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QUI VEUT TORPILLER LE PROCESSUS DE PAIX ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE ?

Publié le | par Engin | Nombre de visite 210
QUI VEUT TORPILLER LE PROCESSUS DE PAIX ENTRE L'AZERBAÏDJAN ET L'ARMÉNIE ?

QUI VEUT TORPILLER LE PROCESSUS DE PAIX ENTRE L’AZERBAÏDJAN ET L’ARMÉNIE ?

Avec : La Gazette

L’idée d’une pacification du Caucase du sud ne plaît pas à tout le monde, notamment à ceux qui ont tiré profit de l’occupation d’une partie de l’Azerbaïdjan par les forces arméniennes, et à ceux qui se trouveraient pénalisés par le rétablissement de relations normales entre les deux pays.

En premier lieu, les membres de la mafia arménienne qui se sont installés aux commandes de la « République » du Haut-Karabakh comme l’oligarque russo-arménien Ruben Vardayan, l’un des hommes les plus riches de Russie, parachuté ministre du Karabakh occupé, ce qui lui a permis d’en piller tranquillement les ressources.

Ensuite, les entrepreneurs arméniens qui s’enrichissent en servant d’intermédiaires pour contourner les sanctions occidentales contre la Russie.

Le Karabakh a longtemps été utilisé comme plaque tournante pour les trafiquants pour lesquels la libération de la région par l’armée azerbaïdjanaise, ainsi que toute perspective de paix, représentent un considérable manque à gagner : grâce aux détournement des sanctions, l’Arménie a connu une croissance spectaculaire : 12 % en 2022 et 8 % en 2023.

Les moyens financiers considérables de ces opposants à la paix, généreusement distribués par l’intermédiaire des organisations lobbyistes arméniennes, leur ont permis d’infiltrer massivement les médias et d’influencer, particulièrement en France, les politiques de tous bords et, naturellement, la politique française à l’égard du conflit Azerbaïdjan-Arménie.

Double langage

Néanmoins, Bakou et Erevan ont entamé des pourparlers de paix depuis des mois, et les deux pays ont indiqué qu’un accord était imminent.

Pourtant, les politiques et les médias français continuent de soutenir les séparatistes arméniens qui ont dû quitter les territoires occupés.

L’expulsion du Karabakh ne concernait d’ailleurs que les forces armées et non les habitants, notamment ceux de la capitale Khankendi, à l’époque rebaptisée "Stepanakert" par les nationalistes arméniens, et redevenue azerbaïdjanaise, comme le droit international l’exigeait.
Les habitants avaient le choix de rester et de recevoir la nationalité azerbaïdjanaise.
Mais la pression des extrémistes arméniens a provoqué le départ précipité des habitants de la ville.
Ce qui n’empêche pas certains élus européens, poussés par le puissant lobby arménien, de parler de « droit au retour des Arméniens du Karabakh », alors que le même terme n’est pas appliqué aux azéris expulsés des terres occupés, pas plus qu’aux centaines de milliers d’Azerbaïdjanais nés et vivant en Arménie, chassés de leur pays natal en 1987 à l’occasion d’un spectaculaire nettoyage ethnique.
Au total, c’est près d’un million d’Azeris qui sont devenus des déplacés internes et des réfugiés,
Ce double langage adopté par certains pays, notamment en Europe, qui parlent du droit au retour pour les uns, et pas pour les autres, comme ils défendent l’intégrité territoriale pour certains pays, et soutiennent le séparatisme et la colonisation pour d’autres, est l’un des obstacles majeurs aux pourparlers de paix.

La plume et le fer

On ne sera pas étonné de retrouver cette dialectique dans les colonnes de la presse française et sur les plateaux de télévision.

La concentration des medias français aux mains d’une poignée de milliardaires fortement ancrés à droite a fini par transformer ce qu’on appelait, dans les années 80, le PAF (paysage audiovisuel français) en puissant vecteur de l’idéologie suprémaciste blanche.

C’est ainsi que nous voyons ressurgir des discours évoquant « les aspects positifs de la colonisation », la « mission civilisatrice de la France », le « péril islamiste », ou la délirante théorie du « grand remplacement ».

