100e anniverssaire de la république de Turquie

Culture / TV

Dès la saison 1, j’ai été séduit par la série policière Engrenages. Alliant une atmosphère ténébreuse (frôlant parfois l’insoutenable) à un suspense haletant, elle met en scène des hommes et des femmes qui, sous le flot des événements, sont amenés à des dissimulations, des renoncements ou des procédés inavouables. La faiblesse humaine dans une société impitoyable nous est montrée sans fard, ce qui n’empêche pas des actes de bravoure et de courage : c’est sur les dilemmes moraux rongeant les serviteurs de l’Etat et de la Justice (policiers, juges, avocats) que se concentrent les scénaristes.

Le rythme de la trame des épisodes et l’épaisseur des personnages principaux (joués par des acteurs de talent) en font certainement une des meilleures productions télévisuelles françaises de notre époque.

Dans la saison 4, le scénario est très largement inspiré d’affaires politico-criminelles ayant frappé la France ces dernières années : les activités subversives d’une certaine ultra-gauche française (Tarnac) et l’omerta que fait régner le PKK (organisation nommément désignée) dans la communauté kurde.


Culture

Saison 4 d’Engrenages : coup de projecteur sur la question kurde

Publié le | par TN-pige | Nombre de visite 998
Saison 4 d'Engrenages : coup de projecteur sur la question kurde

Dès la saison 1, j’ai été séduit par la série policière Engrenages. Alliant une atmosphère ténébreuse (frôlant parfois l’insoutenable) à un suspense haletant, elle met en scène des hommes et des femmes qui, sous le flot des événements, sont amenés à des dissimulations, des renoncements ou des procédés inavouables. La faiblesse humaine dans une société impitoyable nous est montrée sans fard, ce qui n’empêche pas des actes de bravoure et de courage : c’est sur les dilemmes moraux rongeant les serviteurs de l’Etat et de la Justice (policiers, juges, avocats) que se concentrent les scénaristes.

Le rythme de la trame des épisodes et l’épaisseur des personnages principaux (joués par des acteurs de talent) en font certainement une des meilleures productions télévisuelles françaises de notre époque.

Dans la saison 4, le scénario est très largement inspiré d’affaires politico-criminelles ayant frappé la France ces dernières années : les activités subversives d’une certaine ultra-gauche française (Tarnac) et l’omerta que fait régner le PKK (organisation nommément désignée) dans la communauté kurde.

Comme d’habitude, nous retrouvons l’équipe de la DPJ dirigée par le capitaine Laure Berthaud (toujours aussi touchante dans son rôle de femme obstinée, en butte aux humiliations et aux déconvenues). Deux enquêtes sont simultanément traitées par les policiers : les velléités terroristes d’un groupe d’ultra-gauche profitant de l’« hospitalité » d’un collectif d’aide aux sans-papiers et l’immolation d’un « militant kurde » du nom d’Erkan dans un centre de rétention pour lesdits sans-papiers.

Malgré le tintamarre instantané du collectif pro-sans-papiers qui crie à la bavure policière, il apparaît qu’Erkan s’est suicidé. La DPJ remonte la piste jusqu’à un café (« Soliman ») fréquenté par un certain Çetin, employeur de main-d’oeuvre clandestine dans le BTP. En outre, il s’avère que la dépouille calcinée d’Erkan abrite une puce téléphonique contenant des photos d’armes lourdes entreposées.

Le patron kurde Çetin nie en bloc le trafic d’armes, malgré toutes les preuves matérielles qui s’accumulent grâce aux recherches des policiers dans son jardin. Yusuf, ouvrier de ses chantiers (kurde lui aussi), finit par révéler la vérité en garde à vue (suite aux promesses de régularisation et de protection de sa famille) : Erkan avait voulu faire chanter la famille Özbek, laquelle impose le paiement de l’« impôt révolutionnaire » à la communauté kurde pour la « cause » anti-turque.

Le clan Özbek, originaire de Tunceli, est constitué de membres du PKK (Leyla Özbek et ses trois fils Murat, Nazim et Rodi). Il est intéressant de voir que les Özbek se servent d’une association à prétention « humaniste » comme couverture (« France Kurdistan - Amitiés Solidarité »).

