ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Deniz Baykal a été contraint à la démission après la diffusion sur Internet de ses frasques sexuelles.


Politique

Le chef de l’opposition turque piégé par une vidéo d’alcôve

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 312
Le chef de l'opposition turque piégé par une vidéo d'alcôve

À Istanbul

En Turquie, la révélation de frasques sexuelles de la gent politique ne produit pas le même effet qu’en Italie. Piégé par une vidéo, Deniz Baykal, le chef de file de l’opposition, a présenté sa démission lundi. Diffusé sur Internet vendredi, l’enregistrement pirate de six minutes montre un homme ressemblant au président du Parti républicain du peuple (CHP) en train de se rhabiller dans une chambre. Il est en compagnie d’une femme en petite tenue, qui n’est pas la sienne et qui serait son ancienne collaboratrice, aujourd’hui députée de sa formation. Dépassant le fait divers, ce scandale pose la question du recours à ces chausse-trapes pour affaiblir un adversaire et pourrait avoir des conséquences importantes dans la vie politique turque. Mardi, les médias se perdaient en conjectures sur l’origine du coup bas. Vient-il d’une faction du camp de Deniz Baykal qui n’aurait trouvé que ce stratagème pour se débarrasser de son indéboulonnable leader ? Probablement l’homme le plus honni du spectre politique turc, il avait totalement verrouillé le CHP, le parti fondé par Atatürk, en plaçant ses affidés et y régnait en maître depuis bientôt deux décennies. S’agit-il d’une manœuvre du parti islamo-conservateur (AKP) au pouvoir, qui a trouvé là un moyen d’écarter son détracteur le plus virulent, et donc d’un nouvel épisode dans la guerre que se livrent le gouvernement et les partisans de l’establishment militaro-nationaliste ?

Le principal intéressé affirme être victime d’une conspiration : « Un tel complot ne peut pas être réalisé sans que le gouvernement n’en ait connaissance. » Sous-entendant que la divulgation de la vidéo viserait à le discréditer et à empêcher le recours devant la Cour constitutionnelle qu’il avait l’intention de déposer contre la réforme constitutionnelle portée par le gouvernement. Recep Tayyip Erdogan a rétorqué que ces accusations étaient « monstrueuses ».

Climat de peur

Les partisans des deux théories s’entendent pour dénoncer « l’empire de la peur » en Turquie. Écoutes téléphoniques et violations de la vie privée à des fins politiques font régulièrement les gros titres. « Il semble qu’il existe une vidéo, un enregistrement ou une photo concernant chaque personnalité et qui attend sur une étagère le bon moment pour être utilisé dans une affaire de chantage », écrit l’éditorialiste Semih Idiz. L’avenir du CHP est, en tout cas, en suspens. « Les optimistes voient dans cette affaire une opportunité pour renouveler le parti, ce qui rendrait la vie plus difficile à l’AKP et donc démocratiserait la Turquie », analyse Soli Özel, rédacteur en chef à Haber Türk . Sous la tutelle de Deniz Baykal, le Parti républicain du peuple n’avait plus aucun lien avec la social-démocratie dont il se revendiquait, avait glissé vers un nationalisme extrême et une laïcité rigide et s’opposait à toutes les réformes libérales. En revanche, si aucun remplaçant charismatique n’émerge, le vide politique créé sera une aubaine pour l’AKP au pouvoir car des législatives sont prévues l’année prochaine. Mais fort de son expérience politique de quarante ans, Deniz Baykal n’a peut-être orchestré son retrait que pour mieux revenir : la présidence du CHP sera soumise au vote lors de la convention du parti à la fin du mois.

Par Laure Marchand pour Le Figaro


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