28 mars 2024

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100e anniverssaire de la république de Turquie

Le chercheur à l’American Enterprise Institute, Michael Rubin, proche des Républicains aux Etats-Unis, a commenté la réunion du 5 novembre dernier entre Erdogan et Bush à la Maison-Blanche. Cette réunion avait abouti à deux résultats : le partage de renseignements et l’amplification des relations entre les forces armées turques et US… Néanmoins Rubin doute que les Etats-Unis possèdent des renseignements fiables sur l’organisation terroriste PKK.

Signalant que ces derniers temps, le PKK a changé de tactique, Rubin considère qu’il existe des alliances entre les Peshmergas kurdes et l’organisation terroriste. Par ailleurs Rubin déclare que si les Kurdes irakiens forçaient les Etats-Unis à choisir entre une alliance avec « Ankara » ou « Arbil », le choix de Washington se porterait certainement sur « Ankara ».

Répondant aux questions du journaliste Barış Ornarlı sur la chaîne « la voie de l’Amérique », Michael Rubin estime que l’amélioration des relations turco-américaines passe par les changements de gouvernement à Ankara ainsi qu’à Washington.


Dossier du PKK

Influence du terrorisme kurde sur les relations Turquie - Etats-Unis

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 727
Influence du terrorisme kurde sur les relations Turquie - Etats-Unis

Liaisons Peshmergas – PKK ?

BARIŞ ORNARLI : « quel est votre commentaire à l’issue de la réunion Bush – Erdogan ? »

MICHAEL RUBIN : « cette réunion entre les deux leaders est positive. Il y a eu une réelle prise en compte de la crise. Selon moi les Etats-Unis ont obtenu ce qu’ils voulaient, c’est-à-dire apaiser la situation. La Turquie attendait des actions concrètes des Etats-Unis contre le PKK, je ne sais pas s’il y a eu réponse à ces attentes. Les accords entre les deux pays portent sur le partage de renseignements et l’amplification des relations des forces armées turques et US. Néanmoins je ne crois pas que les Etats-Unis possèdent des renseignements fiables sur l’organisation terroriste PKK. »

BO : « qu’entend-t-on par partage de renseignements ? »

MR : « il y a deux sortes de renseignements. La première est de type général : comme les données qui sont fournies par les satellites par exemple… la Turquie possède déjà ce genre de renseignements fournis par les avions turcs. Le second type de renseignements sont ceux qui reposent sur des moyens humains, c’est de ceux-là dont dépend la Turquie afin de parer à des opérations terroristes. Or de ce côté, les connaissances américaines sont médiocres. Un exemple : en 2003, à l’Ouest de la ville de Diyana, j’ai été la cible de tirs du PKK. Mes accompagnateurs ont réussi à calmer la situation. A mon retour aux Etats-Unis j’ai transmis mes informations aux autorités, qui ont été étonnés d’apprendre la présence du PKK dans la région. Ainsi nous pouvons nous poser la question de la pertinence des renseignements US, qui ignorent tout de l’implantation et le développement du PKK dans cette région. »

BO : « pensez-vous que les promesses de Bush de partager des renseignements seront suivies d’effets concrets ? »

MR : « Non. Nous devons nous posez la question suivante : en 2004 lors du sommet de l’OTAN, le Président Bush avait déjà promis de lutter contre la menace du PKK. Or si nous avions des renseignements en 2004, pourquoi ne les avons-nous pas partagés avec la Turquie à cette époque ? »

BO : « et pourquoi ne les partageaient-ils pas ? »

MR : « comme je l’ai dit, je ne pense pas qu’ils possèdent beaucoup de renseignements de ce côté. Concernant la seconde partie des accords turco-américains, c’est-à-dire l’amplification des relations entre les forces armées, cela relève du domaine de la bureaucratie. Le Commandement Américain en Europe est associé à l’Etat-Major Général Turc, et a une connaissance pointue des problèmes posés par le PKK. Le problème vient de ce que le Commandement Central des Forces en Irak dépend d’une bureaucratie entièrement distincte. Et les Commandants américains sur le terrain ne comprennent pas la situation. Avant son départ d’Irak, le dernier discours du général américain, Bejamin Mixon, a démontré explicitement ce fait. Il a affirmé qu’aucune mesure n’avait été prise contre le PKK. Cette déclaration, qui fait fi des finesses diplomatiques, est significative. »

BO : « pourquoi les Kurdes irakiens n’agissent-ils pas contre le PKK ? »

MR : « selon moi Barzani use de la tactique qu’avait également utilisée Yasser Arafat. C’est-à-dire qu’il joue à la fois la carte diplomatique, et il ferme les yeux sur les attaques afin de s’en servir comme moyen de pression. Lorsque vous discutez avec les Barzani et les Talabani, ils ont le discours suivant : « si la Turquie faisait des concessions politiques, nous pourrions alors trouver des accords », ce qui est incohérent. En effet il ne peut y avoir d’accommodements avec une organisation comme le PKK. D’une part, le PKK est hermétique au compromis, c’est une organisation Maoïste, qui s’acharne à imposer son idéologie par la force, d’autre part un tel geste constituerait un dangereux précédent. »

BO : « n’est-ce pas de l’intérêt des Kurdes irakiens de s’accorder avec la Turquie ? Tôt ou tard les Etats-Unis vont quitter l’Irak. »

