La xénophobie et la turcophobie d’extrême droite : partie émergée de l’iceberg turcophobe

La xénophobie et la turcophobie d’extrême droite : partie émergée de l’iceberg turcophobe.
L’attentat terroriste du 15 mars 2019 visant les musulmans de Nouvelle-Zélande a fait près de 50 morts. Le terroriste, Brenton Tarrant, un Australien âgé de 28 ans, filmant en direct son massacre, a attaqué avec des armes lourdes deux mosquées dans la ville de Christchurch.
Le calme surprenant du terroriste est à remarquer, cela montre qu’il s’est conditionné ou a été conditionné avant de passer à l’acte.
Par ailleurs, le fait de filmer le massacre, d’inscrire des slogans sur les armes et de publier avant l’attaque un manifeste intitulé « le grand remplacement » avait pour objectif de faire passer des messages.
Parmi ces messages, ceux à teneur turcophobe occupent une large place. Ainsi, sur le fusil d’assaut étaient inscrits les termes de « Turcofagos » qui signifie, « mangeurs de Turcs » en grec, « Vienne 1683 » et « 1571 » qui sont des dates de défaites militaires ottomanes.
Dans le manifeste, le terroriste menace les Turcs de ne pas mettre un pied en Europe, il menace également de venir « détruire » à « Constantinople » - ancien nom grec de la ville d’Istanbul utilisé par les Occidentalistes - « toutes les mosquées », ou encore accuse les Turcs d’ « envahir » et d’ « occuper les terres » occidentales.
Certains analystes rattachent ce genre de discours à ceux élaborés par l’extrême droite en France (1). En effet, le titre du manifeste publié par Brenton Tarrant, le « grand remplacement », est emprunté à Renaud Camus qui, dans une perspective ethniciste et culturelle, prédit le « remplacement » des Européens par des non-Européens. D’autres analystes, voient plutôt la source de l’idéologie de Brenton Tarrant dans le suprématisme blanc anglo-saxon (2). Sans doute, s’agit-il d’un amalgame des deux...
Mais sans aller dans les extrêmes ne retrouve-t-on pas cette turcophobie dans les discours politiques et médiatiques « traditionnels » européens ?
Lorsque, l’ancien président français Nicolas Sarkozy affirme que « si la Turquie était dans l’Europe ça se saurait » identifiant la modernité d’un peuple à une aire géographique ou à une culture, ou encore l’ancien ministre des armées Sylvie Goulard qui, dans la perspective d’une Europe puissance, s’est dépensée durant des années à rejeter l’adhésion de la Turquie avec des arguments fallacieux et essentialistes, ou encore lorsque l’actuel président Emmanuel Macron, toujours dans la perspective de construction d’une Europe puissance, rattache l’identité de l’Europe à la Grèce antique et à la culture judéo-chrétienne, classant la Turquie dans le camp des « ennemis », il en va ici des mêmes arguments et discours que ceux qui structurent l’idéologie d’extrême droite.
La non-reconnaissance de la population turque de Chypre, dont l’Europe veut illégalement rattacher l’avenir à l’autorité politique grecque, le rejet forcené de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne - si bien que le politologue Olivier Duhamel parlait en 2008 de « turcofolie » pour qualifier l’ambiance turcophobe -, ou encore l’occupation de 20 % des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie que l’Occident tend à légitimer sont des exemples de la turcophobie traditionnelle occidentale.
Par ailleurs, des entités politiques qui se disent de « gauche » ou d’« extrême gauche » soutenues par les occidentaux - américains et européens travaillant ici de concert -, dans la même veine racialiste et idéologique que l’extrême droite occidentaliste, affirment que les Turcs venus d’Asie « occupent » l’Anatolie dont les « vrais propriétaires » seraient eux-mêmes, ou soutiennent une pensée qui attribue un caractère malfaisant aux Turcs, élaborant et diffusant un discours essentialiste.
C’est le cas des Kurdes du PKK qui affirment que les Turcs sont des « Mongols » asiatiques et qu’ils doivent y retourner, c’est également le cas des occidentalistes « turcs » (3), pour qui, à l’instar de l’activiste d’extrême droite, Brenton Tarrant, leur « vraie » appartenance ethnique serait occidentale, les Turcs les ayant, dans leur conception, assimilé, c’est encore le cas des activistes arméniens, tous ces groupes aux conceptions essentialistes et leurs soutiens occidentaux étant liés les uns aux autres dans le but d’« enfermer » les Turcs et de leur supposer des intentions intrinsèquement malfaisantes, malveillantes, etc.
Ainsi, nous voyons que les forces traditionnelles occidentales vont actuellement plutôt dans le sens de l’idéologie d’extrême droite que le contraire, ce qui montre l’extrémisme vers lequel tend l’Occident. Si bien qu’il est possible d’affirmer que l’idéologie d’extrême droite et ses violences contre ce qui est considéré comme étranger ne sont que des effets et dégâts collatéraux d’une mentalité plus générale.
Ilker Tekin
https://newrepublic.com/article/153332/longer-history-christchurch-attacks
http://www.ataatun.org/vatandasliklardan-rahatsizlar.html