Zapatero : Si l’Europe parvient à intégrer la Turquie, elle aura accompli sa mission sur le plan de la civilisation
Zapatero : Si l’Europe parvient à intégrer la Turquie, elle aura accompli sa mission sur le plan de la civilisation
Lors de la deuxième journée du Sommet Économique International, l’ancien Premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero a prononcé le discours d’ouverture.
Il a déclaré :
« Je souhaite que la Turquie fasse partie de l’Union européenne, et cela dans l’intérêt de l’Union elle-même. Si l’UE peut adopter cette vision à long terme, si elle parvient à intégrer un pays comme la Turquie, elle atteindra alors une complétude sur le plan civilisationnel et politique. L’UE en sortirait renforcée. »
Le Sommet Économique International (UEZ 2025) a accueilli pour la 14e fois cette année des responsables politiques de renom, des leaders économiques et des universitaires de Turquie et du monde entier. Lors de la deuxième journée, marquée par une forte affluence, José Luis Rodríguez Zapatero a prononcé le discours d’ouverture.
Au début de son intervention, Zapatero s’est dit heureux d’être présent à l’UEZ et a exprimé son affection pour la Turquie. Il a souligné la richesse culturelle de la relation entre l’Espagne et la Turquie, enracinée dans l’histoire.
Il a rappelé que depuis un quart de siècle, l’humanité s’était engagée à lutter contre la faim, la pauvreté et à bâtir un avenir durable. Pourtant, a-t-il ajouté, nous avons aussi été témoins de guerres et d’attentes divergentes.
« Nous avons vu les attaques contre les tours jumelles aux États-Unis. Nous avons vu de grandes souffrances en Syrie, au Yémen, à Gaza. L’oppression exercée par Israël sur le peuple palestinien marquera profondément l’histoire de l’humanité. La douleur à Gaza est insupportable. Les États-Unis ont dépensé 6 000 milliards de dollars. Comparé au PIB espagnol, cela est énorme. Dans le même temps, la Chine a investi cette somme dans le développement technologique. En 25 ans, nous avons assisté à des changements géopolitiques et géoéconomiques majeurs. L’équilibre européen a changé, et l’ascension de la Chine est devenue évidente. »
« La Chine est désormais une puissance acceptée »
Évoquant les bouleversements mondiaux, Zapatero poursuit :
« Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe et les États-Unis représentaient 60 % du revenu mondial pour seulement 14 % de la population. Aujourd’hui, ils ne représentent même plus 30 %. La Chine, à elle seule, génère près de 20 % du PIB mondial. Longtemps, nous avons joué selon les règles des États-Unis. Après la chute du mur de Berlin, tout a changé : d’abord les attentats du 11 septembre, puis la crise identitaire aux États-Unis, la montée du terrorisme radical, et enfin, l’émergence de la puissance chinoise.
La Chine est désormais une puissance avec laquelle il faut compter. En parallèle, la foi dans l’Occident, notamment dans les États-Unis, s’érode. « America First » illustre cette perte de confiance. Le Brexit en est un autre exemple. Sous le règne de la reine Élisabeth, le Royaume-Uni est passé de 10 % à 3 % du revenu mondial. Cette perte de puissance a été attribuée aux immigrés, à Bruxelles, à l’UE. Aujourd’hui, ils regrettent amèrement.
Le nationalisme est une tendance qui engendre des conflits internationaux, lesquels dégénèrent ensuite en guerres. La guerre en Ukraine, la destruction à Gaza sont des exemples récents. Nous assistons aujourd’hui aux événements les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale. L’histoire semble se répéter : le nationalisme et le protectionnisme gagnent du terrain. »
« Il faut faire face aux inégalités, à la violence et à l’insécurité »
Zapatero a déclaré que le progrès technologique est inarrêtable, mais que les sociétés avancées doivent cultiver l’interdépendance et la solidarité :
« Le nationalisme ne peut freiner cette solidarité. Il ne faut pas oublier notre appartenance commune à l’humanité. Notre capacité de réorganisation dépendra de notre aptitude à faire face aux inégalités, à la violence, à l’insécurité. Si nous nions les réalités politiques, si nous rejetons la légitimité démocratique, nous retomberons dans les erreurs du passé. Cela mènera à des divisions, du nationalisme, de la polarisation. Ce ne sont pas les technologies, ni l’intelligence artificielle qui nous apporteront les réponses. Seule la sensibilité humaine le peut. Le numérique est utile, certes, mais il peut aussi favoriser l’isolement et affaiblir l’idée de communauté. »
Il a souligné que la Turquie devrait impérativement rejoindre l’UE :
« L’Espagne est l’un des pays qui soutient le plus l’adhésion de la Turquie. Nous sommes un pays développé grâce à l’UE. Si l’Europe parvient à intégrer la Turquie, elle en sortira renforcée et complétée sur les plans civilisationnel et politique. »
« Une crise institutionnelle et politique va frapper les États-Unis »
Abordant la durabilité et le changement climatique, Zapatero a poursuivi :
« Même si les États-Unis refusent de le reconnaître, ces enjeux sont des valeurs fondamentales. Nous devons intégrer la paix dans l’intelligence artificielle. L’année 2025 verra de grands bouleversements. Il faut mettre fin à la guerre en Ukraine. Je félicite la Turquie pour son rôle dans ce conflit. La Russie n’a pas respecté le droit international en envahissant un pays souverain. Des milliers de vies ont été perdues, des familles détruites. Après Poutine, la Russie restera le voisin de l’Europe. La meilleure politique est une politique de prévention.
Pour les générations futures, l’entrée de la Turquie dans l’UE est indispensable. Si elle avait été membre, la guerre en Ukraine n’aurait probablement pas eu lieu. Cela aurait renforcé le respect de l’UE envers elle-même. L’UE serait devenue un facteur majeur de stabilité. Si elle agit à long terme, qu’elle défend les valeurs de paix, combat la pauvreté, protège notre planète, et résiste à la guerre, alors, avec le soutien des ONG, notre horizon s’élargira. Même dans les périodes les plus sombres, des opportunités sont nées. Si nous nous préparons dès aujourd’hui à l’après-Trump, si nous adoptons cette vision, nous réussirons. Les États-Unis connaîtront une crise institutionnelle et politique. Le reste du monde devra faire preuve de maturité. Une époque troublée s’annonce. Ce siècle doit être celui de la cohabitation pacifique. Le monde des affaires doit y contribuer. »
« Il faut faire preuve de courage intellectuel »
Zapatero a enfin exprimé son souhait de voir la Turquie jouer un rôle de leader au Moyen-Orient :
« J’attends de la Turquie qu’elle exerce un leadership politique, qu’elle s’implique en Syrie, en Libye, dans les pays désorganisés de la région. Toutes ces guerres sont absurdes. L’élimination du PKK et du terrorisme serait une avancée majeure. Il n’y a jamais eu de démocratie sans pardon dans l’histoire. La plus grande entrave au progrès est la peur. Il faut du courage intellectuel. Si des milliers d’enfants sont tués à Gaza et que le monde reste silencieux, nous devons réfléchir à notre place dans l’éthique et la civilisation. Le dialogue, la culture et l’espoir sont essentiels. Tant pour l’Espagne que pour vous. »
