Jean-Luc Colin, unique oenologue français installé en Turquie depuis aussi longtemps ! (photo BB)

C’est la passion du vin qui a mené Jean-Luc Colin jusqu’en Turquie. A priori étrange pour un pays qui ne fait quand même pas partie des contrées les plus réputées quant à leurs vins. Mais voilà, quand l’aventure pointe le bout de son nez, difficile d’y résister ! Arrivé à Ankara, fraîchement diplômé de l’école d’œnologie de Bordeaux pour vivre une ou deux vendanges et en profiter pour visiter le pays, il en est finalement à sa dix-huitième année. Le petit journal d’Istanbul l’a rencontré et en profité pour glaner de très précieux conseils qu’il partage volontiers avec ses lecteurs !

LPJ : Comment, jeune œnologue débutant, vous êtes vous retrouvé en Turquie ?
En fait, c’est une petite annonce sur le tableau d’affichage des offres d’emplois de l’école d’œnologie qui m’a attiré l’œil. Je venais d’être diplômé et je recherchais comme d’autres camarades une mission qui me permettrait de me familiariser avec des cépages étrangers tout en visitant du pays : on appelle ça faire l’œnologue globe trotteur ! Un grand producteur de vins turcs, Kavaklidere, cherchait un adjoint pour le directeur technique d’alors et qui était français. J’ai saisi l’occasion et finalement, j’ai travaillé onze années pour ce producteur !

LPJ : Vous avez implanté du cépage français durant toutes ces années ?
Pas du tout ! Au contraire, ma politique a été de remettre en valeur, à l’aide de l’équipe d’ingénieurs agronomes que j’ai mise en place, les nombreux cépages locaux c’est-à-dire finalement le patrimoine vinicole de la Turquie qui est réel. Le kalecik Karasi par exemple, d’une région juste au dessus d’Ankara et qui est devenu un bon petit vin très apprécié en société. C’est le cas aussi pour l’Oküzgozü (région d’Elazig), le Bogazkere (région de Cermik), tous deux des rouges et le Narince de la région de Tokat qui est un blanc. Ils ont tous pris par la suite une part de marché très honorable en Turquie. En revanche d’autres investisseurs ont planté des cépages français afin de pouvoir les vendre aux producteurs locaux mais avec plus ou moins de succès, l’offre étant au fil des années devenue trop abondante.

LPJ : Précisément, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le marché du vin ici ?
La consommation de vin par habitant en Turquie est seulement de 1,5 litre par an alors qu’en France elle est de 55 litres ! Finalement c’est assez logique pour un pays où la religion musulmane est très présente. Le potentiel est donc plutôt auprès des touristes mais aussi auprès de la jeunesse turque qui s’émancipe par rapport à l’interdit religieux et consomme plus de vin que leurs ainés. Géographiquement, il est évident que le centre de la Turquie ne sera jamais très intéressé par le vin. Mes espoirs se fondent plutôt sur la côte.

La sélection de Jean-Luc Colin pour le petit journal d’Istanbul (photo BB)

LPJ : Quelles sont vos activités et vos projets aujourd’hui ?
Après une expérience chez Tekel, l’organisme d’Etat ayant le monopole des alcools, privatisé en 2004 et où j’ai restructuré leur activité Vins et créé quelques raki (Marques Mest et Tekirda gold), je me suis attaché depuis lors, à aider les petits et moyens producteurs turcs à monter leur propre chaix.

Ce qui m’intéresse, c’est de développer auprès des consommateurs la notion de terroir, de vins de châteaux. J’aide donc les producteurs de petites capacités à fabriquer leurs vins mais aussi à le vendre car le marché est très verrouillé par les gros producteurs que sont Kavaklidere, Doluca et dans une moindre mesure Kayra. Mon ambition d’ailleurs est de pouvoir les aider à se fédérer. Je développe aussi la pédagogie sur le vin à travers notamment des cours de dégustation et vais bientôt lancer un site internet de commercialisation de ces vins de terroir. Et puis plus tard, je souhaite monter la première école de sommeliers en Turquie.

LPJ : Pour conclure, acceptez-vous de donner à nos lecteurs votre Top 5 des vins turcs ?
Bien sûr ! Le producteur de vins Diren offre une très belle gamme : Collection pour le rouge et Sélection pour le blanc. Chez Umur Bey, il y a un excellent Sauvignon blanc et un Cabernet Merlot. Vous pouvez les trouver chez Carrefour, Migros ou à la boutique Mania Gourmet à Istinye park.

Il y a aussi le vin Selendi (Merlot, Shiraz et Cabernet Sauvigon). Enfin deux très bons vins seront bientôt commercialisés : le Güzay Karaoglan de Yenidogus Vineyards et le 4TP chez Yucel Vineyards. Tous ces vins ont été fabriqués aux normes européennes. Je peux d’ailleurs proposer à vos lecteurs de leur faire une sélection de ces vins de châteaux et de l’expédier chez eux. Ils auront ainsi la possibilité de déguster en exclusivité le Güzay Karaoglan !

Pour en savoir plus :
 Pour les cours de dégustation, vous trouverez toutes les informations sur le site anatolian-vineyards.com (en turc uniquement pour l’instant).
 Pour recevoir chez vous une sélection des vins de terroirs turcs : contactez Jean-Luc Colin par mail : jl.colin@anatolian-vineyards.com
 Pour une visite directement chez le producteur : Umur Ariner (francophone) qui commercialise la marque Umur Bey et qui est situé à Tekirdar à 130 km d’Istanbul. Vous pouvez le contacter au 0212 229 20 05 ou à l’adresse uariner@yahoo.com.