Quand Istanbul redevient Byzance
Istanbul, capitale européenne de la culture 2010 ? Exactement ! Ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, l’ancienne Constantinople a été choisie cette année comme capitale européenne de la culture au titre de ville d’un pays non intégré à l’Union européenne.
Un dépaysement garanti à 100% que nous fait vivre de part et d’autre du Bosphore la journaliste Patricia Miotto.
Cosmopolite. Matérialiste. Magique. Exaltante. Il n’existe pas assez de superlatifs pour décrire Istanbul. Mythique et extrêmement jeune, si la ville aux mille merveilles surprend à travers ses nombreux quartiers, elle fascine aussi pour ses contrastes. De la prise de Constantinople jusqu’au XVII siècle, les Sultans ont élevé une somme incroyable de monuments historiques qui attirent des touristes du monde entier. Pourtant, la ville aux mille minarets demeure également impitoyable où chacun s’invente un emploi de rue, pas le choix, il faut vivre. Alors, facilement, on devient vendeur de fruits secs, de bouteille d’eau ou de jus d’orange frais à 1 lire turc - soit 0.68 cents. Surtout que cette année, Istanbul ne chôme pas et a même le droit de se vanter, primo avec son titre de Capitale européenne, secundo parce qu’elle a de quoi faire vibrer ses 13 millions d’habitants au rythme des 500 projets artistiques répandus sur plus de 80 kilomètres.
Plus grande ville de Turquie, Istanbul est la seule au monde à être à cheval sur deux continents, soit l’Europe et l’Asie. Anciennement Byzance puis Constantinople, celle qu’on surnomme également la « sublime porte », est en vogue ; l’engouement qu’elle y répand a atteint son point culminant ces dernières années, avec l’ouverture de nombreux hôtels qui favorisent le monde des affaires et attirent grand nombre de touristes à prendre un verre dans leurs somptueuses terrasses. Mais comparée à Paris ou à Londres, Istanbul fait figure de terre promise. On se déplace en taxi pour pas cher, on soupe comme un sultan et on magasine comme des princes dans les dédalles des bazars. Si Istanbul accueille à bras ouverts les touristes qui débarquent massivement pour y faire la fête, c’est qu’elle est devenue également un haut lieu de festivités, de liberté et de musique techno. Car en matière de fête, Istanbul devient Byzance ! D’ailleurs, le quartier de Besikstas poussent les turcs modernes à migrer et à sortir le soir à Ortaköy, un quartier voisin un peu plus chic situé le long des berges du Bosphore, et qui abritent les plus belles discothèques et bars lounge d’Istanbul...de quoi rivaliser avec les folles nuits d’Ibiza !
Byzance vous dites ? Et vous n’avez encore rien vu....Car comme toutes les grandes villes branchées, Istanbul a ses discothèques bling bling où se confinent une clientèle dorée et dont la programmation musicale est électrisante. Les Stambouliotes investissent en permanence les nouveaux lieux : parmi elles, le Reina occupe une place de choix. Une grande piste de danse attend une clientèle plutôt trendy. Plusieurs boîtes à ciel ouvert, comme l’Angélique, donnent sur la mosquée rococo au bord de l’eau, œuvre de l’architecte Balyan. Pour les plus sages, la splendide terrasse du « Sky Bar » au Swisshotel Bosphorus offre une vue à couper le souffle sur le Bosphore, détroit qui relie la mer Noire à la mer de Marmara. Plus raffiné et romantique, le Ciragan Kempinski, ancien palais ottoman reconvertit en hôtel de luxe, vous donnera l’impression d’un coin de paradis sous le ciel de Turquie.
Splendeurs ottomanes
À Istanbul, l’histoire se télescope à chaque coin de rue. Mais si on veut découvrir les nombreux quartiers qui se situent entre l’Asie et le continent européen, il faut prendre des ferry ou des bateaux taxi. Dans les deux cas, c’est un moyen de transport fort agréable puisqu’il nous permet de naviguer sur les eaux du Bosphore. L’Istanbul culturel, bon marché et historique est à Sultanahmet. Un conseil, levez-vous très tôt le matin pour découvrir les mosquées, avant que la planète n’accoure ! La mosquée Bleue, dont les six minarets firent pâlir la Mecque, symbolise à la fois la paix et la soumission. L’impressionnant palais-musée Topkapi, crée en 1472 et étendu sur près de 70 000 m², était la demeure principale des sultans, qui y régnèrent durant plus de 300 ans pendant l’empire ottoman. Il renferme les plus beaux joyaux ramassés par ces derniers et détient un fantastique Harem, qui réunissait jadis des femmes parmi lesquelles le sultan choisissait ses épouses et ses concubines. On ne quitte pas Istanbul sans visiter la somptueuse Sainte-Sophie, basilique byzantine transformée en mosquée, une des créations majeures de l’histoire de l’humanité, construite il y a près de 1500 ans. Et pour le plaisir des yeux et du palais, à dix minutes à pieds de là se trouve le Bazar Egyptien, le vrai visage oriental d’Istanbul...
Plaisirs des sens
On dit qu’il s’agit d’un des plus grands bazars au monde. Je confirme. 58 rues intérieures et 4000 boutiques accueillent les touristes. Dans cet immense labyrinthe étalé sur 30 hectares, on ne trouve pas que des kilims, ni que des babouches ou autres lanternes turques. Les vrais Louis Vuitton croisent les faux Chanel, les vraies Nike les fausses Adidas...la contrefaçon fait aussi partie des marchandises exposées. Ici, on ne les cache pas. On les étale et les propose ouvertement.