Le conflit du Caucase a ainsi servi de vecteur à l’idée, largement reprise par la presse, que celui-ci serait le symbole d’un choc de civilisations : le monde chrétien représenté par l’Arménie face à l’ogre musulman matérialisé par l’Azerbaïdjan.
Le fait que l’Arménie ait cherché, depuis des décennies, à détruire les églises chrétiennes concurrentes, comme l’église orthodoxe ou l’église albanienne, n’y fait rien.
Pas plus que le fait que l’Azerbaïdjan soit un pays laïque rassemblant plus de 40 communautés religieuses ou culturelles vivant en parfaire harmonie.
Or c’est précisément cela qui effraie la sphère suprémaciste française.
Son pire cauchemar serait qu’une nation multiculturelle et cosmopolite puisse apparaître comme un modèle de paix extérieure et intérieure et risquer de servir de modèle à un occident en quête de valeurs. Il importe donc d’empêcher la réconciliation par tous les moyens.

La plume et le verbe étant souvent plus meurtrier que le fer, le lobby nationaliste arménien a très vite compris que c’était en investissant dans les médias que la guerre, impossible à gagner sur le terrain, pouvait l’être dans le secret des alcôves du pouvoir.

Ainsi, on a pris l’habitude de voir, aux côtés d’Emmanuel Macron, deux ténors de la presse arménienne : Frank « Mourad » Papazian, et Jean-Marc « Ara » Toranian.

Papazian, chef du parti ultra-nationaliste Dashnak en France, possède ainsi 27 écoles de journalisme et de communication, dont l’Institut Européen de Journalisme, à travers son groupe Mediaschool.
Valérie Toranian, ex-épouse d’Ara Toranian, co-président (avec Papazian) du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) et directeur des « Nouvelles d’Arménie », est directrice de la rédaction du magazine le Point.
Son nouvel époux, Franz-Olivier Giesbert, fut successivement de la rédaction du Nouvel Observateur, du Figaro, du Point, de La Provence. Il est maintenant éditorialiste au Point.
Parmi les autres soutiens inconditionnels au séparatisme arménien, on compte également Jean-Christophe Buisson, rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine.
En fait, des membres du lobby arménien se trouvent dans presque toutes les rédactions de presse écrite, télévisée ou radiophonique.

C’est ainsi que les reportages réalisés pendant la guerre de 2020 ont été systématiquement censurés ou modifiés et qu’aucun azerbaïdjanais n’a jamais été invité sur un plateau de télévision face aux intervenants arméniens qui avaient le monopole de la parole.

La crypto-presse, autrement dit les « lettres » spécialisées dans certains domaines comme la sécurité, la diplomatie, ou le lobbying, distribuées seulement sur abonnement à une clientèle influente, a pu aisément construire le mythe de la « diplomatie caviar » azerbaïdjanaise, par laquelle l’ambassade d’Azerbaïdjan en France tiendrait table ouverte aux élus français, distribuant le caviar à la louche et les enveloppes dans les poches. Accuser ses adversaires de ses propres turpitudes est une méthode éprouvée. Quand on a goûté aux cacahuètes de l’Ambassade d’Azerbaïdjan, l’idée de la « diplomatie caviar » peut prêter à rire, D’autant que les Arméniens ont le monopole du commerce du caviar en France ! Mais plus un mensonge est gros, plus il est crédible.

Cette formidable pression du lobby arménien a eu pour effet de présenter la guerre de 2020, puis la libération de Khankendi-"Stepanakert" comme une agression à l’égard de l’Arménie, de rendre acceptable l’idée farfelue de la présence arménienne multi-millénaire au Karabakh, et aujourd’hui de présenter les négociations de paix comme une ruse azerbaïdjanaise et l’expression de la faiblesse du premier ministre arménien Nikol Pachinyan.

Madame Leyla Abdullayeva, ambassadrice d’Azerbaïdjan à Paris, réagissant à une nouvelle salve d’articles anti-azerbaïdjanais à l’occasion des jeux olympiques, de l’organisation par Bakou de la COP29, et des négociations pour la paix, déclarait cette semaine : « Malheureusement, il est devenu si courant de constater la vision déformée et biaisée de la situation dans le Caucase que tentent d’imposer certains médias français. Le Karabakh est un territoire souverain de l’Azerbaïdjan, reconnu comme tel par l’ensemble de la communauté internationale, y compris l’Arménie. Après sa libération, suivant presque trente années d’occupation et de destructions, nous avons entamé le processus de normalisation avec la république d’Arménie, démontrant ainsi notre engagement en faveur de la paix. Continuer à introduire de faux récits ne fait qu’entraver le processus de paix sur terrain. »

Amender la constitution arménienne

Entraver le processus de paix sur le terrain, c’est exactement l’objectif de ces campagnes médiatiques. Mais l’Azerbaïdjan n’a pas mesuré l’importance de la communication dans la mentalité occidentale, et les fake news continuent de prospérer, tout en influençant de manière décisive la politique étrangère de l’Europe, notamment en cherchant à décrédibiliser la parole azerbaïdjanaise.

