18 avril 2024

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100e anniverssaire de la république de Turquie

(photo) Juifs de l’ancien Yichouv, 1895.

Le 27 Janvier 2005 une cérémonie de commémoration a eu lieu à Auschwitz-Birkenau pour marquer la libération par les troupes soviétiques, il y a 60 ans, du camp d’extermination Nazi d’Auschwitz où plus d’un million de personnes, la plupart hommes, femmes et enfants juifs, ont péri asphyxiés dans les chambres à gaz et puis anéantis dans des fours crématoires.


Histoire

Les diplomates Turcs pendant la Seconde Guerre Mondiale : Des "justes" qui ont sauvé des juifs

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 673
Les diplomates Turcs pendant la Seconde Guerre Mondiale : Des "justes" qui ont sauvé des juifs

Au total six millions de nos coreligionnaires ont péri non pas sur le champ d’honneur en sacrifiant leur vie pour le salut de leur patrie mais dans les trente cinq camps de mort, tout juste parcequ’ils étaient nés juifs.

Il est vrai que ce n’était pas la première fois dans l’histoire que les juifs étaient persécutés en masse à cause de leur appartenance à la Loi de Moise, les exemples en sont nombreux depuis l’exil en Babylone : la destruction du Second Temple par les Romains, la persécution des juifs de la péninsule ibérique par les Wisigoths déjà au 8è siècle, et les émeutes de 1391 à 1492, l’inquisition, les pogroms en Europe médiévale et en Russie, les calomnies du meurtre rituel, pour ne mentionner qu’une poignée des événements de notre ère commune. Mais la Seconde Guerre mondiale fut très différente dans le sens d’une extermination méthodiquement programmée et organisée par un état envers ses citoyens et ceux des pays occupés par lui.

Mais si l’abstention est aussi coupable que l’action (et souvent même plus) ne faudrait-il s’attarder aussi sur l’attitude des pays qui quoique sachant très bien ce qui se passait n’ont rien fait, ou presque, pour y intervenir à temps. Enfin c’est un autre sujet

Beaucoup d’encre a coulé pour souligner et ne pas faire oublier les atrocités nazies débutées déjà depuis les années 1933-1935. Commémorer, non pas pour garder rancune, mais plutôt pour ne pas oublier, pour être vigilants et éviter une répétition de tels actes n’importe quand, n’importe où.

Mais ne faudrait-il pas aussi mentionner le revers de la médaille, les “justes” qui ont pu malgré tout sauver “des vies” et comme il est dit “Kol Amehaye Nefesh Ehad Minaolam Teilu Mehaye Aolam Kulo“, celui qui sauve une personne est comme s’il auvait sauvé toute l’humanité.

Je me réfère donc à l’Empire ottoman et la République turque d’aujourd’hui. Depuis sa fondation au début du 14e siècle l’Etat ottoman a toujours été un refuge pour les Juifs persécutés.

En 1326, lorsque les Ottomans conquirent Bursa et en firent leur capitale, le Sultan Orhan autorisa la construction de la synagogue Etz ha-Hayim (l’Arbre de la Vie) qui resta en service continu jusque l’incendie de 1940. Au cours des siècles suivants, lors de la conquête des Balkans, de nombreuses communautés juives se placèrent sous l’autorité ottomane qui reconnaissait les droits des autres religions monothéistes. Lorsque Mehmed le Conquérant conquit Istanbul (1453), il y trouva une communauté juive romaine, les Romaniotes, conduits par le rabbin Moshé Capsali, qui le reçut avec enthousiasme.

Dès le début du XVe siècle, les autorités ottomanes encouragèrent l’immigration juive et le rabbin Yitzhak Sarfati d’Edirne lança son fameux appel incitant ses coreligionnaires d’Europe Centrale ‘’ à fuir les tourments qui les poursuivent dans ces pays et de venir trouver sécurité et prospérité dans ce pays ...où rien ne manque et où, si vous le désirez, tout sera profitable pour vous ... où chaque individu est en paix sous sa propre vigne et son propre figuier...’’. Lorsqu’en 1492 les Juifs contraints à quitter la péninsule ibérique pour n’avoir pas voulu abandonner la foi de leurs ancêtres et « épurer leur âme en se convertissant au christianisme » le Sultan Bayezid II ordonna aux gouverneurs ‘’de ne pas refuser aux Juifs le droit d’entrée ni de leur créer des difficultés, mais de les accueillir cordialement...’’. Au cours des trois siècles suivants, Istanbul, Izmir, Safed et Salonique devinrent les centres prospères du judaïsme sépharade.

La Grande Guerre entraîna la disparition de l’Empire Ottoman. La République turque, fondée par Mustapha Kemal Atatürk, lui succéda en 1923. Le califat fut aboli et une constitution laïque adoptée.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, la Turquie réussit à maintenir une attitude de neutralité. Déjà en 1935, alors que l’ombre du nazisme noircissait l’horizon en Europe, Atatürk invitait les savants allemands et autrichiens à fuir l’oppression et venir s’installer en Turquie. Très nombreux furent ceux qui répondirent à cet appel, ils contribuèrent au développement du système universitaire turc : médecine, sciences, droit, philosophie, agriculture, beaux-arts, musique, etc..

