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mercredi 27 septembre 2023

Turcophobie & Propagande arménienne

Turquie-Arménie : La cruelle difficulté des Turcs à faire entendre leur douleur en France

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Turquie-Arménie : La cruelle difficulté des Turcs à faire entendre leur douleur en France

Nos intellectuels libéraux se souviennent-ils de cette fameuse phrase ?
par Soner Yalçın

Nous sommes vraiment fatigués de suivre les pérégrinations d’un groupe d’intellectuels libéraux et de débattre, tous les 4-5 mois, des pétitions qu’il a préparées. Cette fois, il est question d’une campagne d’excuses envers les Arméniens en raison des déplacements de la population arménienne de 1915.
Pour ma part, je tiens à profiter de cette opportunité pour remémorer ce qu’a vécu la délégation ottomane qui s’est rendue en France afin de faire connaître les massacres perpétrés sur les Turcs dans les Balkans.
De quelles personnalités se composaient cette délégation ? Qui a-t-elle rencontré à Paris ? Qu’ont-ils dit ? Et quel conseil leur a prodigué Jean Jaurès, figure emblématique de la Gauche française, étonné par le récit de la délégation turque ?

Nous sommes en l’an 1913. L’Empire ottoman est encore loin d’avoir surmonté le drame de la guerre des Balkans qui a débuté en 1910. Des milliers de migrants turcs de Roumélie vivent encore dans ses mosquées, ses monastères, ses fondations pieuses, ses écoles, là où ils ont trouvé refuge. Comme si la misère ne suffisait pas, l’incapacité à lutter contre les épidémies est cruelle. La mort emporte, en particulier, les enfants en bas âge, devenus trop fragiles face à cette situation. Les réfugiés turcs des Balkans qui ont pu venir jusqu’à Istanbul s’estiment chanceux. Aucune nouvelle réjouissante n’émane des terres sur lesquels ils ont vécu durant des siècles ; les Turcs qui n’ont pas pu fuir sont massacrés.

Ces dernières années, les Ottomans ont fait face à des malveillances systématiques ourdies contre eux. Tous les nationalistes indépendantistes tels les Serbes, les Bulgares, les Grecs, qui usaient de la terreur et perpétraient des massacres, avaient aussi réussi à influencer les médias d’Europe occidentale en leur faveur. L’opinion publique européenne était intoxiquée par les propagandes criant : « Les Turcs sont des barbares, les Turcs nous massacrent ».
La presse européenne, ne se donnant pas la peine d’investiguer, n’hésitait pas à porter sur les manchettes de ses journaux toutes les allégations des organisations indépendantistes qui pourtant semaient la terreur. Même les photographies de Turcs décapités à la hache étaient inscrites à leur charge comme la preuve des atrocités des Ottomans !

Le Comité Union et Progrès (CUP), revenu au pouvoir avec le coup d’état de Babıali en 1913, dépêche une délégation à destination de la France à la fois pour asseoir sa propre légitimité mais aussi pour rendre compte des réalités dans les Balkans.

UNE DELEGATION DE TROIS PERSONNES

La délégation ottomane se compose de trois dignitaires : le président du Conseil d’état : Halil bey, le gouverneur d’Izmir : Rahmi bey et une figure de premier plan du Comité Union et Progrès : le Docteur Nazım. Ce dernier vient juste d’être libéré par les Grecs qui l’avaient capturé lorsque la ville de Salonique tomba entre leurs mains en 1912. La raison de sa présence est justifiée par sa bonne connaissance d’intellectuels et journalistes français en raison de son séjour à Paris lorsque les Unionistes s’y étaient réfugiés.
Pareillement, Halil bey et Rahmi bey se sont également trouvés à Paris, avant la révolution de juillet 1908 du Meşrutiyet : La Monarchie Constitutionnelle. Ils avaient noué de bonnes relations avec certains politiciens français. Les membres de la délégation ottomane qui ont eu une vie d’exilé à Paris quelques années auparavant s’y rendent, cette fois, avec le statut de représentants officiels de l’état.

