Une délégation iranienne retrouve vendredi à Istanbul des émissaires français, britanniques et allemands pour de nouveaux pourparlers sur le programme nucléaire iranien, à l’heure où les trois puissances européennes menacent de rétablir les sanctions contre Téhéran.
La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont, avec les États-Unis, la Chine et la Russie, membres d’un accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran en 2015 qui prévoyait d’importantes restrictions au programme nucléaire iranien en échange d’une levée progressive des sanctions de l’ONU.
Mais en 2018, les États-Unis se sont retirés unilatéralement de ce texte et ont réimposé leurs sanctions lors du premier mandat de Donald Trump (2017-2021).
Paris, Londres et Berlin avaient assuré leur attachement à l’accord de 2015, disant vouloir poursuivre les échanges commerciaux avec l’Iran. Les sanctions onusiennes et européennes n’ont donc pas été rétablies.
Ils accusent toutefois Téhéran de ne pas avoir respecté ses engagements et menacent de rétablir des sanctions en vertu d’une clause prévue par l’accord qui expire en octobre, ce que l’Iran cherche à éviter à tout prix.
Téhéran a affirmé vendredi que la réunion prévue dans la journée avec les trois pays européens a Istanbul représentait une occasion pour l’Europe de "corriger" sa position sur le programme nucléaire iranien.
Vendredi matin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Esmaïl Baghaï, a estimé que la rencontre en Turquie constituait "un test de réalisme pour les Européens et une occasion précieuse de corriger leurs points de vue sur la question nucléaire iranienne", selon l’agence de presse officielle Irna.
"Totalement illégal"
Une source européenne a indiqué que "l’inaction des E3 (Allemagne, France, Royaume-Uni) n’est pas une option" face à l’Iran, prévenant que Téhéran serait informé lors de la réunion que la fenêtre pour un retour à la normale se refermerait à l’automne.
Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Kazem Gharibabadi, qui doit participer aux pourparlers d’Istanbul, a qualifié mardi de "totalement illégal" un recours à ce mécanisme dit "snapback", affirmant que les puissances européennes avaient "mis fin à leurs engagements" après le retrait des États-Unis de l’accord en 2018.
"Nous les avons avertis des risques, mais nous cherchons toujours un terrain d’entente", a ajouté M. Gharibabadi.
Mais l’Iran veut éviter un tel scénario qui accentuerait son isolement international et alourdirait encore la pression sur son économie déjà fragilisée par les sanctions.
Il estime toutefois que l’AIEA a une part de responsabilité dans le déclenchement des frappes israéliennes et américaines et avait officiellement suspendu toute coopération avec elle début juillet.
"Fierté nationale"
Cette décision a provoqué la colère d’Israël qui a appelé les trois pays européens à "rétablir toutes les sanctions contre l’Iran".
Après la guerre, l’Iran a réaffirmé qu’il ne renoncerait pas à son programme nucléaire, qualifié par le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi de "fierté nationale".
"Il était important qu’ils (les Européens) sachent que les positions de l’Iran demeurent inébranlables et que notre enrichissement se poursuivra", a encore souligné M Araghchi jeudi.
L’enrichissement de l’uranium
L’enrichissement de l’uranium © Tupac POINTU, Sabrina BLANCHARD / AFP/Archives
Les inspecteurs de l’AIEA ont depuis quitté le pays, mais une équipe technique devrait revenir prochainement après que l’Iran a déclaré que la future coopération prendrait une "nouvelle forme".
M. Araghchi a souligné que l’enrichissement était actuellement "à l’arrêt" en raison des dommages "graves et sévères" causés aux installations nucléaires par les frappes américaines et israéliennes.
Les États-Unis et l’Iran restent profondément divisés sur la question de l’enrichissement de l’uranium : Téhéran le considère comme un droit "non négociable" afin de développer un programme nucléaire civil, tandis que Washington y voit une "ligne rouge".
Selon l’AIEA, l’Iran est l’unique pays non doté de l’arme nucléaire à enrichir de l’uranium à un niveau élevé (60%), bien au-delà de la limite de 3,67% fixée par l’accord international conclu en 2015 avec les grandes puissances. Pour fabriquer une bombe, l’enrichissement doit être poussé jusqu’à 90.