Beaucoup plus petit que le Grand Bazar et moins étourdissant, le Bazar égyptien est connu sous le nom de marché aux Epices. Mais contrairement à son nom, il n’a jamais accueilli d’égyptiens ou de marchandises provenant d’Egypte. On y trouve toutes sortes de produits alimentaires, des épices certes, mais surtout des fruits secs, et des loukoums dans tous leurs dérivés. Mais le plus agréable est certainement de se perdre dans les dédales du bazar, parmi les couleurs, les bruits et les saveurs du marché ... une explosion de parfums ! Toujours tout proche de la Mosquée bleue se trouve le Bazaar Arasta que l’on apprécie pour sa rue tranquille avec plein de belles boutiques. Construit au même moment que la mosquée bleue, il possède de splendides salons de thé et restaurants où la fumée des narguilés nous enlace tout en regardant un spectacle de Derviche Tourneur. Curieusement, le danseur tourne d’abord lentement puis très rapidement, jusqu’à ce qu’il atteigne une forme de transe, durant laquelle il déploie les bras, la paume de la main droite dirigée vers le ciel dans le but de recueillir la grâce d’Allah, celle de la main gauche dirigée vers la terre pour l’y répandre. A Karaköy, à deux pas du marché aux poissons, on peut y déguster les poissons pêchés le matin et en les choisissant nous-même. D’ailleurs, plusieurs restaurants s’y sont installés, proposant un panorama magique donnant sur la péninsule. Mais l’inacceptable serait de finir un repas sans gouter le véritable café turque, que l’on savoure assis sur de petits tabourets et mini-table disposés quasiment à chaque coin de rue. Immanquable ! Pour le visiteur occidental en vadrouille, un autre quartier qui a connu une métamorphose totale en dix ans, c’est Beyoglu. Essentiellement boosté par des restaurants branchés, il englobe la place Taksim et la rue piétonne Istikhal Caddesi, connue pour ses nombreuses boutiques et galeries d’art.
Hammam ouvre toi !
Impossible de quitter Istanbul sans découvrir les bains turcs et vivre l’expérience d’un hammam. Toutefois, préparez-vous à vivre une expérience presque religieuse, d’apaisement, d’oubli. Malgré ce phénomène de mode relativement nouveau, la tradition du bain turc est très ancienne car pour le Turc, le bain est beaucoup plus qu’un endroit où l’on se lave. Pourtant, à l’origine, le hammam est un héritage romain, puis byzantin, perpétué par les Turcs, que l’hygiène et la propreté obsédaient. C’est bien plus tard que le hammam est devenu un espace social intimement lié à la vie quotidienne où les gens de chaque rang et catégorie sociale, jeune et vieux, riche et pauvre, peuvent venir librement. L’importance que l’islam accorde à la propreté a entraîné la construction de centaines de hammams en Turquie et principalement à Istanbul. La coutume veut que les hommes et les femmes se baignent séparément, en particulier le vendredi, jour sacré. Dans un bâtiment voûté, caractéristique de l’architecture ottomane, on porte le tissu traditionnel, le pestemal, pour se couvrir, on s’asperge d’eau chaude ou froide, on se savonne à souhait et l’on s’allonge sur une pierre chaude appelé ’pierre de ventre ’ pour se reposer, transpirer et se faire masser. Il s’agit d’un mystère presque religieux qui entoure une séance au hammam, à travers une sale à demi obscure ou le silence n’est brisé que par le bruit de l’eau provenant des fontaines décorées par des mosaïques. Le hammam est perçu comme le temple d’une religion de fraternité, indifférente à la solitude et à l’individualisme. Il faut s’y abandonner avec confiance, comme dans une prière. Ou en repensant aux vers écrits par ce poète turc, Yahya Kemal : "Cher Istanbul, d’une hauteur je t’ai contemplé. Pas un lieu que je n’eusse visité, adoré".
Coups de cœur
1- Séjourner : Côté Asie : Hotel Ajiia. On aime son élégance, son côté villa privée grâce à ses 16 chambres et son service hyper courtois. Les petits déjeuners au bord du Bosphore, nous font lever du lit très tôt pour ensuite découvrir l’éloge de la paresse en douce. www.ajiahotel.com
Côté Europe : Swisshotel Bosphorus. Très bien situé, dans le quartier de Besikstas, à 10 minutes des lieux branchés pour sortir le soir et des belles boutiques. Possibilité de lézarder au bord de la piscine ou de tester leur hammam entre deux appels à la prière.
Contre les insomnies, le dernier étage possède son « sky bar » avec une vue imprenable sur Istanbul. www.swissotel.com
2- Manger : Havuzbasi, restaurant de poissons situé derrière le marché aux poissons, à Sultanahmet.
3- Sortir : Le Reina, l’Angélique.
4- Visiter : La Mosquée bleue, une des plus élégantes grâce à ses faïences bleues qui tapissent l’intérieur. Envoûtante, Sainte-Sophie l’ancienne basilique reconvertie en Mosquée.
5- Magasinage : Le Grand Bazar demeure le plus grand marché intérieur au monde où Killims, babouches et œil turc vous attendent. Pour les épices et loukoums : le Bazar égyptien.
6- Les starbucks turc :Kahve Dünyasi
7- Meilleur hammam : Cagal oglu hamami
Auteur et crédit photos : Patricia Miotto