La délégation est accueillie par le Pacha Mehmed Rıfat : Ambassadeur à Paris. Des visites sont programmées à l’Ambassade. Les rendez-vous sont pris. La première rencontre doit avoir lieu avec le socialiste Jean Jaurès, fondateur et éditorialiste du quotidien L’Humanité, l’organe de presse de la Gauche.

LA RECOMMANDATION DE JEAN JAURES

Jean Jaurès, 55 ans, est la figure emblématique des socialistes français. Il a joué un rôle majeur dans le rassemblement de la Gauche éparpillée après la répression de la Commune de Paris. Ils se sont connus des années auparavant à Paris avec le Docteur Nazım et se sont liés d’amitié. C’est pourquoi, il accepte rapidement un rendez-vous avec son vieil ami. Jean Jaurès reçoit ses invités ottomans dans la grande bibliothèque de sa petite résidence située en banlieue parisienne.
A l’issue des échanges de politesse d’usage et la dégustation de cognac, le Dr Nazım raconte pourquoi ils ont été contraints aux répressions de Babıali, quelle politique ils vont mettre en œuvre dorénavant puis oriente la discussion sur le sujet de la guerre des Balkans. Il explique, sur la base de documents et de photographies, qu’à l’inverse des informations rapportées dans la presse européenne, les Turcs sont victimes de massacres en Roumélie et que ceux qui sont obligés de fuir leur village sont assassinés sur les routes.

Jean Jaurès est sensible aux propos de ses interlocuteurs et précise que c’est la première fois qu’il est informé de ces photographies et du sort de milliers de Turcs massacrés. Il s’excuse des articles qu’il a précédemment publiés sur ce sujet et s’engage à mettre tout en œuvre pour rétablir la vérité et faire connaître les crimes perpétrés sur les Turcs.
Puis, il ajoute ceci : « Ce type de désastre est une fatalité pour toute nation. Ne perdez pas espoir. Cependant, un danger, plus grand encore, vous guette. Une propagande réformiste a débuté en Arménie. Je crains que les Russes ne l’instrumentalisent pour frapper une ultime fois. Amorcez de vous-même des réformes de fond dans cette zone, peut-être ainsi, pourrez-vous éviter un tel risque. »

Il m’est nécessaire, ici, d’ajouter une précision. De retour de Paris, Halil Menteşe bey rapporte les craintes exprimées par Jean Jaurès sur le problème arménien au plus haut niveau et notamment au Grand Vizir Mahmud Şevket Pacha et au Ministre de l’Intérieur Talat Pacha. Les Unionistes veulent aussitôt entreprendre des réformes. Ils missionnent l’Ambassadeur à Londres : Tevfik Pacha d’en informer l’Angleterre. Que se passe-t-il alors me demanderez-vous ?
Et bien, la Russie (ainsi que l’Angleterre pour ne pas froisser ses alliés) s’oppose au projet de réformes. Les dirigeants ottomans n’en démordent pourtant pas. Ils conjurent leurs collègues arméniens avec lesquels ils font de la politique depuis des années, de ne pas faire le jeu des Russes : « Venez, menons ensemble les réformes main dans la main ».
Alors que certains Arméniens y sont favorables, que se passe-t-il cette fois ? En mars 1914, les Kurdes se soulèvent, massacrent des Arméniens puis envahissent la moitié de Bitlis. Mais, ceci est un autre sujet. Les plus curieux peuvent consulter l’ouvrage « Les mémoires de Halil Menteşe » que vous ne trouverez que chez des bouquinistes car ce type de livre n’est plus imprimé.
[NDLR : Le gouvernement CUP fait donner des ordres aux troupes pour réprimer l’insurrection, et aussi, fait distribuer des armes aux Arméniens de Bitlis pour qu’ils se défendent ; le chef des insurgés kurdes se réfugie au consulat de Russie, avant d’être arrêté à la faveur de la déclaration de guerre (il est condamné à mort et pendu).]

