Histoire
Les tentatives de rapprochement turco-arménien en 1918
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"Une république arménienne au Caucase", La Nation (Revue suisse hebdomadaire d’informations impartiales et de documentation), n° 67, 8-14 septembre 1918 :
"(De notre correspondant particulier)
On m’avait dit à Genève et à Lausanne qu’il n’y avait plus en Turquie ni Grecs ni Arméniens, que tout était massacré, et que les étrangers risquaient fort de passer un mauvais quart d’heure avant qu’il soit longtemps. Ce n’est donc pas sans appréhension qu’en arrivant à Constantinople, j’avais quitté mon « Balkanzug » relativement confortable. Qu’allais-je trouver ? La dévastation ? la terreur ? une vallée de larmes et de sang ? Je fus vite rassuré ; la ville présentait son aspect habituel. Le mouvement sur le grand pont qui relie Stamboul à Galata était intense et au Club de Péra, où je me rendis le soir même, une brillante assemblée d’hommes politiques et d’hommes d’affaires était réunie, et ces messieurs faisaient tranquillement leur partie de bridge ou discutaient des mérites d’une chanteuse viennoise à la mode, débarquée de la veille dans la capitale, et qui venait de débuter dans une matinée de bienfaisance où l’on s’était écrasé.
« Ce monsieur que vous voyez là, engagé dans une conversation animée avec son interlocuteur », me dit l’ami qui m’avait introduit, « c’est le ministre des Finances qui cause avec le directeur de la Dette Publique, un Arménien très distingué. Ceux-ci, tout à leur partie d’échecs, ce sont l’un le président du Sénat, l’autre le directeur de la Banque Ottomane, un Grec qui jouit de l’estime universelle [un Arménien en fait]. Plus loin, voici un de vos compatriotes, vice-président de notre club, s’entretenant familièrement avec le grand vizir. Dans cette salle, vous pouvez voir encore deux Arméniens, faisant un poker avec un ex-grand vizir et un ministre en charge.
— Alors, demandai-je un peu surpris, il y en a encore ?
— Des Arméniens ? Mais oui, et comme le motif a disparu qui avait obligé les chefs responsables à prendre, dans le premier moment d’affolement, des mesures que beaucoup ont amèrement regrettées par la suite, on peut observer actuellement entre Turcs et Arméniens un rapprochement réjouissant. Il est même question de la constitution d’une République arménienne ! Allez voir Halil bey, ancien ministre des Affaires étrangères, actuellement ministre de la Justice. Il vient de rentrer de Batoum où il a signé la paix avec les Républiques du Caucase, il vous donnera tous les renseignements désirables. »
Le lendemain, j’étais chez Halil bey, certain d’être bien reçu par cet ami sincère de la Suisse dont j’avais déjà eu l’occasion d’apprécier toute l’affabilité lors d’un précédent voyage. Je suis immédiatement introduit, et après les préambules de rigueur, j’apprends qu’effectivement la paix a été signée et que, sur la proposition de l’Allemagne, une conférence va se réunir à Constantinople pour chercher à délimiter les frontières des nouveaux Etats du Caucase, qui sont la République de Géorgie, capitale : Tiflis ; la République de l’Arzebeidjan caucasien, capitale : Elisabetpol ; la République du Daghestan, au nord du Caucase, capitale : Vladicaucase, et enfin la République arménienne, située entre les deux premières, avec Erivan comme capitale et Etchmiazin, siège du grand « catholicos », ou chef spirituel des Arméniens. Et comme Son Excellence s’aperçoit de l’intérêt que provoque chez moi cette dernière indication, il ajoute : « ... et, tenez, le délégué du nouvel Etat arménien vient précisément d’arriver à Constantinople ; c’est Monsieur Aharonian, un homme cultivé et intelligent, avec lequel vous aurez plaisir de causer si vous voulez aller lui rendre visite de ma part. Il vous donnera tous les renseignements que vous pourrez désirer sur la situation présente au Caucase. »
Je ne me le fis pas dire deux fois et me précipitai chez M. Aharonian. Je trouve un homme jeune encore, à grande barbe noire et qui, en apprenant que je viens de Suisse, me reçoit avec joie. « Je suis d’autant plus heureux de vous serrer la main, me dit-il, que vous êtes Vaudois et qu’ayant fait une partie de mes études à Lausanne, j’ai conservé le souvenir le plus attendri de votre admirable pays. Puisse notre peuple prendre exemple sur le vôtre et former bientôt, à l’extrême Orient de l’Europe, une petite Suisse, aussi libre, indépendante et cultivée que l’est votre patrie.