Au long de cette période désastreuse pour l’humanité, de nombreux diplomates turcs en fonction dans les pays occupés par les nazis s’efforcèrent par tous leurs moyens de sauver de la déportation et la mort le plus grand nombre de Juifs que l’on pouvait considérer comme sujets turcs. Selahattin Ülkümen, Consul Général à Rhodes (1943-44), qui sauva 42 Juifs d’une mort certaine, a été honoré par Yad Vashem, le 26 Juin 1990, comme ‘’Hassid Umot ha’Olam’’ - Juste parmi les Nations. (Los Muestros, Septembre 1990, pp.10-11) Lorsque le 20 Juillet 1944 les Allemands ordonnèrent aux hommes juifs de se rassembler à la Kommandatur, Ülkümen qui prévoyait la suite des événements, réclamait du Commandant Général Kleeman la libération des Juifs de nationalité turque ainsi que de leurs conjoints. Et quand le général nazi ordonna aux juifs de produire les documents prouvant leur nationalité Ülkümen eut l’idée de les informer que d’après la Constitution Turque, quelque soit leur nationalité les conjoints étaient soumis à la loi turque. La déportation des 1727 juifs de Rhodes eut lieu le lendemain, environ 150 seulement ont survécu. En représailles le Consulat de Turquie à Rhodes fut bombardé par l’aviation allemande, tuant les deux fonctionnaires turques du Consulat et blessant grièvement l’épouse du Consul, Mme Mihrinissa Ülkümen, alors enceinte, et qui mourut de ses blessures quelques mois plus tard.

Et peut-on omettre Necdet Kent, Consul à Marseille (1942 -1945), qui réussit a sauver les 82 juifs Turcs embarqués sur le train au départ de Marseille vers une destinée malheureuse. Les officiers allemands refusant de libérer les juifs sous prétexte que “Turc ou pas, un Juif est un Juif” Necdet Kent s’embarqua lui-même sur ce même train en disant “qu’il était décidé à accompagner ses citoyens jusqu’où se rendrait le convoi”. Craignant un scandale diplomatique avec la Turquie alors neutre, le train fut arrêté à la gare de Nîmes et les 82 juifs réclamés par Kent furent libérés.

Un autre diplomate turc, Namýk Kemal Yolga, vice-consul à Paris (1942-1945), délivra 176 passeports portant l’identité d’élèves turcs-musulmans mais les photos de juifs d’origine turque qui avaient omis ou longtemps négligé de se mettre à l’ordre avec les registres officiels.

Behic Erkin, Ambassadeur de Turquie à Vichy (1940-1943), avait engagé un portier français nommé André Picard, qui était chargé pas seulement de protéger les juifs qui s’adressaient à l’Ambassade de l’harcélement de la Gestapo établie dans la bâtisse adjacente, mais aussi leur apprendre quelques mots en turc tels que “ La Turquie est notre patrie, nous avons des parents partout” paroles qu’ils pourraient répéter quelques minutes plus tard devant l’Ambassadeur, comme “soi disant” preuve de leur identité turque, faute de documents réguliers.

Les rescapés juifs turcs furent rapatriés en Turquie par des convois spéciaux dans des wagons rattachés aux trains à destination des Balkans ou des navires affrétés au départ de Suède.

Au Musée Juif d’Istanbul où, à l’encontre de presque tous les Musées Juifs d’Europe, un coin Shoah n’existe pas, est par contre exposé un tableau d’honneur portant les noms des diplomates turcs, au meilleur de notre connaissance [1].

Un exemple d’humanisme (le motto même de la Fondation du Cinquantenaire) dont nombre de nations devraient s’inspirer. Nous voulons espérer que de pareils événements malheureux ne se reproduiront plus jamais, mais le souvenir de Bosnie il n’y a que quelques années au sein même d’une Europe quasi spectatrice, est toujours là pour ternir notre optimisme.

parNaim(Avigdor) Güleryüz


[1Numan Menemencioglu – Ministre des Affaires Etrangères (1943-44)

Behic Erkin – Ambassadeur à Vichy (1940-43)

Saffet Arikan – Ambassadeur à Berlin (1942-44)

Inayetullah Cemal Özkaya – Consul Général à Athènes (1940-45)

Firuzan Selcuk – Consul à Belgrade (1939-41)

Pertev Sevki Kantemir – Consul à Budapest (1939-42)

Abdülhalat Birden – Consul à Budapest (1942-44)

Kudret Erbey – Consul Général à Hambourg (1938-42)

Galip Evren – Consul Général à Hambourg (1942-44)

Fuat Aktan – Consul Général à Constanza (1937-42)

Ragýp Rauf Arman – Consul Général à Constanza (1942-45)

Necdet Kent – Consul à Marseille (1942-45)

Bedii Arbel –Consul Général à Marseille (1940-43)

Mehmet Fuat Carim – Consul Général à Marseille (1943-45)

Cevdet Dülger – Consul Général à Paris (1939-42)

Fikret Sefik Ozdogan – Vice Consul à Paris (1942-45)

Namýk Kemal Yolga – Vice Consul à Paris (1942-45)

Irfan Sabit Akca – Consul à Prague (1939-43)

Selahattin Ülkümen – Consul à Rhodes (1943-44)

Burhan Isýn – Consul a Varna (1942-46)

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