(Turquie News) A l’occasion d’une visite du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, la Turquie et la France ont exprimé vendredi leur volonté de normaliser leur liens, perturbés par la question de l’adhésion de la Turquie à l’UE et les intenses campagnes anti-turques des nationalistes arméniens tolerées sur le sol français.
"Nous partageons une volonté commune d’améliorer nos relations dans tout les domaines (...) je considère nos entretiens d’aujourd’hui comme le début d’un nouvel élan dans nos rapports", a dit le chef de la diplomatie turque Ali Babacan lors d’un point de presse avec son homologue français.
M. Kouchner effectue sa première visite à Ankara depuis l’arrivée au pouvoir en mai du président conservateur Nicolas Sarkozy, qui, contrairement à son chef de la diplomatie, estime que les Turcs n’ont pas leur place dans l’Union Européenne.
M. Sarkozy à plusieurs fois déclaré son hostilité à l’entrée de la Turquie dans le bloc européen, estimant qu’elle "n’a pas sa place en Europe" car elle appartient à "l’Asie mineure". Le chef de l’Etat français propose à la place une formule d’association étroite ou une "union méditerranéenne".
La Turquie rejette ces formules qui ne présentent aucun avantage pour elle, n’évoquant qu’une adhésion pleine à l’UE, à terme.
"La Turquie attend de l’UE qu’elle honore ses engagements" vis-à-vis d’une intégration à part entière de la Turquie, a souligné M. Babacan. L’adhésion de ce pays soulève des réticences dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne, notament du fait de sa population à majorité musulmane.
"Les relations bilatérales ont été un peu refroidies, nous espérons qu’elles vont se réchauffer", a-t-il dit, en ajoutant que les deux parties avaient évoqué un renforcement de leurs liens dans les domaines civiles, économiques et militaires.
"Lorsque deux amis ne sont pas d’accord, ils se parlent sincèrement", a déclaré M. Kouchner.
M. Kouchner a également estimé que la proposition de loi pro-arménienne, dont l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale l’an dernier a provoqué la colère et la décaption des Turcs d’Europe, n’affecterait pas les liens bilatéraux.
"Rien n’est menaçant et rien n’est fait", a-t-il notamment dit.
La proposition de loin vise à rendre passible de lourdes peines de prison et d’amendes toute personne qui contesterait l’Histoire officielle votée par les élus français reconnaissant un "génocide arménien". Cette loi votée en 2001 sous la forte pression des organisations nationalistes arméniennes de France auprès des élus locaux représente dans les faits un geste de politique interne afin de "calmer" les lobbies arméniens de France.
Les Turcs refusent catégoriquement le terme "génocide" et daplorent que cette loi ne prenne en compte que la moitié des faits ; balayant les massacres commis par les milices arméniennes contre les Turcs d’Anatolie entre 1914 et 1922.
M. Kouchner doit rencontrer le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le président Abdullah Gül avant de quitter Ankara dans la soirée.
Les événements de 1914-1922
Des affrontements inter-ethniques et des déplacements forcés de populations en Anatolie orientale, entre 1914 et 1922, ont fait plusieurs centaines de milliers de morts parmis les Turcs et les Arméniens. L’Empire ottoman était alors engagé dans la Première Guerre Mondiale aux côtés de l’Allemagne et de l’Empire Austro-Hongrois. Dès 1914, des Arméniens ottomans ont massivement pris le parti des Russes, contre les Turcs, se livrant à des massacres de masse et à des pillages dans l’est de l’Anatolie. A la suite de ces événements, le gouvernement ottoman décida d’éloigner une partie de la population arménienne des zones de front et à risque. Ce transfert se solda par un lourd bilan humain.
La Turquie et de nombreux historiens rejettent catégoriquement la thèse controversée d’un "génocide" que le gouvernement ottoman aurait perpétré contre la population arménienne de l’Empire. Cette thèse, défendue par les nationalistes arméniens, est aujourd’hui instrumentalisée afin d’exercer des pressions politiques sur la Turquie, notamment pour entraver la perspective de son adhésion à l’Union Européenne.
avec AFP