— Il y a donc des chances sérieuses pour que la formation d’un Etat arménien ne soit plus une chimère ?
— Oui, l’on, nous promet enfin un coin de pays où nous serons chez nous. Ce n’est pas la grande Arménie rêvée par quelques exaltés et qui devait s’étendre du mont Ararat à la Méditerranée, mais il faut savoir se contenter de ce qu’on peut avoir. La nouvelle République arménienne comprendrait les rives du lac Goktcha (voir notre croquis ci-dessus), avec la vallée d’Erivan et Etchmiazin, soit une population de 4 à 500.000 habitants. C’est peu, mais nous espérons encore qu’on tiendra compte de nos justes revendications, lors des prochaines conférences qui auront lieu ici et ailleurs, pour rattacher à notre République les territoires adjacents peuplés en majorité d’Arméniens, de manière à former un Etat viable. »
Puis M. Aharonian me raconte l’histoire du Caucase depuis la révolution russe et le départ de l’armée régulière qui avait laissé les troupes arméniennes seules en présence des Turcs. Ces troupes opposèrent encore une résistance acharnée à l’avance de l’armée ottomane, mais ils durent céder devant le nombre. Aujourd’hui, Turcs et Arméniens se sont rapprochés et il n’y a plus aucune raison pour qu’il ne s’établisse pas rapidement des relations de bon voisinage entre les deux peuples.
Il semble que le Caucase ait relativement peu souffert des excès de la révolution. Ce sont les députés, nommés régulièrement par le peuple pour représenter cette partie du pays à la fameuse Assemblée constituante de la République russe, d’éphémère mémoire, qui ont formé des conseils nationaux, et l’ordre a pu être ainsi maintenu en attendant la suite des événements.
« Et si nos amis suisses veulent nous rendre un réel service », me dit le très sympathique délégué de la future République arménienne au moment où je prends congé de lui, « qu’ils disent à nos compatriotes qui séjournent chez vous de ne pas contrarier les efforts que nous faisons actuellement pour l’émancipation de notre peuple par des manifestations intempestives, car elles pourraient compromettre gravement l’oeuvre laborieuse de reconstitution nationale que nous avons entreprise. »
Quelques jours après, j’avais l’occasion de m’entretenir avec le généralissime Enver Pacha de l’intéressante conversation que j’avais eue avec M. Aharonian. Il me confirma tout ce que ce dernier avait dit et ajouta : « Voyez combien les événements amènent souvent des solutions diamétralement opposées à celles qu’on prévoyait. Les Russes avaient envahi nos provinces orientales d’Erzeroum et de Van et projetaient d’en faire un Etat arménien aux dépens de la Turquie, et voilà que, tout au contraire, aujourd’hui c’est la Turquie qui favorise la création d’un tel Etat, mais sur territoire russe, ce qui est du reste bien plus logique, puisque c’est à Etchmiazin que se trouve le centre religieux des Arméniens. »
Il résulte donc de ces entretiens, et d’autres renseignements encore recueillis tout récemment, que les populations du Caucase, tout à fait opposées au bolchevikisme, cherchant à se grouper en Etats indépendants, en attendant la constitution d’une Confédération russe à forme républicaine ou monarchique, laquelle est à leur avis la seule solution possible au vaste gâchis dans lequel est actuellement plongé l’ancien empire des tzars par suite de la guerre.
Mais l’avance des Anglais en Perse a servi de prétexte aux Turcs pour occuper Tabriz, capitale de l’Arzebeidjan persan, et s’emparer du chemin de fer qui relie cette ville à Batoum. A qui appartiendra Recht, le port de Téhéran, et Bakou la ville du pétrole ? On fait certainement de part et d’autre de sérieux préparatifs pour se devancer les uns les autres sur cette partie du front, qui prendra, dans un avenir prochain, une importance considérable, et déjà l’on signale la présence de nombreux Allemands à Tiflis, la capitale de la Géorgie ! Devant cette situation encore très troublée, le sort des « Républiques du Caucase » paraît bien incertain et, tout en faisant les voeux les plus ardents pour que les malheureux Arméniens puissent bientôt réaliser leurs espérances, il ne faut pas encore se faire trop d’illusions et attendre la fin des événements.
