20 h 30 ce vendredi, à Châteaubriant. La douceur de la tombée de la nuit succède à la moiteur d’une morne journée. Crépuscule irisant, une soixantaine d’hommes et enfants se retrouvent au centre culturel de la communauté turque pour rompre le jeûne. Comme tous les jours depuis le 12 août, date du début du ramadan, quatrième pilier de l’Islam.

« C’est le partage  »

« C’est une période tout à fait spéciale, raconte Dogan Goztepe, membre de la communauté. On jeûne pendant la journée, mais c’est beaucoup plus que cela. Pour les pratiquants, c’est un mois de charité, de générosité. Un mois pour se mettre à la place des pauvres. Un mois où l’on fait plus de dons, plus de prières, où l’on doit se comporter honorablement en tous points de vue. C’est le « sultan » des mois. »

En coulisses, plusieurs commis de cuisine s’affairent au repas. À côté, la vaste salle à manger se mue en théâtre télévisuel des plus effervescents. Les fans ont les yeux rivés sur l’un des matches phares de la 3e journée du championnat de Turquie de football, Gaziantepspor-Konyaspor. Petits et grands vibrent aux sons des commentateurs. Histoire d’oublier un dernier instant les gargouillis sournois de ventres depuis belle lurette éveillés.

21 h 05.

Dans un silence glacial, l’imam de Châteaubriant, Ahmet Mansür, se lève en direction de la Mecque. Il lance l’appel à la prière avant le repas tant attendu. « Une manière de remercier Allah, témoigne-t-il. Pour la force qu’il nous donne pendant la journée, pour la nourriture qu’il nous permet de déguster. »

Un repas bien plus copieux que d’habitude. Et qui débute toujours par une soupe brûlante, pour réaccoutumer l’estomac à la nourriture après une bonne quinzaine d’heures de jeûne. Suivie, ce soir-là, d’un agneau en sauce aux couleurs vives et saveurs relevées, digne des plus grandes cuisines stanbouliotes.

« C’est ça, le ramadan, assure Dogan Goztepe. C’est le partage, le lien avec l’autre. On mange très bien, on voit des gens que l’on ne côtoie pas d’habitude. Pour nous, musulmans, ce sont vraiment les bases de l’humanité. »

Fin du repas.

Un grand va et vient débute. Comme le veut la tradition, délices de pâtisseries orientales et thés fraîchement préparés se succèdent à table. L’imam accompagné de ses fidèles récite une prière à l’attention de ceux qui ont offert et prodigué le repas. Il implore pour eux le pardon des pêchés.

Grande prière

Puis beaucoup se pressent dehors. Pour fumer leur première cigarette de la journée. Car crapotter son mégo est aussi considéré comme une rupture du jeûne, rendant le croyant redevable de 61 jours supplémentaires à l’issue du ramadan. « Mais c’est comme ça, on doit se plier aux règles, rappelle Dogan. Les besoins, les envies doivent se faire ressentir le moins possible. »

22 h 30.

Ahmet Mansur se dirige vers une salle du culte, précédé de quelques fidèles. De 7 à 77 ans. Un appel à la prière, les pratiquants se rassemblent. Une vingtaine de pages du Coran vont être lues pendant près de 45 minutes.

Un rite quotidien spécifique aux trente jours du ramadan. Un rassemblement de plus pour dire à quel point le fait d’être unis et solidaires est fondamental. Loin de toutes ces images d’Épinal dépeignant la plupart du temps en mal l’Islam.
Arnaud SOUQUE.