9 juin 2010
Un courrier adressé aux sénateurs français où Betula Nelson (Foreign Media Relations Coordinator) explique la censure des lobbies arméniens en France dans le domaine de l’histoire.
Je vous laisse découvrir sa lettre du 9 juin au Sénat français.
Courrier aux sénateurs français sur le "sujet arménien" [ASOUK]
Monsieur le Sénateur, Madame la Sénatrice,
Nous avons appris avec regret que le Comité de coordination des associations arméniennes de France (CCAF), soutenu par certains parlementaires du Parti communiste, du Parti socialiste, du Nouveau centre, voire de l’UMP, a intensifié récemment ses pressions sur le Sénat français. Les nouveaux co-présidents du CCAF sont Ara Toranian et Mourad Papazian. M. Toranian a été le président du Mouvement national arménien pour l’ASALA, branche politique de ce groupe terroriste [1]. Collaborateur du journal Haïastan dans les années 1980, M. Papazian a été, en France, le partisan le plus vipérin d’un autre groupe terroriste arménien, les CJGA/ARA, mutipliant les articles à la gloire des assassins, insultant les policiers qui arrêtaient les terroristes, et les magistrats qui les condamnaient [2]. Ni l’un ni l’autre n’ont exprimé le moindre regret pour leurs activités de jeunesse, bien au contraire.
Le but de ces pressions, dirigées par des personnes aussi contestables, est d’obtenir le vote, par le Sénat, de la proposition de loi qui rendrait illégale toute contestation de la qualification de « génocide » pour le sort des Arméniens ottomans.
Nous, Société Atatürk du Royaume-Uni, voudrions vous rappeler qu’il n’y a aucun consensus entre historiens pour dire que les pertes arméniennes de la Première Guerre mondiale constituent un génocide, tel que défini par la convention des Nations unies de 1948. À ce jour, il n’existe aucune résolution engageant l’Organisation des nations unies [3], ni aucun verdict d’une cour pénale internationale soutenant l’accusation de « génocide » dans ce cas. Au contraire, en 2004, la Cour de justice des communautés européennes, en première instance puis en appel, a rejeté la requête de Grégoire Krikorian et de l’association Euro-Arménie, fondée sur les accusations de « génocide », et les a condamnés à payer les frais de publication du jugement [4].
Dès lors, nous pensons que ce sujet n’a pas à faire l’objet d’un vote au Sénat français, ni dans n’importe quelle autre institution politique.
En 2008, une vingtaine de grands historiens européens lançaient l’appel de Blois :
« Inquiets des risques d’une moralisation rétrospective de l’histoire et d’une censure intellectuelle, nous en appelons à la mobilisation des historiens européens et à la sagesse des politiques.
L’histoire ne doit pas être l’esclave de l’actualité ni s’écrire sous la dictée de mémoires concurrentes. Dans un État libre, il n’appartient à aucune autorité politique de définir la vérité historique et de restreindre la liberté de l’historien sous la menace de sanctions pénales.
Aux historiens, nous demandons de rassembler leurs forces à l’intérieur de leur propre pays en y créant des structures similaires à la nôtre et, dans l’immédiat, de signer individuellement cet appel pour mettre un coup d’arrêt à la dérive des lois mémorielles.
Aux responsables politiques, nous demandons de prendre conscience que, s’il leur appartient d’entretenir la mémoire collective, ils ne doivent pas instituer, par la loi et pour le passé, des vérités d’État dont l’application judiciaire peut entraîner des conséquences graves pour le métier d’historien et la liberté intellectuelle en général.
En démocratie, la liberté pour l’histoire est la liberté de tous [5]. »
Suite à cet appel, le président de l’Assemblée nationale française, M. Accoyer, avait dirigé une mission d’information, dont le rapport concluait sur la nécessité de ne plus voter de nouvelles lois mémorielles [6]. Le CCAF ne peut donc plus se prévaloir de la position de l’Assemblée nationale.
Au 12 janvier 2010, 1 252 personnes, dont plusieurs centaines d’historiens, avaient signé l’appel de Blois [7].
