ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Question Arménienne

Classe de troisième

UNE AFFAIRE POLITICIENNE ET XENOPHOBE

Inscription de la question arménienne dans les manuels scolaires des classes de troisième est une
Promesse politique et de nature xénophobe.


Livres

L’histoire dans les manuels d’histoire

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 26
L'histoire dans les manuels d'histoire

Cette promesse a été faite par l’ancien président Nicolas SARKOZY dans sa stratégie de « droitisation » de sa campagne présidentielle, d’une part par conviction xénophobe, et d’autre part afin de s’attirer les voix des électeurs d’origine arménienne, mais également des électeurs conservateurs déçus par son premier mandat.

Ainsi, l’inscription, avec la réforme portée par Luc CHATEL et Xavier DARCOS, de la question arménienne dans les programmes d’histoire des classes de troisième relève plus de considérations bassement politiques que de vérité ou d’ « humanisme ».

LES DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS OFFICIELLES DE LA QUESTION ARMÉNIENNE

Si en 2001 la FRANCE a reconnu par une loi le « génocide arménien », il n’en va pas de même pour d’autres pays comme le ROYAUME-UNI dont l’avis officiel diffère de celui de la FRANCE.

En effet, que disent les Britanniques ?

« L’évidence n’est pas suffisamment établie pour nous convaincre que les événements doivent être qualifiés de génocide selon les termes de la Convention des NATIONS UNIES de 1948 sur le génocide qui, de toute façon, n’est pas d’application rétroactive. L’interprétation des événements en ANATOLIE de l’Est en 1915-1916 est encore le sujet d’un véritable débat entre historiens. »

Déclaration de Lady SCOTT au nom du gouvernement britannique, à la Chambre des Lords, en 2001.
Le ROYAUME-UNI est une démocratie aussi bien établie que celle de la FRANCE et nous devons également considérer ses positions sur la question arménienne.

Si nous suspectons la position du ROYAUME-UNI d’être motivée par des considérations politiques (politique étrangère en l’occurrence), alors il faut soupçonner aussi celle de la FRANCE (raisons électoralistes, cette fois).

Par ailleurs, d’autres parlements – danois, espagnol ou hongrois, par exemple – ont rejeté les résolutions de « reconnaissance » de la question arménienne qualifiée en tant que « génocide ».

Quoi qu’il en soit, les politiques n’ont pas à statuer sur l’histoire, comme dans le cas de la question arménienne, au risque de discréditer ou même de rendre caduque la science historique en ouvrant la porte aux interprétations propagandistes qui répondent à d’autres exigences que la recherche de la vérité.

LES ERREURS ET LES CONTRE-VÉRITÉS CONTENUES DANS LES MANUELS SCOLAIRES

1. Les nouveaux manuels scolaires d’histoire avancent que la tragédie arménienne est d’ordre « raciste », les Arméniens de l’EMPIRE OTTOMAN auraient ainsi été victimes pour des raisons d’appartenance ethnique ou religieuse :

NATHAN :

« Massacre programmé d’un peuple en vue de le supprimer totalement en raison de ses origines ethniques ou religieuses. »

HACHETTE :

« Au début du XXᵉ siècle, le gouvernement ottoman est dirigé par des nationalistes turcs qui n’admettent pas la diversité culturelle de l’Empire. Au cours de la Première Guerre mondiale, ils mènent l’extermination des Arméniens. »

Or, des historiens sérieux, même ceux qui sont pour le qualificatif de « génocide » tels Ara SARAFIAN et Hilmar KAISER sont tout à fait réticents à interpréter les faits de 1915 comme une « extermination systématique » pour des raisons ethniques ou religieuses.

Parmi les éléments qui montrent le caractère non « systématique » des événements de 1915, il y a le fait que la très grande majorité des Arméniens des villes d’EDIRNE, ISTANBUL, IZMIR, AYDIN, KASTAMONU, ANTALYA, KÜTAHYA ou encore ALEP ont été exemptés de déplacements.

De plus, de nombreux Arméniens ont occupé des postes à pouvoir dans l’EMPIRE OTTOMAN à l’époque jeune-turque. Parmi les multiples exemples, citons Bedros HALAÇYAN, ministre de 1909 à 1912, puis membre du comité central du gouvernement jeune-turc, représentant de l’EMPIRE OTTOMAN à la Cour internationale de LA HAYE (1915-1916) et président de la commission chargée de réformer le droit ottoman (1916-1918). Ou encore, Berç KERESTECIYAN, directeur général adjoint de la Banque ottomane, promu directeur général à la fin de 1914. Il a occupé ce poste jusqu’en 1927.

