19 avril 2024

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La normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie, passe par la démocratisation de l’Arménie, mais aussi par l’arrivée au pouvoir de dirigeants arméniens qui ne font plus prévaloir les intérêts particuliers, au détriment de l’intérêt général de leur pays.


International

L’Arménie : Un pays pris au piège du nationalisme.

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 1246

L’Arménie, la voisine de l’Est de la Turquie, se prépare aux élections présidentielles qui auront lieu en février 2008. Constitutionnellement, l’actuel Président Robert Kotcharian, déjà élu à ce poste à deux reprises, ne pourra pas se représenter. Mais le successeur de Kotcharian semble d’ores et déjà connu, en la personne de Serge Sarkisyan, actuel Premier ministre, qui a remporté les élections législatives en mai 2007. A l’image de Kotcharian, Sarkisyan est un Arménien du Haut-karabakh, il a servi dans l’armée lors de la guerre du Haut-karabakh et est connu pour être un représentant de la droite dure et radicale arménienne. Mais cette élection présidentielle en Arménie, est également importante pour la Turquie, où les relations avec l’UE et les USA se tendent en raisons des différents projets de loi sur le « génocide-arménien ».

L’Arménie est un pays du Caucase qui n’a pas de débouché maritime, et dont le territoire est entouré à plus de 85% par la Turquie et l’Azerbaïdjan. Ces deux pays ayant fermé leurs frontières avec l’Arménie [1], les débouchés économiques arméniens se réduisent aux échanges par les voies géorgiennes et iraniennes. Cette situation fait naître chez les Arméniens un sentiment d’enfermement, renforcé par la fragilité des 35 km de frontière avec l’Iran. En effet cette frontière, constituée des monts abrupts de Zangezur , devient peu praticable durant l’hiver. De plus, en conflit avec l’Occident, l’Iran, de plus en plus isolé lui aussi, offre actuellement peu de débouchés économiques extérieurs. D’autre part, les échanges économiques entre l’Arménie et la Russie, par l’intermédiaire de la Géorgie, sont également incertains, du fait du conflit larvé entre Tiflis et Moscou [2]. Evaluant la situation économique en Arménie, la Banque Mondiale prévoit une augmentation du PIB arménien d’environ 30% en cas de réouvertures des frontières, cela signifiant pour les citoyens arméniens, en moyenne, un enrichissement d’un tiers de leur revenu.

Petrosyan avait compris.

Une des premières personnes à avoir saisi les difficultés économiques à venir, est le premier Président de l’Arménie indépendante, Levon Ter Petrosyan. Après la signature des accords de cessez-le-feu au Haut-karabakh, entrés en vigueur en 1994, Petrosyan, comprenant que tant la politique antiturque arménienne continuerait, il serait difficile à l’Arménie d’être prospère, entreprit des changements dans la politique de son pays. Il décida, afin de matérialiser ce changement de cap politique, la fermeture du parti d’extrême droite « Tashnaktsoutyun », noyau de la politique antiturque en Arménie, soutenu par la diaspora arménienne, et d’en arrêter les dirigeants. En été 1997, lors des négociations arméno-azéris, Petrosyan est favorable à la restitution du Haut-karabakh, occupé par l’armée arménienne, à condition de lui accorder une large autonomie. Les relations diplomatiques avec la Turquie allaient reprendre, et les frontières s’ouvrir.

L’évolution au Haut-karabakh et la possible normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie, se heurta à l’opposition de la droite dure arménienne menée par le leader des Arméniens du Haut-karabakh, Robert Kotcharian, mais aussi à celle de la diaspora arménienne, opposée à tout rapprochement entre les deux pays. Petrosyan fut finalement contraint à la démission à la suite d’un coup d’Etat « soft ». Son successeur, Robert Kotcharian, repositionna la politique arménienne sur des bases ultranationalistes. Pour le va-t-en-guerre Kotcharian, il était hors de question, même avec une large autonomie, de rendre le territoire du Haut-karabakh. Concernant les relations avec la Turquie, Kotcharian, bien qu’également favorable à l’ouverture des frontières, a suivi une politique agressive, à l’inverse de son prédécesseur Petrosyan, et, avec l’aide et le soutien de la diaspora arménienne, cherché à déstabiliser la Turquie. Il réautorisera le parti « Tashnaktsoutyun », qui revendique des territoires à la Turquie. Non content de remettre en selle ce parti, Kotcharian va jusqu’à l’associer à son gouvernement, lui accordant des ministères clés. Si bien que durant les 9 années de ses deux mandats, le « Tashnaktsoutyun » sera l’allié stratégique du Président Kotcharian. Ainsi, au lieu de faire des concessions afin de permettre la réouverture les frontières, l’Arménie a déployé une politique belliqueuse à l’égard de la Turquie, consistant, avec l’aide de la diaspora, à faire reconnaître les évènements de 1915 comme « génocide », par des projets de loi dans les Parlements étrangers. De cette manière Kotcharian entendait d’une part s’assurer le soutien financier de la diaspora, d’autre part faire plier la Turquie sous des pressions extérieures, et lui arracher des concessions sur l’ouverture des frontières.