(Ces lignes ont été écrites au commencement de juillet dernier et la situation au Caucase est restée obscure. Il ne semble même pas que la conférence, qui devait avoir lieu à Constantinople pour délimiter les nouvelles républiques, se soit réunie. Autant qu’on en peut juger par les renseignements plus ou moins dignes de foi des journaux, il serait plutôt question actuellement d’une grande Géorgie et l’on ne parlerait déjà plus de l’Arménie. D’autre part, s’il est exact que les Allemands sont à Tiflis et que les Anglais occupent Recht et Bakou, nous ne sommes pas à la veille de voir se réaliser les rêves entrevus par la population du Caucase, il y a deux mois)"
"Chez les Centraux", La Nation, n° 69, 22-28 septembre 1918 :
"Turcs et Arméniens
Le communiqué du bureau de presse turc à Berne nous apporte une confirmation des bruits de rapprochement entre Turcs et Arméniens qui nous avaient déjà été signalés par notre correspondant de Constantinople. Il confirme également la nouvelle de la constitution des trois républiques d’Arménie, de Géorgie et d’Asserbedjian au Caucase. C’est ainsi que le journal arménien Pugantien, qui paraît à Constantinople, écrit :
Nous autres Arméniens de Turquie, nous n’avons jamais considéré les Arméniens à l’étranger comme nos porte-paroles. Ceux-ci, par leur attitude absurde, ont troublé la quiétude des Arméniens demeurés chez eux, en cherchant à faire douter de notre honorabilité et de notre fidélité.
D’autre part, le journal arménien Hairenik commentant les déclarations de M. Balfour sur les Arméniens dit entre autres : « La question arménienne a été toujours un jouet dans les mains des hommes d’Etat anglais. La nation arménienne a toujours été sacrifiée aux intérêts rivaux anglais et russes. »
A propos des déclarations de M. Wilson, le même journal écrit ce qui suit : « Nous ne volons pas de l’ingérence des étrangers dans nos affaires. Constituant un élément important de l’Empire ottoman, nous saurons nous entendre avec le gouvernement turc. » "
Voir également : La politique arménienne des Jeunes-Turcs et des kémalistes
"(De notre correspondant particulier)
On m’avait dit à Genève et à Lausanne qu’il n’y avait plus en Turquie ni Grecs ni Arméniens, que tout était massacré, et que les étrangers risquaient fort de passer un mauvais quart d’heure avant qu’il soit longtemps. Ce n’est donc pas sans appréhension qu’en arrivant à Constantinople, j’avais quitté mon « Balkanzug » relativement confortable. Qu’allais-je trouver ? La dévastation ? la terreur ? une vallée de larmes et de sang ? Je fus vite rassuré ; la ville présentait son aspect habituel. Le mouvement sur le grand pont qui relie Stamboul à Galata était intense et au Club de Péra, où je me rendis le soir même, une brillante assemblée d’hommes politiques et d’hommes d’affaires était réunie, et ces messieurs faisaient tranquillement leur partie de bridge ou discutaient des mérites d’une chanteuse viennoise à la mode, débarquée de la veille dans la capitale, et qui venait de débuter dans une matinée de bienfaisance où l’on s’était écrasé.
« Ce monsieur que vous voyez là, engagé dans une conversation animée avec son interlocuteur », me dit l’ami qui m’avait introduit, « c’est le ministre des Finances qui cause avec le directeur de la Dette Publique, un Arménien très distingué. Ceux-ci, tout à leur partie d’échecs, ce sont l’un le président du Sénat, l’autre le directeur de la Banque Ottomane, un Grec qui jouit de l’estime universelle [un Arménien en fait]. Plus loin, voici un de vos compatriotes, vice-président de notre club, s’entretenant familièrement avec le grand vizir. Dans cette salle, vous pouvez voir encore deux Arméniens, faisant un poker avec un ex-grand vizir et un ministre en charge.
— Alors, demandai-je un peu surpris, il y en a encore ?