Nous vous soumettons la déclaration de l’eurodéputée libérale Sarah Ludford, porte-parole de son parti pour la justice et les droits de l’homme, vice-présidente de la délégation du Parlement européen aux États-Unis, concernant le débat au Congrès américain sur la question arménienne.
Elle a vivement critiqué le vote de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, qualifiant le sort des Arméniens en 1915 de « génocide », déclarant :
« Les États-Unis comme l’Union européenne ont approuvé cette idée bienvenue d’une commission mixte d’historiens turcs et arméniens pour établir la vérité au sujet des nombreuses et tragiques pertes humaines qui ont eu lieu il y a près d’un siècle. Cela n’a aucun sens, pour des étrangers — américains ou européens — de se mêler de cette question avec leurs gros sabots, et de préjuger du résultat d’une recherche aussi délicate.
Il ne fait pas de doute qu’il y ait eu des déportations, entachées d’atrocités, provoquant la mort de nombreux Arméniens. Mais le déroulement précis des faits, le contexte de guerre et l’étendue des massacres commis réciproquement contre des Turcs, tout cela nécessite d’être mieux compris.
Le terme “génocide” est très strictement défini par la convention de 1948 : l’intention appliquée d’exterminer un groupe ethnique, national ou religieux. Il est complètement irresponsable d’utiliser ce terme sans avoir établi complètement les faits concernant le cas arménien, et de laisser ainsi croire que les déclarations en ce sens sont motivées par des raisons politiques, voire religieuses.
C’est pourquoi, en tant qu’eurodéputée, j’ai toujours refusé de qualifier les évènements de 1915, préférant attendre la conclusion d’une recherche honnête et objective. Ce n’est pas une échappatoire, c’est une manière d’agir avec intégrité. »
Nous sommes d’accord avec Mme Ludford : ces évènements s’étant produits en 1915, le monde doit encore apprendre sur cette histoire, de façon détaillée. Afin de savoir ce qui s’est passé pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement turc a soutenu la recherche consacrée à ce sujet, et a d’ores et déjà ouvert les archives ottomanes, y compris militaires, à tous les historiens, quelle que soit leur nationalité. Dans un entretien au quotidien turc Today’s Zaman (22 mars 2009), Hilmar Kaiser, historien partisan de la qualification de « génocide » dans le cas arménien, a félicité les responsables des archives turques et ottomanes pour la facilité d’accès qu’ils garantissent aux documents, et le sérieux de leurs pratiques. À l’inverse, les archives de la Fédération révolutionnaire arménienne — parti dont M. Papazian, co-président du CCAF, est aussi un dirigeant — sont hermétiquement closes aux chercheurs indépendants, s’ils veulent travailler sur la Première Guerre mondiale.
Le gouvernement turc a également proposé à l’Arménie, depuis 2005, la création d’une commission mixte d’historiens, qui étudierait ces tragiques évènements, en utilisant tous les documents utiles. Une réponse positive se fait toujours attendre, du côté d’Erevan. Le CCAF et ses principales composantes, à commencer par la FRA, sont eux, violemment hostiles à l’idée même d’une commission d’historiens [8].
À cet égard, il est très important de noter que beaucoup d’historiens, turcs et non-turcs, véritablement spécialistes du sujet, rejettent la qualification de « génocide » dans le cas arménien, et présentent la décision de réinstallation forcée qu’a pris le gouvernement ottoman comme une mesure de sécurité, rendue nécessaire par les conditions de la Première Guerre mondiale : notamment Edward J. Erickson (université de Leeds), Michael M. Gunter (université du Tennessee et université internationale, Vienne), Bernard Lewis (université de Princeton), Guenter Lewy (université du Massachusetts-Amherst), Gilles Veinstein (Collège de France), Justin McCarthy (université du Kentucky) et Andrew Mango (université de Londres).
