La Turquie expulse les terroristes français vers la France ? Légal et normal
Aucun accusé ne peut être condamné d’avance, et chacun a droit à un procès équitable.
Les Français qui, d’une manière ou d’une autre, ont coopéré aux actions du groupe Daech, peuvent au minimum se voir reprochée l’infraction d’association de malfaiteurs dans un but terroriste.
S’il y a des preuves d’implication dans des meurtres ou des actes de torture, s’ajoutent ces qualifications criminelles.
Que dit le code pénal ?
La loi pénale « est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République » et « aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ».
Donc, s’il y a des crimes comme le meurtre ou la torture, la compétence et d’office, et s’il s’agit simplement d’association de malfaiteurs, un délit, la compétence française est acquise si l’infraction est sanctionnée dans l’autre pays.
Se pose alors une question précise : dans quel pays les faits ont-ils eu lieu ?
Pour ce dont on parle ces jours-ci, c’est-à-dire des prisonniers récupérés sur la zone qui était contrôlée par les Kurdes, proche de la frontière turque, il s’agit de la Syrie.
Pour juger ces personnes, il y avait donc deux solutions : le jugement en Syrie, dont la France ne prend pas entendre parler, ou le jugement en France, mais la France voulait par-dessus tout l’éviter…
La charge de juger ces personnes n’est pas une mince affaire, mais la France est un grand pays qui a la capacité de tenir de tels procès, ou alors c’est à désespérer…
Par ailleurs, les procédures permettront d’apprendre beaucoup de choses sur le fonctionnement du groupe Daech, son financement, son armement…
Bref, si les Français ont commis des crimes, il est normal que la France les juge et les condamne.
C’est une charge de l’État.
Très bien, sauf que LE DRIAN, le Ministre des affaires étrangères, soutenait ce point de vue impossible : ils doivent être jugés là où ils ont commis les crimes. En Syrie ? Hors de question. Bon.
Alors il n’y a que deux mauvaises solutions.
La première est de transférer ces compatriotes en Irak. La compétence est bien difficile à justifier, car ces infractions ont été commises en Syrie, pas en Irak, et pour ce pays qui a tant à faire en matière de sécurité, les procès étaient objectivement expéditifs, avec très souvent une peine de mort programmée. Agnès Callamard, rapporteur spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, avait stigmatisé cette pratique française dans un courrier adressé au gouvernement : « Le transfert de djihadistes français est extrêmement grave. Il a donné lieu à plusieurs violations du droit international. »
La seconde solution était de laisser ces personnes aux mains des groupes kurdes, qui, de fait, en ont gardé bon nombre - en détention ou en jugement, on ne sait pas - et ces personnes sont actuellement récupérées par la Turquie. Il était invraisemblable de la part de la France de confier le sort pénal de ressortissants français à des milices armées, car il n’y a jamais eu d’Etat kurde, donc pas de système judiciaire kurde. C’était un déni de l’État de droit.
La Turquie n’a pas de prétentions territoriales sur la zone frontière. Selon le droit international, elle est actuellement puissance militaire occupante, temporaire, le temps nécessaire pour restaurer la sécurité de son territoire.
À ce titre, elle a une mission d’ordre, et récupérant ces ressortissants français et européens, elle est parfaitement en droit de les expulser vers les pays d’origine.
Devant la force des événements, Madame PARLY, Ministre de la défense, tente de banaliser, en expliquant que cela se fait dans un protocole bien établi, des policiers français se rendant en Turquie pour prendre en charge les personnes concernées et les placer sous enquête judiciaire dès leur arrivée en France. Oui,… à ceci près que ce protocole jouait pour les personnes arrêtées en Turquie et que la France n’en voulait pas pour ceux de DAECH.
Marche arrière toute pour le gouvernement français : le mécanisme imposé par la Turquie est incontournable, il faudra bien juger ces personnes-là en France.
C’est légal et normal.
D’ailleurs il y a tout lieu de penser qu’il y en aura bien d’autres à juger, ceux qui ont échappé à l’arrestation là-bas, et qui, d’une manière ou d’une autre, sont en train de se rapatrier en France, leur pays.
Affaire à suivre, donc, car la loi s’impose à tous.