Le nouveau département de langue et littérature arméniennes à l’université Erciyes en Turquie a été choisi par deux étudiants qui y étudient.
L’homme derrière ce nouveau programme universitaire, le professeur Metin Hülagü, a travaillé de nombreuses d’années sur la question arménienne : « Nous, en tant qu’historiens, aimerions avoir une chance d’étudier les archives arméniennes en Amérique et à Erevan.
Mais dans le monde universitaire, il n’y a personne qui comprend vraiment bien la région et la langue. »
Les deux étudiants turcs sont à bonne école : il s’avère,
Extrait du quotidien turc : Today’s Zaman
Dimanche 10 octobre 2010,
De nouveaux départements sont constamment planifiés et ouverts dans toutes les universités de Turquie. Il y a des départements comme celui de la langue et de la littérature kurde, la langue et la littérature ourdou, la langue et la littérature hindoue, la langue et la littérature japonaise, les langues et les cultures antiques, les langues et les cultures caucasiennes, la langue et la littérature hébraïque, etc.
Mais en Turquie, il y a souvent une tendance à favoriser des départements comme l’ingénierie, la médecine, le droit et ainsi de suite, des matières prometteuses en termes de futur salaire pour leurs étudiants. Ainsi, il existe souvent une grande curiosité sur ceux ou elles qui choisissent les départements sociaux qui ne garantissent pas nécessairement une carrière ou de hauts revenus plus tard dans la vie.
Les questions qui viennent à l’esprit sont : "Qui choisit ces départements qui ne sont pas nécessairement liés à un secteur ou un travail en particulier ? Pourquoi choisir ces départements ? Et le plus important encore, pourquoi les universités elles-mêmes ressentent-elles le besoin d’offrir ces programmes d’études ? Existe-t-il réellement une demande pour ces départements ?"
Alors que nous y réfléchissions récemment, nous avons lu par hasard un article de presse annonçant que l’université Erciyes avait quatre nouveaux étudiants inscrits dans son nouveau cursus de langue et de littérature arméniennes, qui s’est ouvert cette année. Nous nous sommes donc dirigés vers Kayseri pour examiner cela de plus près.
Nous avons trouvé intéressant le fait que ce nouveau département se soit ouvert, particulièrement au cours d’une période où les relations turco-arméniennes et l’histoire partagée de ces deux nations et peuples ont été récemment au cœur de l’actualité. Il était aussi intéressant de savoir que seuls quatre étudiants avaient choisi ce programme. Nous sommes allés à l’université Erciyes pour découvrir si des professeurs et des étudiants pourraient fournir des réponses à nos nombreuses questions sur ce sujet.
Qui choisit ces départements et pourquoi ?
Le nouveau département de langue et littérature arménienne à l’université Erciyes en Turquie a été choisi par quatre nouveaux étudiants, bien que trois seulement en réalité aient complété tout le processus d’inscription nécessaire, et ensuite l’un d’eux a décidé de mettre son cursus d’études en attente. À présent, il y a donc seulement deux étudiants qui étudient dans ce nouveau département, bien qu’avec un bel enthousiasme.
Un des étudiants est Çise Baltaci, qui a terminé ses études dans un lycée anatolien. Il est originaire de Kirsehir, mais sa famille vit maintenant à Kayseri. Bien qu’il ait étudié un programme général au lycée, il a décidé de se concentrer sur des langues comme le japonais et le coréen. Quand il a passé les examens d’entrée à l’université, ses notes n’étaient pas suffisantes pour qu’il puisse suivre son cursus préféré, il a donc décidé d’essayer le département de la langue et littérature arméniennes à Erciyes. Mais ce n’est pas le seul facteur qui a influencé son choix d’études.