LE FUTUR CHEF DU GOUVERNEMENT EDOUARD HERRIOT

La délégation des trois Ottomans rencontre également Edouard Herriot, membre éminent de la Gauche et futur chef du gouvernement français. Cependant, personne ne s’intéresse vraiment aux atrocités subies par les Turcs dans les Balkans. La question arménienne continue de monopoliser l’actualité. A l’instar des Grecs, Serbes et Bulgares qui avaient désinformé l’opinion publique, à présent, les Arméniens en font de même. Leurs outils de propagande et les méthodes utilisées sont similaires en tout point. C’est-à-dire, les Turcs sont cruels et barbares et les Arméniens angéliques ! Les Arméniens bénéficient de toute l’aide matérielle et morale du pays où ils résident pour mener à bien leurs activités. En d’autres termes, la quasi totalité des pays européens soutient et encourage les Arméniens contre l’Empire ottoman. L’ambassadeur ottoman à Paris Mehmed Rıfat Pacha montre à son convive le Dr Nazım le message qu’il a télégraphié à Istanbul.
Il est dit sur le télégraphe que c’est à l’incitation de milieux proches du gouvernement que les Arméniens de Paris agissent et que, toujours sous leur instigation, des articles accusant les Ottomans de commettre les pires crimes à l’endroit des Arméniens paraissent dans les médias français et exigent du gouvernement français des initiatives pour faire cesser l’oppression vécue par les Arméniens.

LES DERNIERS MOTS DE JAURES

Halil bey, Rahmi bey et le Dr Nazım bey ont voyagé jusqu’à Paris pour exposer les souffrances vécues dans les Balkans mais doivent faire face aux assertions arméniennes. Trop de retard avait encore était enregistré pour mieux informer. Désabusés, ils rentrent au pays.

Entre temps, le pacifiste Jean Jaurès, qui avait été sensible au récit de la délégation ottomane et écrit des articles dénonçant les violations des droits de l’homme subies par les Turcs, est assassiné le 31 juillet 1914 par Raoul Villain, un nationaliste, au Café du Croissant où Jaurès s’était rendu pour dîner.

Et dès le lendemain, la mobilisation nationale est décrétée en France. La raison n’est pas l’assassinat de Jean Jaurès. La France vient d’entrer dans la Première Guerre Mondiale.

Le Dr Nazım, en apprenant le meurtre de son ami socialiste, s’est-il souvenu de cette fameuse phrase : « Un peu de patriotisme éloigne de l’internationalisme, beaucoup de patriotisme y ramène. Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène » ?
Mihri Belli, figure emblématique de la Gauche turque aimait beaucoup ces paroles et il se plaisait à les rappeler à chaque occasion. Et nos signataires internationalistes, alors, se remémorent-ils les paroles de Jean Jaurès ? Je ne le pense pas.

La guerre de l’an 93 : en dix jours, 80 mille réfugiés
Entre le 15 et le 25 janvier 1878, soit dans un délai de 10 jours, 80 mille Turcs ont trouvé refuge à Istanbul fuyant les massacres de Roumélie. Pourquoi cette guerre constitue-t-elle un tournant pour les Arméniens ?

Les réfugiés de Roumélie ne sont pas uniquement issus de la guerre des Balkans du début du 20ième siècle. La première grande migration débute durant la guerre russo-ottomane (mai 1877-mai 1878) que l’on connaît sous le nom de « Guerre de l’an 93 ».
Le Müftü de Zagra [NDLR : située aujourd’hui en Bulgarie, la ville se nomme Stara Zagora] : Hüseyin Raci Efendi écrit dans son ouvrage Tarihçe-i Vak’a-i Zağra- Hercümerc-i Kıt’a-i Rumeli au sujet de l’afflux de réfugiés turcs provenant des Balkans :
« Les habitants fuyant la Roumélie en véhicule, sur des animaux, en train, ou à pied se sont rués jour et nuit par centaines de milliers vers Istanbul. Ils se sont abrités dans la capitale du Sultanat déposant leur dernier souffle de vie à la compassion des Istanbuliotes.
Les environs de Sirkeci, Sainte-Sophie, la mosquée Bleue, la mosquée Yenicami, la mosquée Nuriosmaniye ainsi que les autres mosquées, écoles, cours d’immeubles et toutes les places publiques étaient devenus des fourmilières. Les trains arrivaient dans un état inimaginable. Hommes et femmes étaient entassés à l’intérieur et sur le dessus des wagons, d’autres s’étaient accrochés sur les côtés et même au dessus des chaînes avant et arrière. On ne comptait plus ceux qui avaient succombé au froid, ceux qui étaient tombés malades et immobilisés dans les gares. Beaucoup d’entre eux ont été emportés par les maladies et le froid. Les voies de Dieu sont impénétrables ; durant ces jours terribles, de violentes tempêtes, la neige et la pluie se sont abattues sans interruption sur ces malheureux. Tant de mères et d’enfants sont morts dans d’atroces souffrances, écrasés dans les wagons
 »