Le résultat des 9 années de l’administration Kotcharian est que l’isolation continue à peser significativement sur l’économie arménienne. Même si l’aide financière de la diaspora a permis de soutenir l’économie, il n’a pas apporté de solution durable. En effet tant que les frontières turques et azéries seront fermées, il semble difficile que l’économie arménienne attire des investisseurs étrangers et soit intégrée à l’économie mondiale. La situation actuelle a, au contraire, induit une économie où domine le marché noir, la contrebande, et les « barons financiers » qui ont créé un système mafieux qui leur profite. Ces « barons financiers » contrôlent aujourd’hui la majeure partie de l’économie arménienne, et soutiennent activement le Président Kotcharian, car ce dernier garantit la pérennité de ce système corrompu. Les premières victimes du triangle politique-économie-corruption qui gangrène l’Arménie, sont les citoyens arméniens, isolés du reste du monde. Le pouvoir arménien en place, a su jusqu’à maintenant, faire habillement jouer en sa faveur les équilibres de la région. Ainsi en 10 ans, l’Arménie recevra une aide financière des USA de 1.5 milliards de dollars, elle profitera également d’une aide militaire de la Russie qui possède des bases dans ce pays, et enfin d’un soutien politique de l’Iran contre l’Azerbaïdjan. L’Arménie est le seul pays au monde à avoir reçu une aide financière américaine, une aide militaire russe, et une aide politique iranienne.

Par conséquent, l’ouverture, dans les conditions actuelles, de la frontière Turquie-Arménie, signifiera un soutien de facto au clan du Haut-karabakh, dont Kotcharian est le leader, et au système oligarchique en place [3]. L’augmentation du volume commercial, résultant de l’ouverture des frontières, profitera essentiellement aux proches de Kotcharian qui contrôlent tous les rouages politiques et économiques du pays. 10 ans ont passé depuis le renversement de l’ancien Président Petrosyan qui avait voulu normaliser les relations turco-arméniennes, durant cette période, Kotcharian et ses soutiens ont instauré un système fondé sur la corruption, dont toute remise en cause est verrouillée, il faut insister sur ce point, en agitant la menace turque. Au jour d’aujourd’hui le plus sûr facteur qui peut pousser l’Arménie à œuvrer dans le sens d’une paix durable avec l’Azerbaïdjan, est la fermeture des frontières et l’isolation économique qui en résulte. Dans une situation où 15% du territoire de l’Azerbaïdjan est occupé par l’Arménie, et où plus de 800 000 azéris, chassés de leur terre, vivent dans des conditions extrêmement précaires, l’ouverture de la frontière avec la Turquie, signifiera la victoire de la politique extrémiste et intransigeante de Kotcharian. Il reste que la Turquie, ces 10 dernières années, a ouvert son espace aérien à l’Arménie et autorisé les vols directs entre Erevan et Istanbul, mais ce geste a été interprété par les autorités arméniennes comme des concessions faites à la suite des votes de loi sur le « génocide », dans des Parlements de pays européens. Au lieu de se pencher sur la situation interne de l’Arménie, certains invoquent les notions d’amitié, de paix et de démocratie, pour soutenir l’ouverture des frontières, ce qui, dans les conditions actuelles, se révèle vide de sens, en effet cette ouverture renforcera davantage le présent régime extrémiste et autoritaire de l’Arménie. La normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie, passe par la démocratisation de l’Arménie, mais aussi par l’arrivée au pouvoir de dirigeants arméniens qui ne font plus prévaloir les intérêts particuliers, au détriment de l’intérêt général de leur pays.


[1L’Arménie occupe militairement 20% du territoire de l’Azerbaïdjan et a chassé plus de 1.000.000 d’azéris de leur terre. D’autre part elle ne reconnaît pas les frontières actuelles de la Turquie. Voir Imprescriptible

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