Enfin, les représentants du gouvernement jeune-turc ont très vite ordonné l’arrêt des violences contre les Arméniens et ont fait condamner, le plus souvent à la peine capitale, ceux qui s’en étaient rendus coupables :

« On sait que Talat a ordonné aux gouverneurs de Diyarbakir (le 12 juillet), d’Ankara (27 juillet) et enfin de toutes les provinces (le 29 août) d’arrêter les massacres [d’Arméniens en 1915]. »
Fuat DÜNDAR, entretien avec François GEORGEON
Pour L’Histoire, n° 341, avril 2009, (p. 16-17)

« Ceux qui ne témoignèrent pas de l’attention nécessaire et ceux qui commirent des fautes, furent arrêtés et déférés aux tribunaux.
Pour examiner ce genre d’irrégularité, une commission spéciale d’enquête fut constituée par le ministère de la Guerre et fonctionna jusqu’en 1918, date où il fut mis un terme à ses fonctions.
Ceux qui furent reconnus coupables furent déférés au tribunal de siège. Voici le nombre des cas dans quelques provinces et arrondissements :
Au total, 1 397 personnes furent arrêtées. La plupart furent condamnées à mort, les autres à diverses peines. »
Kâmuran GÜRÜN, Le Dossier Arménien, Paris,
Triangle, 1984, page 259

Tous ces éléments démontrent sans ambiguïté le caractère non « systématique » des déplacements ou la non-pertinence de l’évocation d’un « plan d’anéantissement » contre la population arménienne de l’EMPIRE OTTOMAN, contrairement à ce qu’affirment les éditions NATHAN ou HACHETTE.

2. Les rébellions et les soulèvements ethniques qui ont secoué l’EMPIRE OTTOMAN et fini par avoir raison de lui ne sont pas même évoqués par une seule ligne – ce qui montre le caractère propagandiste du contenu de ces manuels sur la question arménienne.

L’historien François GEORGEON, que les manuels scolaires citent de manière tronquée, est pourtant clair à ce sujet :

« Il a aussi existé chez les dirigeants jeunes turcs la peur d’une collusion entre Arméniens et Russes, alimentée par la défection de certains Arméniens passés du côté russe après la défaite de SARIKAMICH en janvier 1915 et la révolte de VAN. Les Jeunes Turcs veulent neutraliser cette population et l’éloigner du théâtre des combats. Il s’agit de faire place nette pour des éléments plus fiables, au loyalisme plus assuré. »
Les Collections de l’Histoire, n° 45, octobre 2009

3. Le faux télégramme attribué au dirigeant jeune-turc Talaat PACHA : il est prouvé depuis près de trente ans que ces documents sont des faux.

Voir : Şinasi OREL et Sürreya YUCA, Les « Télégrammes » de Talat PACHA. Fait historique ou
Fiction ?, Paris, Triangle, 1986 (1re édition en turc, 1983).

Cette analyse a été soutenue par nombre d’historiens, notamment :

Erik Jan ZÜRCHER (Turkey. À Modern History, Londres-New York, I. B. Tauris, 2004, pp. 115-116), Bernard LEWIS, qui compare les faux d’Andonian aux Protocoles des Sages Sion (From Babel to Dragomans : Interpreting the Middle East, Oxford-New York, Oxford University Press, 2004, p. 389 ; rééd. Londres, Phoenix Paperbacks, 2005, p. 480)
Et
Gilles VEINSTEIN « Trois questions sur un
massacre », l’Histoire, avril 1995.

Même Christopher WALKER, partisan de la qualification de « génocide arménien », considère que

« le doute doit demeurer (the doubt must remain) tant que ces documents, ou des documents similaires, n’auront pas été retrouvés et publiés dans une édition critique. »

Christopher WALKER, « World War I and the Armenian Genocide », in Richard G. Hovannisian (dir), The Armenian People From Ancient to Modern Time, New York, St Martin’s Press, 1997, p. 247.
Depuis quinze ans, un tel travail n’a jamais été entrepris.

Par contre, une deuxième démonstration, prouvant de nouveau que les documents sont des faux, a été publiée :

Maxime GAUIN, « Aram Andonian’s Memoirs of Naim Bey and the Contemporary Attempts to Defend their “Authenticity” », Review of Armenian Studies, n° 23, août 2011. »

Que ces faux documents soient considérés comme vrais et utilisés dans ces deux manuels scolaires, enlève toute légitimité à ces manuels et aux examens d’histoire liés à la question arménienne.

4.Le nombre de victimes est estimé selon les éditions HATIER et HACHETTE à 1,2 million de morts. Les éditions HACHETTE reposent même leur estimation sur des chiffres de l’historien britannique Arnold J. TOYNBEE alors que ce dernier lui-même n’a jamais parlé de 1,2 million, mais avançait le nombre de 600 000 morts (toutes causes confondues : massacres, morts dans les combats, épidémies, faim), 600 000 déportés survivants et 600 000 personnes non déportées.

The Treatment of Armenien in the Ottoman empire : documents presented to viscount Grey of Fallodon, Londres, Hodder & Stoughton, 1916, page 651 ; The western question in Greece and turkey, Londres – Bombay – Sidney, Consdable and Co, 1922, page 342.

De leur côté, les éditions BELIN mentionnent brièvement que :

« le génocide fait de 600 000 à 1,5 million de victimes, selon les historiens »

Ce qui montre bien qu’il y a bien une controverse profonde sur le sujet.
Encore une fois, les erreurs contenues dans les manuels scolaires enlèvent toute légitimité aux examens qui reposent sur eux et liés à la question arménienne.