— Des Arméniens ? Mais oui, et comme le motif a disparu qui avait obligé les chefs responsables à prendre, dans le premier moment d’affolement, des mesures que beaucoup ont amèrement regrettées par la suite, on peut observer actuellement entre Turcs et Arméniens un rapprochement réjouissant. Il est même question de la constitution d’une République arménienne ! Allez voir Halil bey, ancien ministre des Affaires étrangères, actuellement ministre de la Justice. Il vient de rentrer de Batoum où il a signé la paix avec les Républiques du Caucase, il vous donnera tous les renseignements désirables. »
Le lendemain, j’étais chez Halil bey, certain d’être bien reçu par cet ami sincère de la Suisse dont j’avais déjà eu l’occasion d’apprécier toute l’affabilité lors d’un précédent voyage. Je suis immédiatement introduit, et après les préambules de rigueur, j’apprends qu’effectivement la paix a été signée et que, sur la proposition de l’Allemagne, une conférence va se réunir à Constantinople pour chercher à délimiter les frontières des nouveaux Etats du Caucase, qui sont la République de Géorgie, capitale : Tiflis ; la République de l’Arzebeidjan caucasien, capitale : Elisabetpol ; la République du Daghestan, au nord du Caucase, capitale : Vladicaucase, et enfin la République arménienne, située entre les deux premières, avec Erivan comme capitale et Etchmiazin, siège du grand « catholicos », ou chef spirituel des Arméniens. Et comme Son Excellence s’aperçoit de l’intérêt que provoque chez moi cette dernière indication, il ajoute : « ... et, tenez, le délégué du nouvel Etat arménien vient précisément d’arriver à Constantinople ; c’est Monsieur Aharonian, un homme cultivé et intelligent, avec lequel vous aurez plaisir de causer si vous voulez aller lui rendre visite de ma part. Il vous donnera tous les renseignements que vous pourrez désirer sur la situation présente au Caucase. »
Je ne me le fis pas dire deux fois et me précipitai chez M. Aharonian. Je trouve un homme jeune encore, à grande barbe noire et qui, en apprenant que je viens de Suisse, me reçoit avec joie. « Je suis d’autant plus heureux de vous serrer la main, me dit-il, que vous êtes Vaudois et qu’ayant fait une partie de mes études à Lausanne, j’ai conservé le souvenir le plus attendri de votre admirable pays. Puisse notre peuple prendre exemple sur le vôtre et former bientôt, à l’extrême Orient de l’Europe, une petite Suisse, aussi libre, indépendante et cultivée que l’est votre patrie.
— Il y a donc des chances sérieuses pour que la formation d’un Etat arménien ne soit plus une chimère ?
— Oui, l’on, nous promet enfin un coin de pays où nous serons chez nous. Ce n’est pas la grande Arménie rêvée par quelques exaltés et qui devait s’étendre du mont Ararat à la Méditerranée, mais il faut savoir se contenter de ce qu’on peut avoir. La nouvelle République arménienne comprendrait les rives du lac Goktcha (voir notre croquis ci-dessus), avec la vallée d’Erivan et Etchmiazin, soit une population de 4 à 500.000 habitants. C’est peu, mais nous espérons encore qu’on tiendra compte de nos justes revendications, lors des prochaines conférences qui auront lieu ici et ailleurs, pour rattacher à notre République les territoires adjacents peuplés en majorité d’Arméniens, de manière à former un Etat viable. »
Puis M. Aharonian me raconte l’histoire du Caucase depuis la révolution russe et le départ de l’armée régulière qui avait laissé les troupes arméniennes seules en présence des Turcs. Ces troupes opposèrent encore une résistance acharnée à l’avance de l’armée ottomane, mais ils durent céder devant le nombre. Aujourd’hui, Turcs et Arméniens se sont rapprochés et il n’y a plus aucune raison pour qu’il ne s’établisse pas rapidement des relations de bon voisinage entre les deux peuples.
Il semble que le Caucase ait relativement peu souffert des excès de la révolution. Ce sont les députés, nommés régulièrement par le peuple pour représenter cette partie du pays à la fameuse Assemblée constituante de la République russe, d’éphémère mémoire, qui ont formé des conseils nationaux, et l’ordre a pu être ainsi maintenu en attendant la suite des événements.