« La communauté arménienne de Turquie n’était pas simplement “une minorité chrétienne désarmée”, et il n’est pas acceptable de discuter des évènements survenus en 1915-1916 sans mentionner le rôle de cinquième colonne joué par les révolutionnaires arméniens [9]. »
En effet :
« Les archives indiquent que les lignes de communication ottomanes en Anatolie orientale étaient particulièrement vulnérables, et que les Arméniens avaient la capacité de les bloquer ou de les détruire. Toute interruption, même brève, du flux logistique, aurait été très inquiétante pour l’armée ottomane. Les archives montrent aussi clairement que les Ottomans n’étaient pas préparés à une insurrection de grande envergure, et que la guerre contre-insurrectionnelle, d’abord localisée, a dû être généralisée. Enfin, les forces régulières disponibles et capables de briser l’insurrection étant fort peu nombreuses, une stratégie de réinstallation forcée de la population civile était cohérente avec les stratégies contre-insurrectionnelles de cette époque. [...]
Rien ne peut justifier les massacres d’Arméniens ni faire conclure que l’ensemble de la population arménienne des six provinces d’Anatolie [orientale] consituait une menace active pour la sécurité de l’Empire ottoman. Toutefois, il est possible d’affirmer que le gouvernement ottoman considérait les Arméniens comme une grave menace pour les Troisième et Quatrième armées, que le renseignement militaire et les préoccupation de sécurité ont conduit à cette décision. On peut également dire que la réaction ottomane a été progressive, répondant aux insurrections, plutôt que préméditée et préparée à l’avance. Dans ce contexte, la décision ottomane de réinstallation se comprend mieux comme une solution militaire à un problème militaire [10]. »
En conséquence, nous demandons aux sénateurs français de résister aux tentatives sans fondements juridique ou éthique de leur extorquer un vote, tentatives dirigées par ceux-là même qui glorifiaient le terrorisme arménien dans les décennies 1970 et 1980. Nous demandons aux sénateurs français d’avoir confiance dans la liberté d’expression, cette valeur de la Révolution française.
Vous trouverez ci-joint deux articles importants, écrits par deux éminents spécialistes britanniques, dont l’avis ne doit pas être ignoré.
Nous faisons confiance à la rigueur de votre jugement et votre engagement pour la défense de la justice et de la vérité.
Sincèrement vôtre,
Betula Nelson
Foreign Media Relations Coordinator
ASOUK, London
ASOUK – İADD Site Atatürk
Word Press
Source/Lien : Word Press Angleterre
à lire également :
[1] Gaïdz Minassian, Guerre et terrorisme arméniens, Paris, PUF, 2002, pp. 46 et 65-66 ; voir aussi Michael M. Gunter, “Pursuing the Just Cause of their People”. A Study of Contemporary Armenian Terrorism, Westport-New York-Londres, Greenwood Press, 1986, p. 35., et le rédacteur en chef du journal Hay Baykar, qui appelait à la violence à chaque numéro, jusqu’à la fin de sa parution, en 1988[[En particulier dans l’édition du 29 septembre 1982, dont l’éditorial appelait à multiplier les attentats comme celui commis, le mois précédent, contre l’aéroport d’Ankara. Neuf touristes avaient été assassinés.
[2] Haïastan, septembre-octobre 1980, juillet 1981, février, mai et juin 1982, avril 1983, numéro spécial de février 1984, décembre 1984, décembre 1986, etc.
[3] « En ce qui concerne l’Arménie, l’ONU n’a exprimé, en aucun cas, une quelconque position, sur ces évènements qui ont eu lieu bien avant que l’Organisation ne soit fondée. (As for Armenia, in any case, the UN hasn’t expressed any position on incidents that took place long before the United Nations was established.) » Farhan Haq, porte-parole de l’ONU, 9 avril 2007 :
http://www.un.org/News/briefings/docs/2007/db070409.doc.htm
[7] http://www.lph-asso.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=61:liste-des-signataires-de-lappel-de-blois&Itemid=14&lang=fr
[9] Guenter Lewy, The Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press, 2005, pp. 268-269.
[10] Edward J. Erickson, « The Armenians and Ottoman Military Policy », War in History, avril 2008, p. 167, article disponible en ligne : http://www.tc-america.org/media/Ericson_militarypolicy1915.pdf