La Turquie s’affirme comme une puissante émergente tant par sa croissance économique et urbaine que par l’action de son gouvernement islamo-libéral. Elle intéresse les géographes par la dialectique entre modèle unitaire, diversité culturelle et paysagère et disparités socio-économiques comme par son positionnement géopolitique entre trois mondes.

A l’est du bassin méditerranéen, à cheval sur l’Europe et l’Asie, la Turquie accueillie au G 20 s’affirme comme une puissante émergente sur les deux plans économique et politique. Forte d’une population de 75 millions d’habitants, elle a vigoureusement développé son économie, avec des taux de croissance qui font rêver, une agriculture capable de nourrir sa population et d’exporter des spécialités appréciées, une industrie conquérante et un boom touristique spectaculaire, le tout dans une ambiance libérale depuis les années 1980, après une première phase de développement appuyée sur un encadrement étatique fort.

En tant qu’entité politique, la République turque, héritière de civilisations multiples et d’un empire tricontinental, s’est construite sur un modèle unitaire mais a connu bien des soubresauts. En avant-poste du camp occidental pendant la guerre froide, la Turquie, sous la houlette d’un gouvernement islamo-conservateur, cherche sa voie entre « trois mondes » : l’Union Européenne, à la fois son premier partenaire commercial, la principale destination de ses migrants, qui y constituent la première population extra-communautaire, et un horizon d’intégration politique qui reste bien lointain ; le monde turcophone de l’espace post-soviétique ; et l’ensemble Méditerranée-Moyen-Orient où elle a pu entre autres proposer aux révolutions arabes un « modèle turc » fort discuté.

Ce pays invité au prochain FIG offrira de multiples sources d’intérêt aux festivaliers, qu’ils se réclament de la géographie, qu’ils dialoguent avec elle à partir des sciences sociales ou qu’ils manifestent la curiosité du grand public. Tout d’abord, il exerce depuis longtemps un mélange de séduction et de répulsion, alimentant des représentations contradictoires volontiers instrumentalisées avec des arrière-pensées variées et qui peuvent interposer entre l’observateur et les réalités du pays un écran que l’analyse se doit de transpercer. La dialectique unité/diversité retiendra également l’attention, le modèle unitaire appuyé sur le credo nationaliste recouvrant une grande diversité, à la fois richesse par la variété des milieux, des paysages et des cultures et source de faiblesse du fait de l’ampleur persistante des disparités socio-économiques. Le cas turc se prêtera également à des croisements multiples avec le thème central de cette édition du FIG, les paysages et leurs valeurs : conjonction de sites naturels et historiques, paysages de l’explosion urbaine qui se diffusent de la métropole stambouliote vers les niveaux successifs du réseau urbain, fragilité de paysages menacés par la croissance industrielle, les pollutions maritimes ou le risque sismique. Sans oublier la convivialité de la vie « alaturka » que le FIG saura faire régner sur la Déodatie !

Marcel Bazin
Professeur de Géographie, Université de Reims

Sources : FIG