La Turquie se rapproche de la Russie mais...
La livraison de composants de missiles russes à la Turquie traduit un rapprochement durable mais pas une rupture avec les institutions occidentales comme l’OTAN, analyse Galip Dalay, chercheur à l’Institut français des relations internationales.
L’amitié russo-turque n’a rien de naturel. D’innombrables conflits ont opposé les deux pays. Leurs cultures géopolitique et sécuritaire sont le produit d’expériences historiques et d’évolutions politiques totalement différentes. En rejoignant l’OTAN en 1952, la Turquie a rompu avec la neutralité observée depuis 1923 – par Mustafa Kemal Ataturk, puis par Ismet Inonu, son deuxième président – entre l’Occident et l’Union soviétique.
Depuis lors, la culture géopolitique et sécuritaire de la Turquie a été largement façonnée par son appartenance au camp occidental. La Russie, quant à elle, a suivi le chemin inverse. C’est la compétition avec l’Occident, puis avec l’OTAN qui, depuis le début du XXe siècle, a conditionné pour l’essentiel la culture géopolitique de l’Union soviétique puis de la Russie.
Replacée dans ce contexte, la livraison récente – et médiatisée – des composants du système de missile sol-air (SAM) russe S-400 à la Turquie apparaît comme une anomalie historique et géopolitique. Elle soulève également la question de savoir si cette coopération russo-turque est viable dans la durée.
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La relation qu’est en train de nouer la Turquie avec la Russie ne jouit encore que d’un appui politique et bureaucratique limité
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Telle qu’elle se présente aujourd’hui, cette relation est plus que conjoncturelle, mais moins que structurelle. A la différence de ses liens historiques avec l’Occident, qui bénéficiaient d’une large approbation au sein des élites et des institutions, la relation qu’est en train de nouer la Turquie avec Moscou ne jouit encore dans le pays que d’un appui politique et bureaucratique limité. Elle se trouve aussi dépourvue de cadre idéologico-politique.
Que cela reste le cas dans l’avenir dépendra du temps durant lequel cette relation se poursuivra selon le mode actuel, ainsi que de la tournure que prendra la dégradation des relations d’Ankara avec l’Occident, marquées par un approfondissement de la crise structurelle qu’elles traversent et par le découplage stratégique qui en découle.
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