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KOCA SEYIT : LA TRISTEMENT BANALE HISTOIRE D’UN HÉROS TURC !

Publié le | par Engin, Özcan Türk (Facebook) | Nombre de visite 541
KOCA SEYIT : LA TRISTEMENT BANALE HISTOIRE D'UN HÉROS TURC !

KOCA SEYIT : LA TRISTEMENT BANALE HISTOIRE D’UN HÉROS TURC !

Les milieux réactionnaires turcs tentent de réécrire l’histoire turque en gommant le nom de Mustafa Kemal Atatürk. Ces dernières années, cette tendance idéologique malveillante, dénuée de tout fondement scientifique, a empiré.
Ainsi, pour célébrer la victoire de la fameuse bataille des Dardanelles (Canakkale), les faussaires islamistes publient toutes sortes de texte et d’illustration avec une ablation volontaire de la figure héroïque de Mustafa Kemal. Pour la bataille des Dardanelles par exemple, ils mettent en exergue exclusivement l’héroïsme (mérité) du caporal turc Seyit qui a transporté sur son dos un obus de 215 Kg ayant permis de couler un cuirassé anglais. Bien évidemment, il est parfaitement inepte d’opposer Seyit à Mustafa Kemal. Ces 2 héros sont complémentaires, ils se sont battus ensemble.

Voici la traduction d’un article signé de Hüseyin Vodinalı publié le 16 mars 2015 sur Odatv qui conte la suite, très triste, de l’histoire de « Koca Seyit » et comment Atatürk l’a secouru.

Terminons par préciser que la victoire des Dardanelles est intimement liée au génie militaire de Mustafa Kemal Atatürk. Peut-on concevoir la libération d’Orléans sans Jeanne d’Arc, la bataille d’Austerlitz sans Napoléon, la bataille de Verdun sans le maréchal Pétain ou l’Appel du 18 juin sans le général de Gaulle ? Pourtant, en Turquie, depuis une grande décennie, force est de constater des tentatives infâmes d’effacement d’Atatürk lors des célébrations de la grande victoire des Dardanelles. Ainsi, nombreux sont les dirigeants et élus politiques turcs à ignorer volontairement le rôle crucial de Mustafa Kemal. D’autre part, l’immense majorité des imams ne citent plus Atatürk, dans les mosquées, lors des prières communes à la mémoire des combattants turcs des Dardanelles.
On laisse croire à une victoire mystique et confessionnelle en faisant fi de toute stratégie militaire et de toute tactique de commandement.

Dans cette bataille historique pour le contrôle du détroit des Dardanelles, le caporal Seyit a joué un rôle incontestablement héroïque qu’il convient de saluer et honorer.


Le Grand Seyit « Koca Seyit » est son nom de héros. Seyit Ali Çabuk est son nom d’identité.

Il est le héros qui a soulevé un obus de 276 kg ayant permis de couler un cuirassé anglais lors de la bataille des Dardanelles.

Seyit Ali est né en 1889 dans le village forestier de Manastır rattaché au district de Havran dans la province de Balıkesir. Il est l’enfant frêle aux yeux bleus d’une modeste famille de Yörük, des Turkmènes nomades.

Seyit emmène paître ses chèvres et parfois, il vend du bois de chauffage qu’il récupère illégalement dans la forêt.

En 1909, il est enrôlé dans l’armée pour ses obligations militaires. En 1912, la guerre des Balkans le rattrape. Et en 1914, Il se retrouve à la bataille des Dardanelles comme canonnier.
Le 18 mars 1915, l’ennemi passe à l’offensive pour s’emparer du détroit stratégique des Dardanelles. Seyit sert, à ce moment, au fort de Mecidiye (Rumeli Mecidiye Tabyası) situé sur la péninsule de Gallipoli.

Rappel des faits : Un obus tiré par le cuirassé HMS Queen Elizabeth qui avait commencé à pilonner les positions ottomanes sur la côte, tombe sur le fort de Mecidiye. Les pertes turques sont très lourdes et seuls demeurent vivants 2 soldats et leur commandant. L’un de ces soldats est Seyit Ali Çabuk.

Il parvint à porter un premier obus de 276 Kg jusqu’à la batterie de canon car le treuil est endommagé. Le premier tir est un échec. Le second également. Par contre, grâce au 3è obus qu’il soulève avec l’aide de Niğdeli Ali, le tir parvient à toucher et détruire le système de navigation du cuirassé britannique HMS Ocean qui ensuite heurte une mine mouillée par le torpilleur turc Nusret et coule, de même que le cuirassé français Bouvet.
Suite à sa bravoure, Seyit est promu caporal et décoré.
Il perçoit également une double ration. Une semaine plus tard, il la refuse l’estimant inéquitable à l’égard de ses camarades d’armes.

Le caporal Seyit Ali est démobilisé en 1918. Lors de la réforme des noms de famille d’Atatürk, on lui attribue, en toute logique, le patronyme « Çabuk » signifiant « Rapide » en turc.

