Depuis le nord irakien, où elle possède des camps et près de 4000 activistes, l’organisation terroriste kurde PKK s’est lancée, ces derniers mois, dans une politique de confrontation d’envergure contre la Turquie. Ainsi, durant le mois d’octobre, le PKK lancera des attaques qui mobiliseront des centaines de terroristes lourdement armés, qui feront plus de 200 victimes en Turquie.
En réponse à ces évènements, et poussée par son opinion publique choquée et en colère réclamant des mesures fortes contre le PKK, les autorités turques lanceront des offensives diplomatiques et militaires, qui commencent à porter leurs fruits. En effet, si États-Unis et les autorités irakiennes étaient d’abord hostiles à une quelconque opération turque en Irak contre le PKK, ils soutiennent désormais officiellement le droit de la Turquie à se défendre contre les agressions terroristes. Ainsi, même s’il reste encore à convaincre Massoud Barzani (président de l’autorité autonome kurde qui contrôle la région où s’abrite le PKK) de se désolidariser du PKK, la situation évolue en défaveur de l’organisation terroriste.
La politique du PKK qui visait à attirer les forces armées turques dans le bourbier irakien et généraliser le conflit à une guerre entre Turcs et Kurdes est donc en train d’échouer [1], et les opérations turques hier souhaitées par le PKK, sont aujourd’hui logiquement redoutées. C’est dans ces circonstances qu’un des hauts dirigeants de l’organisation terroriste, Cemil Bayik, sentant le vent tourner, a mis en garde les États-Unis et l’Irak contre toute assistance à la Turquie dans des opérations en Irak contre leurs camps. Menaçant de déstabiliser le nord irakien, Cemil Bayik a déclaré par l’intermédiaire de l’agence Firat (porte-parole du PKK) : « Les États-Unis, l’Union patriotique du Kurdistan et le Parti démocratique du Kurdistan doivent comprendre que si nous le voulons, nous pouvons provoquer l’instabilité et mettre leurs intérêts en danger. » [2]
Ce chantage terroriste est évidemment un argument puissant pour les États-Unis qui veulent coûte que coûte préserver la stabilité relative du nord irakien, seule région d’Irak où ils peuvent encore se maintenir. De l’autre côté, si la Turquie n’avait jusqu’à maintenant rien entrepris contre la présence du PKK en Irak, c’était sur demande pressante des États-Unis, qui se sont ainsi placés en position d’intermédiaire, et doivent donc assumer ce rôle. D’autant plus que les autorités américaines ont également leur part de responsabilité dans l’implantation et le développement du PKK en Irak, en effet dans l’objectif d’une guerre contre l’Iran ils ont armé et entraîné les terroristes du Pejak – branche du PKK en Iran.
Nous pouvons supposer que pour les États-Unis la meilleure solution serait que les deux autorités kurdes d’Irak se désolidarisent complètement du PKK (ce qui pour sembler être le cas pour [l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani mais pas encore pour le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani), que le PKK soit isolé dans les monts Kandil et que des opérations militaires soient menées afin de réduire sa capacité de nuisance. Mais l’organisation terroriste ne l’entend évidemment pas de cette oreille et Cemil Bayik nous rappelle qu’ils feront des vagues. À la lumière de ces évènements, nous pouvons dire que la lutte contre le PKK en Irak est en train de passer du stade de la mascarade, à celui plus sérieux d’un isolement de l’organisation terroriste. Rien bien entendu n’est gagné dans la lutte contre le terrorisme, mais la Turquie qui a su être patiente et déterminée face aux agressions du PKK, a aujourd’hui de solides atouts en main.
[1] certains analystes turcs affirment également qu’en perte de vitesse le PKK aurait lancé cette politique d’attentats pour remobiliser ses troupes