Par Salih Babayigit
La loi sur la négation des génocides a plongé les franco-turcs dans un
profond malaise, aggravé ces dernières semaines, par une atteinte
manifeste à leur liberté d’expression.
Nul besoin d’attendre l’entrée en vigueur de la loi sur les génocides
pour se voir priver de la liberté de s’exprimer ! Par soucis
d’anticipation, les médias français prennent d’ores et déjà les
devants et l’initiative de la mettre soigneusement en application. Non
point en traduisant « les négationnistes » devant la justice_ Encore
faudrait-il leur accorder une tribune d’où ils pourraient s’exprimer_
mais en imposant une véritable censure, dictée sans nul doute, par des
groupes de pression connus de tous.
Depuis le début de cette affaire en effet, les médias libres et les sites
des grands journaux s’appliquent à supprimer systématiquement les
articles et surtout les commentaires pro-turcs. Comment justifier cette
entrave alors qu’il n’y a l’ombre de la moindre insulte, ni de la
moindre provocation, mais simplement une expression d’amertume ainsi que
des interrogations par rapport au bien fondé de la loi ? Pis encore, le
cas des chaines télévisées laisse à penser qu’elles se sont
accordées, selon les termes d’une entente tacite, à réserver
l’exclusivité de leurs plateaux à des « conformistes » ne relayant
de voie dissidente. A qui dés lors les franco-turcs doivent-ils s’en
remettre pour exprimer leur désaccord ? Il y’a bien l’ultime tribune
offerte par les médias franco-turcs. Mais le problème qui se pose,
c’est que leur audience est importante auprès des Turcs, et non auprès
des « franco-français » qui pourtant devraient constituer la vraie
cible. Tout porte à croire qu’il y’a une sorte d’incitation au
retranchement communautariste. L’opinion franco-turque se voit tout
simplement abandonner à elle-même. Les théoriciens du communautarisme
trouveront ici une nouvelle piste de réflexion qui risquerait bien de
chambouler toutes les thèses élaborées jusqu’à ce jour.
Le plus regrettable dans toute cette histoire, c’est que nous discutions
de tout cela dans le pays de Voltaire, celui qui, de son temps, avait
déclaré : « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me
battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Ce qui est
d’autant plus regrettable, c’est que les descendants de cet illustre
personnage nous enseignent aujourd’hui qu’on a le droit à la fois de
critiquer les sensibilités des uns (caricature de Mahomet), tout en
interdisant de nous prononcer sur les leurs.
Salih Babayigit