Çetin est libéré par un juge : le clan croyant à tort qu’il a parlé, son assassinat est décidé. C’est Rodi qui est chargé de la basse besogne. Mais les voyous non-kurdes qui sont ses complices dans l’enlèvement de Çetin, préfèrent faire payer à la femme de ce dernier une rançon. L’immixtion de la DPJ dans la tentative d’« échange » étant découverte, Rodi se résout, avec difficulté, à tuer son « ami » Çetin.

Plus tard, la mère Leyla décède d’une crise cardiaque. Murat (joué par l’acteur germano-turc Tim Seyfi) programme l’exécution de Rodi lors des funérailles : non pas parce que son frère cadet trempe dans la fourniture d’armes à des bandes de banlieues (puisqu’il y participe lui-même activement, la frontière étant généralement ténue entre terrorisme politique et banditisme crapuleux), mais en raison du libre arbitre dont il fait montre par rapport à l’organisation, de ses doutes et de ses réticences quant au fanatisme du PKK, peut-être même d’un trop grand attachement (malgré tout) à la France.

L’agitateur ultra-gauchiste Thomas Riffaut, qui se tourne vers Rodi pour acquérir des explosifs, qualifie de manière significative l’organisation terroriste kurde de « parti militaire ultra-hiérarchisé, stalinien ».

L’« affaire kurde » connaît un semblant de dénouement avec l’arrestation de Rodi (qui envisage de tuer lui-même Murat mais se refuse à le « balancer »).

Par ailleurs, tout ce que nous sommes censés apprendre de la Turquie vient des propos exprimés par les personnages qui se sont compromis, d’une façon ou d’une autre, dans l’activisme nationaliste kurde (crainte d’être rattrapé par la police turque en cas d’expulsion, écho de la dureté des combats entre la guérilla et l’armée régulière dans le Sud-Est anatolien). Les Kurdes diasporiques souffrent et s’entretuent, alors que l’Etat turc voire même les Turcs ethniques sont pour ainsi dire absents de l’intrigue.

Sans être un documentaire définitif sur le PKK et ses masques hypocrites (est-il besoin de le préciser ?), cette série est simplement une oeuvre de fiction se basant sur des faits bien réels (et même l’actualité brûlante). Ces faits, quels sont-ils ? Ce sont les interpellations et les condamnations judiciaires de membres du PKK pour des extorsions de fonds, des règlements de comptes, des trafics sur le territoire français (mais aussi des attentats). [1]

Engrenages a ainsi le mérite de nous inviter à la réflexion, d’attirer notre attention sur la complexité d’un conflit mal connu, de nous rappeler que la « lutte de libération » du PKK cache bien des réalités sordides et que les premières victimes en sont peut-être d’abord les Kurdes eux-mêmes.


[1Onze « apoïstes » condamnés pour des attaques au cocktail Molotov contre des commerces turcs à Bordeaux (2009) : http://www.libebordeaux.fr/libe/2009/01/onze-kurdes-con.html

Sept interpellations à Bordeaux pour extorsions de fonds (2011) : http://aquitaine.france3.fr/info/le-pkk-bordelais-devant-un-juge-antiterroriste-70827560.html

Interpellations à Arnouville et à Evry pour extorsions de fonds (2011) : http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/06/05/l-operation-policiere-contre-la-communaute-kurde-visait-des-membres-du-pkk_1532204_3224.html

Sept interpellations pour des tentatives de racket à Reims (2012) : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/03/06/97001-20120306FILWWW00564-financement-du-pkk-7-interpellations.php

Interpellations pour racket et tentative d’assassinat dans le Var (2012) : http://www.varmatin.com/draguignan/un-entrepreneur-varois-echappe-a-des-terroristes-voulant-le-tuer.962363.html

Affaire du Centre culturel kurde Ahmet Kaya (interpellations et renvois devant le tribunal correctionnel, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et financement d’une organisation terroriste) : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/12/14/97001-20101214FILWWW00611-pkk-18-personnes-jugees-a-paris.php

Lire également