Perincek et la Suisse : bataille juridique autour d’un "génocide"

Avec Tribune de Genève

Contrairement à la justice suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a donné raison au politicien turc en 2013, estimant que sa liberté d’expression avait été violée. Face à ce désaveu, la Suisse a demandé le réexamen du cas.

La liberté d’expression signifie-t-elle qu’on a le droit de tout dire ? Y compris que le "génocide arménien" est un mensonge international, comme l’avait fait Dogu Perincek en 2005 ? C’est tout l’enjeu de la bataille juridique qui oppose le politicien politicien turc à la Suisse.

Le tribunal de police de Lausanne avait condamné en 2007 le chef du Parti des travailleurs de Turquie (extrême-gauche) à 90 jours-amende avec sursis pour discrimination raciale et 3000 francs d’amende pour ces propos qu’il avait tenus lors de plusieurs réunions publiques.

Un verdict confirmé par le Tribunal fédéral.

La Haute Cour relevait alors que la qualification de "génocide" fait l’objet d’un large consensus, qui prévaut tant parmi la communauté scientifique qu’auprès du public et "selon le peuple suisse"

Verdict attendu de la CEDH

Un avis que ne partage pas la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Les juges de Strasbourg ont donné raison au politicien turc en 2013, estimant que sa liberté d’expression avait été violée. Contrairement au TF, ils doutent qu’il puisse y avoir un consensus général sur le "génocide arménien".

La CEDH ne s’est pas prononcée sur la qualification juridique des crimes commis en 1915. Elle a estimé que la notion de « génocide » est « une notion de droit étroitement définie, dont la preuve est par ailleurs difficile à apporter. »

Face à ce désaveu, la Suisse a demandé le réexamen du cas devant l’instance ultime, la Grande Chambre de la CEDH. La dernière audience a eu lieu en janvier et le jugement est attendu à une date non précisée.

Pas de parallèle avec l’Holocauste

A noter que, dans son jugement de 2013, la CEDH distingue clairement cette affaire de celles qui portent sur la négation des crimes de l’Holocauste. Dans ces affaires, les personnes en cause avaient nié des faits historiques parfois très concrets comme l’existence des chambres à gaz.

Selon elle, la négation de l’Holocauste est aujourd’hui le moteur principal de l’antisémitisme. Il s’agit d’un phénomène contre lequel la communauté internationale doit faire preuve de vigilance. Pour la Cour, on ne saurait affirmer que le rejet de la qualification de « génocide » arménien puisse avoir les mêmes répercussions.