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Politique

Le général Işık Koşaner à la tête de l’armée turque.

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Le général Işık Koşaner (à droite sur la photo) a pris hier le commandement de l’armée turque, en remplacement du général İlker Başbuğ (à gauche sur la photo). Cette prise de fonctions était attendue, mais elle n’aura pas été sans mal puisque, cette année, le YAŞ (Conseil militaire suprême), qui habituellement décidait souverainement des nominations aux postes de responsabilité de l’armée, s’est vu pour la première fois sévèrement contrôlé par le gouvernement. On se souvient, en effet, qu’au début de ce mois, le premier ministre, constamment présent lors des sessions du YAŞ, s’était opposé ouvertement à la promotion de militaires impliqués dans des affaires judiciaires, et avait refusé la nomination du général Hasan Iğsız, à la tête de l’armée de terre ; ce qui avait eu pour effet de bloquer la nomination du général Koşaner, comme chef d’état major, pendant 5 jours.

Le revers de l’armée à l’issue de ce dernier YAŞ aura consacré les humiliations permanentes qu’aura eu à subir İlker Başbuğ, au cours des deux ans de son commandement. Investi en août 2008, alors même que l’affaire « Ergenekon » était dans son premier essor, le général Başbuğ s’était d’abord fait remarqué en envoyant l’un de ses adjoints rendre visite à deux des généraux à la retraite emprisonnés dans le cadre de la fameuse affaire. Cette initiative était sensée faire comprendre au gouvernement que l’attitude de l’état-major à l’égard des procédures engagées contre les militaires, était appelée à se durcir. En réalité, la mise en cause de l’armée, tant par les médias que par la justice, n’a cessé de se poursuivre, dans les mois qui ont suivi. Dès le mois d’octobre 2008, après l’attaque meurtrière du poste militaire d’Aktütün par le PKK, le quotidien « Taraf » soutenant l’AKP, photos aériennes à l’appui, accusait l’état major d’avoir été au courant de l’opération qui se préparait contre Aktütün et de n’avoir rien fait. Par la suite, en juin 2009, le même quotidien révélait « le plan d’action contre la réaction », un complot militaire visant à discréditer le gouvernement et le mouvement Fethullah Gülen. Ce nouveau scandale entrainait une profonde réforme de la justice militaire. À la fin du mois d’octobre 2009, le scandale du « plan d’action contre la réaction » était relancé par la livraison du document original de ce complot militaire par une source anonyme, et quinze jours plus tard une nouvelle source anonyme dévoilait une opération de propagande militaire de grande ampleur consistant à monter des sites défendant le point de vue de l’armée . Cette révélation devait coûter 6 mois plus tard le poste de chef de l’armée de terre au général Iğsız, car ce dernier fut alors identifié comme étant l’un des cerveaux de cette opération cybernétique. Entretemps, la fin de l’année 2009 fut encore marquée par l’arrestation de deux militaires aux abords de la résidence du vice-premier ministre, Bülent Arınç et par la fameuse affaire de la chambre cosmique qui vit la justice civil investir les archives militaires les plus secrètes. Mais, en janvier 2010, c’est surtout la "révélation" du « plan Balyoz » ,un sois-disant scénario imaginé par l’armée en 2003 pour créer le chaos et déstabiliser le gouvernement de l’AKP(nous pouvons aussi ajouter que cette "révélation" est quelque peu douteuse et profite le gouvernement de l’AKP en discréditant l’armée turque), qui laissait l’armée « KO », en provoquant une vague spectaculaire d’arrestations, au mois de février 2010 .

Au cours de ces deux ans d’affaires et de scandales permanents, on ne peut pas dire que le général Başbuğ n’ait pas tenté d’enrayer le lent déclin politique de l’armée. Dès son intronisation en août 2008, il s’était montré assez offensif, en dénonçant le développement en Turquie « d’une culture et d’un mode de vie fortement influencés par l’islam. ». Mais il devait aussi surprendre en avril 2009, à l’occasion de son discours devant l’académie militaire, en reconnaissant la diversité du pays et en estimant que l’on ne devait plus parler de peuple turc, une notion trop ethnique, mais de peuple de Turquie, une notion incluant l’ensemble des communautés qui forment la Turquie contemporaine. Le plus souvent, cependant, le général Başbuğ est apparu comme débordé par les révélations d’affaires à répétition. Ceci l’a amené à interférer à plusieurs reprises dans des procédures judiciaires en cours ; une témérité qui pourrait lui valoir de mauvaises surprises et une retraite agitée, si la justice s’en saisit à l’avenir. À la fin de son commandement d’ailleurs, le général Başbuğ a été accusé de chercher à faire promouvoir au plus haut niveau des militaires qui lui sont proches, afin que ceux-ci puisse le protéger contre de tels périls s’ils devaient se concrétiser.

Compte tenu d’une telle évolution, le général Koşaner, souvent présenté comme un représentant traditionnel de l’establishment politico-militaire laïque, est-il bien l’homme de la situation ? On se souvient qu’en 2008, lors de son accession à la tête de l’armée de terre, il avait fait sensation en dénonçant les effets « nocifs » de la mondialisation et de la diversité ethnique sur l’Etat-nation. Si, dans son discours d’intronisation comme chef d’état major, Işık Koşaner est resté plutôt réservé, il n’a pu s’empêcher de prendre à nouveau la défense de l’État-nation, en regrettant que ce dernier soit remis en cause au nom de la démocratie et des droits de l’homme.

Toutefois, et c’est un signe des temps, les médias turcs s’intéressent, beaucoup moins que lors des renouvellements précédents, à la personne du nouveau chef d’état major. La plupart des observateurs pensent qu’un processus de démilitarisation inéluctable du système politique turc est engagé, et que rien ne l’arrêtera. Quel soit son chef, l’armée est donc appelée à être de plus en plus soumise au pouvoir politique. Dès lors, le nouveau chef d’état major pourra tout au plus mener des combats d’arrière-garde. Et comme il sera de moins en moins un acteur du système, mais de plus en plus son exécutant, sa personne finalement importe peu au profit du gouvernement de l’AKP.

Source : Ovipot


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