TOUTE UNE NUIT DEVANT LA PORTE AVANT DE POUVOIR RENTRER CHEZ LUI

Seyit Ali marche 13 jours, du champ de bataille de Çanakkale pour rejoindre son village de Manastır à Havran, soit 145 kilomètres. Tous les villageois le croient mort. Devant chez lui, il hésite pour entrer. Ça fait 9 longues années qu’il est parti. Peut-être que sa femme s’est remariée ? Peut-être qu’il est de trop ? Il doute, il s’interroge. Arrivé au crépuscule, il guette sa maison juqu’au petit matin. A l’aube, il rencontre l’un de ses cousins bergers qui emmène paître le troupeau de moutons.
 Qui es-tu ?
 Je suis Seyit.
 Seyit ?! On te croyait mort !
 Je suis bien vivant. Me voilà, je suis revenu. Dis-moi… est-ce que ma femme s’est remariée ?
 Non, elle t’a attendu. Elle a un enfant. Va les voir.
Seyit frappe à la porte et appelle sa femme.
Une fille de 8 ans se pointe sur le palier. « Mamaaaan, il y a un monsieur barbu à la porte, j’ai peur ! ».
La maman accourt et voit Seyit : « Ne crains rien ma chérie, c’est ton père ! » rassure-t-elle.
Ainsi, Seyit rencontre sa fille, pour la première fois, 9 ans plus tard…
Cette fille devenue grand-mère racontera, plus tard, à ses petits-enfants que dans les débuts, elle n’osait pas l’appeler papa, ni s’asseoir sur ses genoux…

SEUL ATATÜRK S’EN SOUVIENT !

Seyit Ali à son retour du front ne raconte rien à personne. Il garde pour lui tout ce qu’il a enduré durant 9 ans de guerre.
Le traumatisme l’a plongé dans le mutisme.

En 1929, Mustafa Kemal Atatürk vient à Havran pour une célébration. A cette occasion, il demande au gouverneur de Havran : « Il y a le caporal Seyit qui vit ici, je souhaite le rencontrer. »

Le gouverneur désemparé est incapable d’indiquer à Atatürk le village où vit Seyit Ali mais répond quand même « A vos ordres mon général, nous le trouverons ! ».
Après investigations auprès de l’office du service militaire, il apprend que Seyit habite le village de Manastır.
Deux gendarmes sont alors dépêchés pour aller chercher le caporal Seyit. Les militaires partis le matin arrivent au village de Seyit le soir.
Le brave Seyit est absent, il est parti travailler à la forêt. Les soldats l’attendent jusqu’au soir devant chez lui. Seyit rentre tard et en apercevant les gendarmes, il pense aussitôt qu’ils sont là pour le sanctionner de ses activités dans la forêt. En effet, Seyit récupère du bois illégalement dans la forêt et le transforme en charbon de bois pour le chauffage qu’il vend afin de nourrir sa famille.
Sans rien laisser paraître, Seyit interroge les gendarmes : « Qu’y a-t-il ? Que me reprochez-vous ? ».
Surpris, les gendarmes lui expliquent : « Mais rien, Mustafa Kemal Pacha souhaite te rencontrer, nous sommes venus te chercher ».
Seyit est très agréablement surpris par une pareille nouvelle !

Les 3 hommes parviennent à Havran dans la nuit. Le gouverneur voyant Seyit dans un état de grande pauvreté, lui fait prendre un bain, puis l’emmène chez le barbier et enfin, le lendemain matin, le fait vêtir d’un beau costume.
Les retrouvailles avec Mustafa Kemal Pacha sont très émouvantes.
Atatürk lui demande : « Seyit, tu es un grand héros. La patrie te doit beaucoup. Je t’en prie, demande-moi ce que tu veux ! Et pour commencer, permets que je te fasse verser une pension mensuelle. »
Et Seyit de refuser : « Non mon Pacha, je n’ai fait que mon devoir, je ne l’ai pas fait en contrepartie d’un salaire ».

Puis, hésitant, Seyit ajoute : « Juste une chose si je peux me permettre mon Pacha… Je ramène du bois de la forêt que je vends ensuite le soir venu aux habitants de la région pour se chauffer. Je serais heureux si vous pouviez ordonner aux gardes forestiers de ne pas confisquer ma hache. Je veux travailler tranquillement. Je ne veux pas d’argent. Je veux le gagner à la sueur de mon front. »
Atatürk ordonne aussitôt au gouverneur de laisser Seyit entièrement libre de travailler dans la forêt.

2 ans plus tard, un nouveau gouverneur est muté à Havran. Celui-ci ignore l’ordre de Mustafa Kemal Pacha et Seyit est de nouveau obligé de fuir les gardes forestiers qui ne le laissent guère tranquille.

Le caporal Seyit poursuit un temps encore ses activités dans la forêt jusqu’à ce que la vieillesse l’en empêche progressivement. Ensuite, il travaille comme manœuvre dans une usine à Havran.

En 1939, à l’âge de 50 ans, le valeureux Seyit succombe à une pneumonie. Il est inhumé dans son village.

Et le village du Grand Seyit est toujours aussi pauvre…
Son village où vit une petite centaine de ses descendants est renommé Çamlık puis en 1990, il est enfin baptisé du nom de son héros : « KocaSeyit », le Grand Seyit.
Mais, la commune n’a toujours ni l’électricité, ni l’eau courante !
Un temps, l’armée turque décide d’investir dans cette localité à la mémoire de ce vaillant soldat et héros national. D’ailleurs, une stèle de Seyit est même érigée, mais les procès Ergenekon et Balyoz (NDLR : La justice turque a acquitté en 2015 près de 200 militaires turcs suspectés iniquement d’avoir planifié en 2003 un coup d’État contre le gouvernement) gèlent toute action des militaires.

Le sort du village de Seyit n’a rien de différent des autres communes du sud-est turc, ses habitants élèvent des moutons et des chèvres, et vont travailler dans les champs des grands propriétaires terriens… comme leur aïeul Seyit !

L’histoire de Seyit est similaire à celle de tous les héros turcs.

Au moins lui, il a de la chance car certains héros actuels sont parfois incriminés et parfois emprisonnés avec manipulation et malveillance, s’ils ne se pendent pas avant.

Hüseyin Vodinalı
16/03/2015

©Traduit du turc par Özcan Türk

Source de l’article en turc : https://odatv.com/kocaseyiti-hic-boyle-bilmediniz-1603151200.html


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