« Et si nos amis suisses veulent nous rendre un réel service », me dit le très sympathique délégué de la future République arménienne au moment où je prends congé de lui, « qu’ils disent à nos compatriotes qui séjournent chez vous de ne pas contrarier les efforts que nous faisons actuellement pour l’émancipation de notre peuple par des manifestations intempestives, car elles pourraient compromettre gravement l’oeuvre laborieuse de reconstitution nationale que nous avons entreprise. »
Quelques jours après, j’avais l’occasion de m’entretenir avec le généralissime Enver Pacha de l’intéressante conversation que j’avais eue avec M. Aharonian. Il me confirma tout ce que ce dernier avait dit et ajouta : « Voyez combien les événements amènent souvent des solutions diamétralement opposées à celles qu’on prévoyait. Les Russes avaient envahi nos provinces orientales d’Erzeroum et de Van et projetaient d’en faire un Etat arménien aux dépens de la Turquie, et voilà que, tout au contraire, aujourd’hui c’est la Turquie qui favorise la création d’un tel Etat, mais sur territoire russe, ce qui est du reste bien plus logique, puisque c’est à Etchmiazin que se trouve le centre religieux des Arméniens. »
Il résulte donc de ces entretiens, et d’autres renseignements encore recueillis tout récemment, que les populations du Caucase, tout à fait opposées au bolchevikisme, cherchant à se grouper en Etats indépendants, en attendant la constitution d’une Confédération russe à forme républicaine ou monarchique, laquelle est à leur avis la seule solution possible au vaste gâchis dans lequel est actuellement plongé l’ancien empire des tzars par suite de la guerre.
Mais l’avance des Anglais en Perse a servi de prétexte aux Turcs pour occuper Tabriz, capitale de l’Arzebeidjan persan, et s’emparer du chemin de fer qui relie cette ville à Batoum. A qui appartiendra Recht, le port de Téhéran, et Bakou la ville du pétrole ? On fait certainement de part et d’autre de sérieux préparatifs pour se devancer les uns les autres sur cette partie du front, qui prendra, dans un avenir prochain, une importance considérable, et déjà l’on signale la présence de nombreux Allemands à Tiflis, la capitale de la Géorgie ! Devant cette situation encore très troublée, le sort des « Républiques du Caucase » paraît bien incertain et, tout en faisant les voeux les plus ardents pour que les malheureux Arméniens puissent bientôt réaliser leurs espérances, il ne faut pas encore se faire trop d’illusions et attendre la fin des événements.
(Ces lignes ont été écrites au commencement de juillet dernier et la situation au Caucase est restée obscure. Il ne semble même pas que la conférence, qui devait avoir lieu à Constantinople pour délimiter les nouvelles républiques, se soit réunie. Autant qu’on en peut juger par les renseignements plus ou moins dignes de foi des journaux, il serait plutôt question actuellement d’une grande Géorgie et l’on ne parlerait déjà plus de l’Arménie. D’autre part, s’il est exact que les Allemands sont à Tiflis et que les Anglais occupent Recht et Bakou, nous ne sommes pas à la veille de voir se réaliser les rêves entrevus par la population du Caucase, il y a deux mois)"
"Chez les Centraux", La Nation, n° 69, 22-28 septembre 1918 :
"Turcs et Arméniens
Le communiqué du bureau de presse turc à Berne nous apporte une confirmation des bruits de rapprochement entre Turcs et Arméniens qui nous avaient déjà été signalés par notre correspondant de Constantinople. Il confirme également la nouvelle de la constitution des trois républiques d’Arménie, de Géorgie et d’Asserbedjian au Caucase. C’est ainsi que le journal arménien Pugantien, qui paraît à Constantinople, écrit :
Nous autres Arméniens de Turquie, nous n’avons jamais considéré les Arméniens à l’étranger comme nos porte-paroles. Ceux-ci, par leur attitude absurde, ont troublé la quiétude des Arméniens demeurés chez eux, en cherchant à faire douter de notre honorabilité et de notre fidélité.
D’autre part, le journal arménien Hairenik commentant les déclarations de M. Balfour sur les Arméniens dit entre autres : « La question arménienne a été toujours un jouet dans les mains des hommes d’Etat anglais. La nation arménienne a toujours été sacrifiée aux intérêts rivaux anglais et russes. »
A propos des déclarations de M. Wilson, le même journal écrit ce qui suit : « Nous ne volons pas de l’ingérence des étrangers dans nos affaires. Constituant un élément important de l’Empire ottoman, nous saurons nous entendre avec le gouvernement turc. » "
Voir également : La politique arménienne des Jeunes-Turcs et des kémalistes
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