l’unique pays candidat à l’UE à qui son histoire est opposée, le ministre a rappelé qu’il ne pouvait parler que pour la Belgique et que son pays ne s’en tenait qu’aux seuls critères de Copenhague, sous-entendant que tout autre critère notamment relatif à l’Histoire était exclu.
Lorsque l’animateur de Politika a avoué son effarement en raison du harcèlement que les élus belges d’ascendance turque (environ 7 parlementaires, 1 maire et d’innombrables échevins et conseillers) subissent en raison de leurs origines, notamment sur les massacres d’Arméniens, le ministre Reynders a précisé que ces harcèlements ne les avaient pas empêchés d’être élus mais que la turcophobie et le racisme étaient sévèrement combattus en Belgique.
Il n’a pas manqué de préciser que la Turquie joue un rôle important sur le plan régional et géopolitique, et a attiré l’attention sur son « effort extraordinaire d’accueil de réfugiés syriens ».
Quant à la question arménienne, le ministre belge a conclu qu’il regrettait que des propositions de dialogue et de réconciliation n’aient pas pu aboutir. Il a insisté sur l’importance d’ouvrir les portes de dialogue et la nécessité de faire un travail de mémoire collective dans chacun des deux pays.