Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé "le double langage" utilisé par le président français Nicolas Sarkozy sur le ’’génocide’’ arménien, l’appelant à être "honnête" dans son discours vis-à-vis de ce dossier passionnel. "Il (Sarkozy) utilise un discours différent en France, plus différent en Arménie et tout à fait différent en Turquie (...) C’est un double, triple, quintuple (BIEN : quintuple) langage. L’honnêteté est avant tout nécessaire dans la politique", a-t-il dit au Parlement devant les députés de son Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste).
Pour M. Erdogan les propos de M. Sarkozy appelant la Turquie à reconnaître le caractère génocidaire des massacres d’Arméniens sous l’empire ottoman, prononcés lors d’une visite à Erevan la semaine dernière, s’inscrivent dans le contexte électoral en France. "Il y a 500.000 Arméniens en France mais il y a aussi 500.000 Turcs (...) Porter le titre d’homme d’Etat nécessite de penser aux générations futures et non pas simplement aux prochaines élections", a souligné M. Erdogan.
Lors de son déplacement en Arménie, M. Sarkozy a appelé Ankara à une "reconnaissance du génocide" dans un délai "assez bref", avant la fin de son mandat en mai 2012, en évoquant les massacres perpétrés en 1915 et 1916 en Turquie, qui ont fait plusieurs centaines de milliers de morts.
La Turquie reconnaît que 300.000 à 500.000 Arméniens ont péri lors de cette période, mais, selon elle, elles n’ont pas été victimes d’une campagne d’extermination mais du chaos des dernières années de l’Empire ottoman. Pour les Arméniens, il s’agit d’un "génocide" qui a fait plus d’un million et demi de morts.
Les dirigeants turcs avaient le jour même dénoncé ces déclarations du président d’un pays qui a reconnu en 2001 le génocide arménien, le ministre turc aux Affaires européennes Egemen Bagis l’exhortant de s’occuper des problèmes des Français plutôt que de jouer les historiens sur cette question.
Les événements de 1914-1922
Des affrontements inter-ethniques et des déplacements forcés de populations en Anatolie orientale, entre 1914 et 1922, ont fait plusieurs centaines de milliers de morts parmis les Turcs et les Arméniens. L’Empire ottoman était alors engagé dans la Première Guerre Mondiale aux côtés de l’Allemagne et de l’Empire Austro-Hongrois. Dès 1914, des Arméniens ottomans ont massivement pris le parti des Russes, contre les Turcs, se livrant à des massacres de masse et à des pillages dans l’est de l’Anatolie. A la suite de ces événements, le gouvernement ottoman décida d’éloigner une partie de la population arménienne des zones de front et à risque. Ce transfert se solda par un lourd bilan humain.
La Turquie et de nombreux historiens rejettent catégoriquement la thèse controversée d’un "génocide" que le gouvernement ottoman aurait perpétré contre la population arménienne de l’Empire. Cette thèse, défendue par les nationalistes arméniens, est aujourd’hui instrumentalisée afin d’exercer des pressions politiques sur la Turquie, notamment pour entraver la perspective de son adhésion à l’Union Européenne.
avec AFP