MR : « les conseillers de Barzani ne lui disent que ce qu’il veut bien entendre. De plus je ne pense pas que Barzani saisisse tout de la situation. Evaluant l’état des forces dans le Nord irakien, il peut penser que la Turquie n’est pas sérieuse. Par ailleurs il y a un autre problème : lors de son attaque du 21 octobre dernier [1], le PKK a utilisé une tactique très différente de la sienne, qui s’apparente davantage à celles qui ont été enseignées par les Etats-Unis aux Peshmergas [2]. Il y a alors une sérieuse question qui se pose ici, qui est de savoir si les Peshmergas ont un rôle dans la coordination de cette attaque ? »

BO : « pensez-vous qu’il y ait des liens entre le PKK et les Peshmergas ? »

MR : « absolument. Que Barzani ait lui-même donné l’ordre d’une attaque, je ne le crois pas. Néanmoins, à force de provoquer ses troupes, il n’est pas improbable que certains Peshmergas aient, d’une manière autonome, agi en ce sens. Dans tous les cas, Barzani à laisser faire cette attaque et ceci n’est pas acceptable. »

BO : « il y a un intense débat sur la pertinence ou pas de dialoguer avec Barzani. Quel est votre point de vue ? »

MR : « le dialogue avec Barzani existe déjà. La Turquie a joué un rôle dans la formation des Peshmergas. Le « Parti démocratique du Kurdistan » [3] a un bureau à Ankara. Donc le dialogue existe. La question ici est de savoir si Barzani, qui occupe de fait la position de préfet de trois provinces irakiennes, peut être considéré ou non comme interlocuteur d’Etat… Lui se pense comme un interlocuteur des Premier ministre et Président Erdogan et Gül, ce qui ne correspond évidemment pas à la réalité. Ainsi Barzani risque de regretter son insistance illégitime. Lorsque j’ai énoncé cette réalité, les Kurdes m’ont vivement critiqué. Si les Kurdes irakiens forçaient les Etats-Unis à choisir entre une alliance avec « Ankara » ou « Arbil », le choix de Washington se porterait certainement sur « Ankara ». J’ai moi-même beaucoup critiqué certaines politiques de l’AKP (Parti et du Développement et la Justice). Néanmoins, la Turquie et les Etats-Unis ont une alliance solide. Malgré les problèmes de ces 5 ou 6 dernières années entre les deux pays, les Etats-Unis ne se passeront pas de la Turquie qui est un allié stratégique. Barzani ne comprend pas cette évidence. »

BO : « ne pensez-vous pas que Barzani ait compris cela ? »

MR : « non – il est fermé à cette réalité. Peut-être qu’un jour, il comprendra, comme l’ancien Chef d’Etat Syrien Hafez el-Assad, qui il y a 10 ans avait fait un virage à 180 degrés [4] devant la détermination de la Turquie. La Turquie doit de nouveau se montrer déterminée et ne pas reculer sur cette question. Tant que le PKK se massera dans le Nord irakien, il y aura des attaques contre la Turquie. A côté de cela la Turquie doit avoir une approche homogène du terrorisme. Ainsi de la même manière que les Etats-Unis sont tenus de soutenir la Turquie sur cette question du terrorisme, la Turquie ne devrait pas affirmer, par exemple, que « le Hamas est une organisation légitime ». Si vous les invitez à Ankara, un jour ou l’autre d’autres affirmeront qu’il n y a pas de différence entre le Hamas et le PKK… D’autant plus qu’il y a aujourd’hui des députés qui déclarent que les terroristes du PKK sont « leurs frères »…

BO : « pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas fait pression sur les Kurdes irakiens pour résoudre ce problème ? »

MR : « ne mésestimez pas la « gaucherie » des Etats-Unis, qui en tant que pays n’a jamais fonctionné de manière coordonnée. Ses succès doivent très souvent à des conjonctures heureuses. Si vous avez un Conseil National de Sécurité et un Ministère des Affaires Etrangères faibles, vous ne pouvez pas développer une stratégie d’envergure. Aujourd’hui le Président ne gère plus que les situations de crise, les partis politiques se sont focalisés sur les élections de 2008 et la Maison-Blanche aspire à la sérénité. »

BO : « le projet de loi arménien n’est plus d’actualité et à la suite de la réunion entre Bush et Erdogan, il y a eu des déclarations positives, pensez-vous, à la vue de ces éléments, à une amélioration des relations turco-américaines, ou est-il encore trop tôt pour l’affirmer ? »

MR : « je ne pense pas que nous soyons dans un processus d’amélioration. Il est positif que le projet de loi arménien soit repoussé d’au moins une année. Personnellement je souhaite que les relations turco-américaines se revigorent, mais je pense que cela ne sera possible, qu’à la condition de changement de gouvernement à Ankara et à Washington. La politique et la diplomatie ne dépendent pas uniquement des sujets traités, mais aussi des relations entre les hommes. Je crains qu’il ne faille de nombreuses années avant que les relations entre les deux pays reviennent à leur niveau des années 90.

BO : « merci beaucoup »

MR : « merci à vous également »


[1cette attaque qui a eu lieu dans la ville turque de Hakkari, a mobilisé pas moins de 200 terroristes du PKK lourdement armés

[2miliciens autonomistes Kurdes en Irak

[3parti kurde fondé par Barzani

[4concernant l’arrestation du chef terroriste en fuite Abdullah Öcalan

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