La tension restait très vive mercredi dans le sud-est de la Turquie au lendemain d’une série de violentes manifestations kurdes contre le refus du gouvernement d’intervenir en Syrie qui ont viré à l’émeute et fait au moins quatorze morts.
A Diyarbakir, des militaires et des blindés patrouillaient dans les rues de cette ville de plus d’un million d’habitants, désertes après une nuit de violences et de pillages, selon un correspondant de l’AFP. Huit personnes ont été tuées et plus d’une vingtaine blessées mardi, dont au moins deux policiers, selon le décompte des médias turcs.
Dès le début de l’après-midi, les premiers affrontements y ont opposé des manifestants kurdes aux forces de l’ordre. Dans certains quartiers, des militants proches du mouvement terroriste du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont utilisé des armes à feu contre la police, qui a riposté avec les mêmes moyens.
Des heurts tout aussi violents ont également été signalés entre les Prokurdes et des partisans de partis islamistes comme le mouvement Huda-Par, accusés d’être favorables aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui font le siège de la ville syrienne kurde de Kobané, à proximité de la frontière turque.
Le couvre-feu, qui n’avait pas été imposé en Turquie depuis 1992 lorsque la rébellion armée du PKK battait son plein, doit rester en vigueur jusqu’à 03H00 GMT jeudi matin.
La compagnie nationale Turkish Airlines a annulé jusqu’à nouvel ordre tous ses vols vers Diyarbakir. Dans les autres villes du sud-est où certains districts ont été placés sous couvre-feu (Batman, Mardin, Mus, Van et Siirt).
Outre le sud-est du pays, de nombreuses manifestations ponctuées d’échauffourées entre protestataires et forces de l’ordre ont eu lieu dans tout le pays, notamment à Istanbul, dans la capitale Ankara, ainsi qu’à Adana, Antalya ou Mersin (sud).
Menaces
La police a interpellé au moins 98 personnes à Istanbul, a annoncé le gouvernorat.
Dans toutes les villes, la contestation a fait d’importants dégâts matériels, les manifestants brûlant ou dégradant de nombreux bâtiments publics, des véhicules ainsi que des permanences du Parti de la justice et du développement (AKP), qui règne sans partage sur le pays depuis 2002.
Mardi soir, le vice-Premier ministre Yalcin Akdogan a mis en garde les manifestants. « Nous ne tolèrerons jamais le vandalisme et les autres actes de violence qui n’ont pour seul but que de perturber la paix », a-t-il lancé.
A Ankara, le Premier ministre Ahmet Davutoglu a convoqué pour 11h00 GMT une réunion de sécurité pour faire le point sur les événements, qui ont mis en danger le processus de paix mené depuis deux ans avec le PKK.
Mobilisés à l’appel du principal parti politique kurde de Turquie, le Parti démocratique du peuple (HDP), les Kurdes de Turquie —plus de 15 millions de personnes soit 20% de la population turque— dénoncent le refus d’Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe), en passe de tomber entre les mains de l’EI malgré les frappes répétées des avions de la coalition.
Malgré le feu vert, la semaine dernière, du Parlement à une opération militaire contre l’EI, Ankara s’est jusque-là refusé à intervenir pour venir en aide aux combattants kurdes qui défendent Kobané, pourtant à portée de canons des chars de l’armée turque.
Le chef emprisonné du PKK Abdullah Öcalan a prévenu que la chute de Kobané signerait la fin du processus de paix engagé il y a deux ans entre Ankara et son mouvement pour mettre un terme à un conflit qui a fait quelque 40.000 morts depuis 1984.
Dans un message relayé mardi par son frère, M. Öcalan a laissé au gouvernement jusqu’au 15 octobre pour relancer les pourparlers.
« La paix menacée », a titré mercredi le quotidien à gros tirage Hürriyet.
avec AFP