Événements d’Orient
Des gens intéressés à produire de l’eau trouble afin d’y pêcher à leur aise ont singulièrement exagéré ce qui se passe en Orient.
Les traités autorisent plusieurs nations européennes à intervenir dans les affaires de la Turquie quand la nécessité s’en démontre. Celles qui sont de bonne foi usent de ce droit avec la plus grande réserve ; les autres profitent du moindre incident, l’exagèrent, le font naître au besoin dans l’espoir d’en tirer avantage.
C’est ainsi que l’on donne en ce moment une importance qu’ils n’ont jamais eue aux troubles d’Arménie.
Aux insinuations, l’ambassade ottomane à Paris a répondu par cette note très catégorique :
"Depuis quelque temps les correspondants de la presse étrangère ne cessent de lancer des nouvelles représentant la situation en Turquie sous les couleurs les plus sombres ; tantôt ce sont des complots, emprisonnements, exécutions qui alimentent l’esprit inventif de ces correspondants ; tantôt ce sont des massacres de chrétiens dont les proportions varient d’après l’appréciation individuelle de chacun, qui se commettraient ou qui seraient à redouter.
En présence de cette campagne volontairement tendancieuse, l’ambassade impériale ottomane à Paris croit devoir mette le public en garde contre toutes les rumeurs sensationnelles. Les autorirés ont eu à réprimer, comme cela se passe en pareil cas dans tous les pays du monde, quelques échauffourées locales qui n’ont pas la portée qu’on a voulu leur attribuer quant à la situation générale de l’empire, et le gouvernement impérial ne manquera du reste pas à son devoir de sévir contre les perturateurs de l’ordre public, si de nouveaux désordres venaient à se produire.
Les intentions généreuses de S.M.I. le sultan pour tous ses sujets, sans distinction de race ni de religion, sont bien connues de tout le monde, ce dont tout fonctionnaire a le devoir de s’inspirer pour assurer le progrès et la tranquillité des populations."
Le gouvernement turc est suffisamment armé pour réprimer la sédition des Arméniens. Notre directeur, M. Marinoni, a eu récemment l’occasion de s’en assurer par lui-même.
Lors de son voyage à Costantinople, il a été reçu par le Sultan, dont l’esprit est largement ouvert au progrès, et qui, à la suite d’une longue et fort aimable audiance, a commis à un de ses aides de camp la mission de lui faire connaître les ressources militaires dont il dispose.
M. Marinoni a vu manœvrer ces admirables soldats dont Plewna a immortalisé l’héroïque résistance, ces hommes merveilleusement disciplinés, dévoués à leur chef jusqu’à la mort qu’ils ne craignent point, qu’ils désirent plutôt, ayant la foi profonde que mourir devant l’ennemi c’est s’assurer dans l’autre vie les félicités éternelles.
Notre directeur a visité l’arsenal de Top-Hané, l’un des plus beaux du monde, et où l’on fabrique chaque jour en quantité considérable les armes les plus perfectionnées qui soient.
Il a causé longuement avec des officiers comme ceux dont nous donnons les portraits à notre première page et il a été frappé de leur instruction, de l’étendue de leurs connaissances militaires en même temps que de leur amour du métier de soldat.
La situation en Arménie n’offre, nous le répétons, rien de dangereux ; mais si elle s’aggravait, ce qui semble impossible, le Sultan, dont la haute sagesse, l’intelligente fermeté sont universellement reconnues, triompherait aisément.
L’Europe n’a donc point sujet de s’inquiéter de la fameuse étincelle dont on parle beaucoup trop ; qu’elle laisse au Sultan son prestige et il saura bien sans le concours de personne mettre à la raison quelques sujets révoltés.
Source : Le Petit Journal (supplément illustré), n° 262, Dimanche
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