Tous les historiens et les juristes s’accordent à dire que ce n’est pas au politique de déterminer l’Histoire dans une démocratie. Or, depuis bientôt 15 ans à chaque approche d’une échéance électorale, certains élus instrumentalisent une époque historique, en l’occurrence la question arménienne, en proposant et en votant des lois sur l’Histoire.
Enième épisode de ce feuilleton qui commence à lasser, même les acteurs les plus farouchement opposés à la Turquie : le 5 juillet dernier le Ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius assurait à son homologue turc, Ahmet Davutoğlu, qu’il n’y aurait pas de nouvelle loi en France concernant la question arménienne. Tohu-bohus des activistes arméniens et de ses représentants, Mourad Papazian et Ara Toranian.
Deux jours plus tard, le Président François Hollande appelait au téléphone l’activiste Mourad Papazian pour lui assurer qu’il y aura bien une loi, information relayée par toute la presse française après confirmation de l’Elysée sur la position de Monsieur Hollande.
Cet épisode vérifie encore une fois que les « amis » encombrants finissent toujours par vous nuire. En effet, les Français, de gauche comme de droite, sont très vivement opposés à cette instrumentalisation politicienne de l’Histoire.
Par ailleurs, il n’est pas assuré, en cette période de crise, où les Français sont confrontés à des difficultés économiques importantes et où l’UE fait face à la possibilité de son délitement, de voir le gouvernement absorbé par des activités anticonstitutionnelles [1] d’ordre communautariste [2] et politiciennes, ce qui ne relève pas du meilleur effet électoral.
Il n’est pas plus assuré que les électeurs trouvent légitime l’appel téléphonique du Président, dont la fonction exige une certaine hauteur de vue et de posture, à l’endroit d’activiste communautaire pour rendre des comptes et assurer qu’une loi sur l’Histoire sera bien votée. Est-ce le rôle d’un Président que de placer comme interlocuteur de la France un activiste connu pour son extrémisme et ses injonctions contre les élus de la République ?
En effet, Mourad Papazian est le co-président du parti « révolutionnaire arménien » FRA-Dachnaktsoutioun pour l’Europe de l’Ouest. Ce parti d’idéologie d’abord marxiste a évolué vers un ultranationalisme qui s’est doté d’une branche armée terroriste, l’Armée révolutionnaire arménienne (ARA), auteur d’assassinats de diplomates et d’attentats contre des cibles turcs. L’attentat suicide contre l’Ambassade de Turquie à Lisbonne est d’ailleurs commémoré [3] tous les ans par la FRA-Dachnaktsoutioun, dont Mourad Papazian est donc un co-président.
En outre, Monsieur Papazian, lors de ses discours, n’hésite pas à prendre à partie les élus de la République en leur intimant l’ordre de voter des lois pro-arméniennes, en les insultant ou en menaçant d’une « radicalisation » de leur mouvement [4]. Ces appels à la radicalisation ayant des effets politiques dangereux sur son auditoire qui crie à la « lutte armée » ou au terrorisme lorsqu’une décision va contre sa volonté [5].
Plus politiquement, cette nouvelle loi sur les évènements de 1915, loin de résoudre quoi que ce soit, ou de permettre des rapprochements ente la Turquie et l’Arménie, créera des tensions, alimentera le communautarisme, en incitant les communautés à réclamer des lois particulières, portant préjudice au « vivre ensemble » et enfin, ce qui davantage néfaste, désignera une partie de la population française, celle d’origine turque, à la vindicte politique, médiatique ou terroriste et au ressentiment général.
Dans une Europe où les partis d’extrême droite ont le vent en poupe, que François Hollande suive la même voie et use des mêmes méthodes politiciennes que l’ancien Président Nicolas Sarkozy n’est certainement pas ce que les électeurs confiants en la démocratie attendent d’un gouvernement de « gauche ».
Lien/Source : Au Tour du Monde