« Nous avons déjà livré 200 djihadistes à la France »
« Nous avons déjà livré 200 djihadistes à la France »
Reportage réalisé par le journal « le bien publique »
le lien vers le « le lien publique » : http://www.bienpublic.com/actualite/2018/02/17/nous-avons-deja-livre-200-djihadistes-a-la-france
Ismail Hakki Musa, ambassadeur de Turquie en France, loue la coopération antiterroriste avec Paris, et revient sur l’intervention turque en Syrie, la question kurde et les divergences avec les États-Unis.
Pourquoi la Turquie intervient-elle en Syrie depuis le 20 janvier ?
« Le but de l’opération « Rameau d’olivier » est de nettoyer la région d’Afrine des terroristes des YPG (*), ce n’est pas une opération contre les Kurdes. Cette organisation terroriste a étendu son contrôle géographique à 30 % du territoire syrien, grâce à la complicité de la coalition, et notamment des États-Unis, alors qu’ils disaient vouloir défendre « l’intégrité territoriale de la Syrie ». C’est une anomalie de l’histoire : comment un monde libre et capitaliste peut-il se livrer à un soutien sophistiqué d’une organisation à l’idéologie marxiste-léniniste ? L’Occident est aveuglé. C’est une insulte ancestrale à notre civilisation : les YPG n’ont pas combattu seuls Daech et sauvé le monde. Avec les forces d’opposition syrienne, nous avons éradiqué dans la vallée de l’Euphrate plus de 3 000 djihadistes de Daech. On peut les combattre sans avoir recours à une autre entité terroriste… »
Y a-t-il d’autres objectifs après la région d’Afrine ?
« Les YPG ont procédé à Afrine à un nettoyage ethnique, et même chassé les Kurdes syriens. La menace est tellement grande que nous ne pouvions rester les bras croisés. Nous avons perdu 25 soldats depuis le début de cette opération, mais elle porte ses fruits : d’après les derniers chiffres de l’armée turque, 1 485 membres des YPG - sur 8 000 à 10 000 dans la région d’Afrine - ont été « neutralisés » : tués, blessés ou emprisonnés. »
Avec les États-Unis, les relations restent très tendues ?
« Il faut qu’on trouve un terrain d’entente avec les Américains. Ils ont armé les YPG, à travers plus de 500 convois d’armes sophistiquées utilisées contre nous par le PKK, proche des YPG. Nous sommes membres de l’Otan, mais nous sommes inquiets des intentions de nos alliés. Ils font une erreur. »
Depuis quelques mois, on sent un rapprochement avec la Russie sur la question syrienne…
« Nous coopérons efficacement avec nos amis russes. Les conclusions du sommet de Sotchi, avec la participation du régime syrien, de la société civile syrienne, nous laissent optimistes. La solution ne peut être que politique, il y a eu assez de désastres, d’atrocités, de massacres et de destructions. »
Avec ou sans Bachar al-Assad ?
« Il est inconcevable que Bachar soit présent pour l’avenir de la Syrie. Mais pour le moment, il y a un gouvernement avec un président qui est Assad, il ne faut pas bloquer le processus. »
Quel est l’état des relations entre la Turquie et la France aujourd’hui ?
« La France a un rôle à jouer. Nos présidents sont en étroite coopération et échangent pour trouver une issue pacifique. Nos services de renseignement aussi, dans la lutte antiterroriste, comme ils l’ont fait pour Raqqa, cœur névralgique de l’organisation d’attentats en France… »
Les djihadistes français doivent-ils être jugés sur place, en Syrie ?
« La France semble accepter ce principe s’ils sont « jugés par les autorités locales », autrement dit ce qu’il reste du régime syrien… Nous avons déjà livré à la France plus de 200 djihadistes de nationalité française, mais pour nous, les terroristes des YPG n’ont aucune légitimité pour juger d’autres terroristes. »
(*) « Unité de protection du peuple », combattants kurdes intégrés aux Forces démocratiques syriennes, mais également branche syrienne du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) considéré comme organisation terroriste notamment par l’Union européenne.