D’après les investigations, uniquement du 15 au 24 janvier 1878, c’est-à-dire en 10 jours, 80 mille réfugiés ont déferlé sur Istanbul.

On estime à environ 200 mille le nombre de Turcs qui ont dû fuir les Balkans.

Entre 1910 à 1914, le nombre de Turcs chassés des Balkans ou ayant fuit les massacres s’élève à 645 mille.

Mais quel est le nombre de ceux qui, faute de ne pouvoir fuir, ont été massacrés ? Nul ne le sait !

Ce que l’on sait, en revanche c’est que les Arméniens se sont affichés sur la scène de l’Histoire à l’issue de la guerre de l’an 93 (guerre russo-ottomane de 1877-1878) en scandant : « Puisque certains peuples se sont révoltés et obtenus leur indépendance, pourquoi pas nous ? ». Ils ont alors pris les armes et se sont soulevés. Ce que j’essaie de dire, c’est que l’on n’en est pas arrivé à décider le déplacement des Arméniens en un jour…

22/12/2008 par Soner Yalçın

©Traduction du turc : A.A. pour Turquie-News


NOTE :

Les crimes de guerre commis pendant les deux conflits balkaniques ont fait l’objet d’une enquête approfondie de la Dotation Carnegie pour la paix internationale. Bien qu’ayant des préjugés assez évidents sur les Turcs, les membres de la commission ont établi d’une manière formelle que les civils musulmans ont été victimes de massacres, de pillages, de viols et de conversions forcées. Son rapport, publié en 1914, est disponible en ligne (Mis à disposition par www.promacedonia.org).

L’Empire ottoman a publié, en 1913-1914, plusieurs recueils de sources, tant turques qu’occidentales, sur les crimes de guerres commis contre des civils musulmans : Les Atrocités des coalisés balkaniques, tome I, II et III ; Les Atrocités des Bulgares en Thrace ; et Les Atrocités des Grecs en Macédoine.

L’historien américain Justin McCarthy estime qu’1 450 000 musulmans des Balkans — notamment des Turcs et des Pomaks — ont été massacrés entre 1912 et 1914, ou sont morts en fuyant les forces armées chrétiennes (Death and Exile. The Ethnic Cleansing of Ottoman Muslims, 1821-1922, Princeton, Darwin Press, 1995, pp. 135 et sqq.).

En outre, la purification ethnique n’a pas cessé en 1922. Une campagne d’expulsion et d’émeutes a été organisée par le gouvernement communiste de Bulgarie, en 1949-1951, sur ordre de Staline, qui voulait déstabiliser la Turquie par un afflux de réfugiés. Les autorités communistes ont de nouveau expulsé et « bulgarisé » de force des Turcs et des Pomaks, dans la deuxième moitié des années 1980, pour détourner l’attention de la population des difficultés économiques.
Après l’éclatement de la Yougoslavie, les forces serbes ont détruit des populations musulmanes de Bosnie, notamment à Sebrenica, en 1995 ; le cri des massacreurs était souvent : « Mort aux Turcs », soulignant la continuité au moins partielle entre les insurrections contre le pouvoir ottoman, au XIXe siècle, et les crimes de la fin du XXe siècle.