Tout cela ne ralentit pourtant pas les négociations entre Nikol Pachinyan, le premier ministre d’Arménie et Ilham Aliyev, le président de la République d’Azerbaïdjan.

Mais un problème de taille, très concret celui-là, semble, pour le moment, faire obstacle à la conclusion d’un accord de paix. Il se trouve dans la constitution arménienne : une référence à l’unification avec le Haut-Karabakh.

La déclaration d’indépendance de l’Arménie, adoptée en 1990, qui fait partie de la Constitution en tant que documents fixant les « principes fondamentaux et les objectifs nationaux de l’État arménien ». mentionne en effet qu’elle est basée sur la « décision commune du 1er décembre 1989 du Conseil suprême de la RSS d’Arménie et du Conseil national de l’Artsakh [terme désignant le Haut-Karabakh pour l’Arménie] sur la Réunification de la RSS d’Arménie et de la région montagneuse du Karabakh ».

Cette mention est par essence incompatible avec un accord de paix fondé sur la reconnaissance mutuelle de l’intégrité territoriale des deux pays, tel que l’ont d’ailleurs proposé les deux dirigeants. Le président azeri Ilham Aliyev y voit même une « menace territoriale pour l’Azerbaïdjan ». Selon lui « Un accord de paix est impossible » tant que ce paragraphe n’est pas retiré du document.

Le problème est que les puissants groupes nationalistes arméniens ne l’entendent pas de cette oreille. Le maintien de cette mention leur permettrait de justifier éventuelle future rupture du traité de paix, alors que son retrait rendrait ce traité inattaquable et définitif.

Le premier ministre arménien Nikol Pachinyan le sait. iI expliquait en janvier 2024 que garder ce passage dans la constitution signifiait « que nous n’aurons jamais de paix ». Il ainsi ordonné l’écriture d’une nouvelle constitution, qui doit être prête pour janvier 2027. Elle est rédigée par un Conseil des réformes constitutionnelles créé en 2022. Mais un référendum est nécessaire pour retirer la mention de la déclaration d’indépendance, et la pression du lobby anti-paix sur les électeurs arméniens pourrait aboutir à la défaite de Pachinyan. Un lobby qui étend son influence jusqu’au sein du gouvernement arménien. Le 7 juin, le ministère des Affaires Étrangères arménien déclarait dans un communiqué : « Une telle rhétorique [la demande de modification de la constitution] torpille le processus de paix et jette des doutes sur la sincérité des dirigeants de l’Azerbaïdjan à parvenir à la paix ».

« Il ne s’agit pas de le faire sous la pression de l’Azerbaïdjan, mais de répondre à une question : voulez-vous la paix ou voulez-vous la possibilité d’une nouvelle confrontation avec l’Azerbaïdjan ? », a immédiatement réagi, au micro de Radio Free Europe, Elchin Amirbayov, représentant du président Aliyev dans les négociations et ancien ambassadeur d’Azerbaïdjan à Paris. « S’ils présentent les choses sous cet angle, je pense que la majorité des Arméniens qui participeraient à ce plébiscite ou à ce référendum soutiendraient la paix, j’en suis sûr. » a-t-il ajouté.

Pour Pachinyan, le challenge est de taille : démontrer à son peuple que les revendications territoriales de l’Arménie sur l’Azerbaïdjan ont ruiné le pays et empêché son développement. L’avenir de l’Arménie passe par le rétablissement de relations cordiales et le développement des coopérations diplomatiques, économiques, et culturelles, avec ses voisins, qu’ils soient turcs ou azerbaïdjanais. Mais il existe tellement d’appétits et d’intérêts financiers autour de ce petits pays, à cheval sur les zones d’influences dessinées par les grands empires russe, ottoman et perse, qu’il faudra beaucoup de bonne volonté, de part et d’autre, pour y parvenir.

Jean-Michel Brun
Journaliste, politologue


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