POPULISME ET APPEL A LA TURCOPHOBIE

Dans les éditions BELIN un quart de page (un-huitième de toute la surface prise par la leçon) est consacré à la reproduction d’un dessin en couleur paru dans l’hebdomadaire français « LE PETIT JOURNAL » en mai 1909.

Dans les rues d’un village, des femmes arméniennes sont aux prises avec des Turcs, poignards levés.
Hormis le fait que ce dessin est une oeuvre de fiction édité six ans avant les faits et réalisé par un caricaturiste qui ne s’est jamais rendu sur place, il ne manquera pas de créer une stigmatisation des élèves d’origine turque dépeints comme des assassins.

Dans la même veine populiste et propagandiste les éditions MAGNARD publient une affiche officielle ottomane qui justifierait et annoncerait l’organisation de convois, les éditions Magnard titrant :

« Les autorités ottomanes justifient le massacre ».

Or, dans cette affiche il n’est pas question de massacre et jamais aucun historien n’a pu produire un quelconque ordre de massacre à l’encontre la population arménienne.

Un mensonge supplémentaire apparait dans les éditions HATIER.
Ce manuel fait état d’une illustration intitulée :

« Des policiers turcs enterrent des Arméniens (1915) ».

Cette photographie date en réalité de 1895, soit vingt ans plus tôt à ERZURUM.

LES VICTIMES TURQUES ET MUSULMANES « OUBLIEES »

Environ 2,5 millions de musulmans (turcs en majorité) ont péri au cours des années mêmes où a eu lieu la tragédie arménienne, notamment du fait des exactions adverses et des terribles épidémies. Ainsi, près d’un cinquième (18 %) de la population musulmane et turque anatolienne a péri.

Dans certaines régions d’ANATOLIE le taux de mortalité de la population musulmane dépassait largement les 18 % : plus de 60 % dans la province de VAN, plus de 40 % dans celle de BITLIS et plus de 30 % dans celle d’ERZURUM.

Voir, Justin MC CARTHY, Muslims and Minorities. The Population of Ottoman Anatolia and the End of Empire, New York – Londres, New York University Press, 1983, p. 134.

Ces pertes ne sont pas seulement dues aux conditions générales de la guerre (épidémies, malnutrition et combats) mais aussi à la purification ethnique appliquée par l’armée russe et surtout par ses volontaires arméniens.

Or, pas un mot dans les différentes éditions des manuels scolaires d’histoire sur la question des morts des Turcs et des musulmans.

CONCLUSION

Les diverses erreurs contenues dans les différentes éditions des manuels scolaires d’histoire pour les
classes de troisième, dans la partie traitant de la question arménienne, enlèvent toute légitimité aux examens qui y sont liés (Brevet des Collèges).

Les aspects populistes de ces pages représentent un risque de stigmatisation des élèves français d’origine turque par leurs camarades ou professeurs.

Les raisons politiciennes et xénophobes qui ont conduit à la rédaction des nouveaux programmes scolaires relatifs à la question arménienne sont un danger aussi bien pour l’Education nationale que plus généralement pour la science historique elle- même.

En effet, s’instaure une sorte d’histoire officielle, fallacieuse.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la modification des manuels scolaires afin qu’ils correspondent à la réalité historique.

EN RESUME

RAISONS POLITICIENNES ET ELECTORALISTES DE L’INSCRIPTION DU « GENOCIDE ARMENIEN » DANS LES MANUELS SCOLAIRES

L’ancien président Nicolas SARKOZY dans sa stratégie de « droitisation » d’avant les élections présidentielles a instrumentalisé la question arménienne.

DIFFERENCE D’INTERPRETATION ETATIQUE

Si en 2001 la France a « reconnu » un « génocide », le ROYAUME-UNI, l’ESPAGNE, le DANEMARK ou encore la HONGRIE ont rejeté les « résolutions » sur le « génocide arménien ».

ERREURS, SILENCES ET MENSONGES CONTENUS DANS LES MANUELS SCOLAIRES

  • Le télégramme attribué au dirigeant jeune-turc Talaat PACHA est un faux.
  • L’historien Arnold J. TOYNBEE n’a jamais parlé de 1 200 000 morts arméniennes mais de 600 000 morts (toutes causes confondues : massacres, morts dans les combats, épidémies, faim), 600 000 déportés survivants et 600 000 personnes non déportées.
  • Pas un mot sur les innombrables soulèvements des minorités, entre autres les Arméniens, soutenus par les puissances étrangères contre un l’EMPIRE OTTOMAN sur la fin, soulèvements qui ont jalonné cette époque et fait réagir le pouvoir ottoman.
  • Pas un mot, sur les 2,5 millions de Turcs et musulmans morts (pour causes de massacres, déplacements, épidémies, faim) tués pour partie par les irrédentistes arméniens à cette même époque.
  • Les historiens spécialistes de l’histoire ottomane ou de la question arménienne (Gilles VEINSTEIN, Bernard LEWIS, Guenter LEWY, Stanford Jay SHAW, Justin MC CARTHY ou encore Norman STONE) s’accordent à dire qu’il n y a pas eu de « plan d’extermination » qui justifierait la qualification de « génocide » dans la question arménienne.
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