Comme l’explique Çise : "Quand j’ai décidé d’étudier la langue arménienne et la littérature, j’étais conscient que les relations turco-arméniennes seraient un sujet important à l’ordre du jour pendant un certain temps et donc j’ai vraiment voulu me créer une opportunité. Ce sont un peu pour les même raisons que je voulais étudier le japonais. La Turquie va de l’avant et nous devons nous ouvrir davantage au monde. Ceux qui termineront leurs études dans les départements tels que langue arménienne ou langue japonaise pourraient représenter la Turquie à l’avenir".
Güven Karaköse, qui est venue d’Izmir pour étudier dans ce nouveau département, a des idées similaires. Au départ, Güven voulait étudier la langue et la littérature russe avec une option sur l’histoire des relations entre la Turquie et la Russie, mais finalement, elle a décidé, pour des raisons semblables, de se tourner vers le diplôme de langue arménienne. Elle dit : "De nos jours, nous avons des relations diplomatiques réelles avec des nations en dehors de l’Europe. Donc, certaines personnes doivent vraiment être instruites et elles doivent bien maîtriser les langues et les cultures de ces nations. Et nous sommes ces personnes-là."
Les deux étudiants ont partagé la même expérience : il semblerait que toute personne qui les rencontre pour la première fois, leur demande s’ils sont eux-mêmes Arméniens. Mais en fait, tant Çise que Güven sont turcs. Les questions sur leur appartenance ethnique sont la moindre de leurs préoccupations : avec un département aussi nouveau que celui-ci, le plus grand défi est qu’il n’y a pas encore de réel cadre d’enseignement. À ce jour, un professeur qui parle couramment l’arménien, mais qui enseigne dans un département différent, dirige leurs cours de langue. Les deux étudiants ne s’en formalisent pas, et disent : "C’est bien ; quand nous aurons le diplôme, nous serons les futurs professeurs de ce département !"
Lorsque le nouveau département a officiellement ouvert, l’homme derrière ce nouveau programme universitaire, le professeur Metin Hülagü, a répondu aux nombreuses questions sur la mission et la vision qui ont motivé la création du département de langue et littérature arméniennes. Hülagü a travaillé de nombreuses d’années sur la question arménienne et il connaît bien les manques relatifs à ce sujet. Son approche de la situation globale est celle d’un universitaire classique.
Il a expliqué le besoin de ce nouveau département et d’autres : "Nous, en tant qu’historiens, aimerions avoir une chance d’étudier les archives arméniennes en Amérique et à Erevan.
Mais dans le monde universitaire, il n’y a personne qui comprend vraiment bien la région et la langue. En réalité, ce même problème surgit pour tout autre pays avec lequel la Turquie a des relations tant éloignées que proches. C’est pourquoi, notre but est de former des experts dans les langues, les cultures et les histoires des autres pays, et de fonder un groupe bien informé pour la Turquie dans ces secteurs. D’une manière générale, l’idée derrière le projet de langue et de littérature arméniennes, est que nous voulons garder le sujet arménien au premier plan et que nous voulons garder cette région proche de nous."
Le professeur Hülagü n’a pas économisé ses efforts pour préparer l’ouverture de ce nouveau département et il a travaillé dur pour réunir des enseignants universitaires pour les nouveaux étudiants. Il avait négocié des accords avec deux professeurs arméniens spécialisés dans la langue arménienne.
Mais les autorisations ont été accordées en retard, et les professeurs ont raté l’offre. Cependant, cela n’a pas découragé Hülagü d’aller de l’avant avec son nouveau département, bien qu’il ait dû chercher ailleurs des enseignants universitaires. La professeure Sevinç Üçgül est venue à la rescousse. "Jusqu’à ce que nous ayons fondé notre équipe universitaire, elle fera les cours de langue. Je crois vraiment qu’elle s’assurera que nos étudiants ne restent pas à la traîne", a dit Hülagü (hulagu@erciyes.edu.tr).
Dimanche 10 octobre 2010,
SEVİM ŞENTÜRK KAYSERİ
Source : http://www.collectifvan.org/article.php?r=5&&id=48845