En Turquie, le garra rufa, vorace poisson de torrent, est utilisé depuis des siècles pour traiter le psoriasis ou l’eczéma. Dans les Weppes, des flux frétillants à nageoires travaillent dans les cinq aquariums du ZenFish Spa.

Quittons les trottoirs enneigés pour livrer nos pieds à ces hordes affamées.

Dans la pénombre apaisante, sous la tenture indienne faite de robes de mariée, cinq aquariums sombres scintillent. Ambiance orientale, musique zen, encens. Des bulles brillantes fusent dans les bassins où filent des flux de petits poissons noirs. Enfin, petits, bien plus gros que je ne l’imaginais.

Une légère appréhension me gagne. « Ils n’ont pas de dents, rassure Jean-Yves Carl, associé à sa belle-fille Laurine Marchesseau, qui a ouvert le ZenFish Spa de Sainghin mi-septembre. Ils effectuent des microsuccions et râpent avec leurs lèvres. Cela a trois vertus : débarrasser les ongles et les pieds des peaux mortes, détendre, augmenter l’afflux sanguin. »

Je trempe mes jambes dans un mélange d’eau et d’argile verte, antiseptique naturel. Chance, je n’ai pas de mycose ou de plaie. Sinon, adieu garra rufa en folie. Je m’assois sur un banc, « à la meilleure place », sous le mur végétal où l’eau ruisselle entre les plantes exubérantes.

Doucement, je plonge mes petons dans l’aquarium. La horde piscicole se jette sur mes orteils et mes mollets. À bouche grande ouverte, à nageoires frétillantes, elle se gave en me chatouillant légèrement. La sensation est celle d’un léger courant électrique. « Les gens ont diverses sensations, pour beaucoup ce sont des bulles, un jeune couple est parti dans un fou rire de dix minutes, une dame m’a pris le bras, livre Jean-Yves Carl. Je cours beaucoup, les poissons se mettent sur mon talon d’Achille. » Chez moi, ils aiment le dessous des orteils.
Peu à peu, je les fixe moins, je les oublie, je joue à leur enlever le pain de la bouche. Dans une eau à 28 ° C, une certaine détente gagne. Et l’évasion. « Beaucoup de personnes ont le sentiment d’avoir les pieds légers, ne veulent plus remettre leurs chaussures. » Je ne l’ai pas ressenti.

Mais j’aurais volontiers attendu encore une demi-heure pour retrouver la neige.

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