La journée organisée à l’occasion du premier anniversaire de sa disparition a réuni de nombreux professeurs et amis.
Née en 1917 à St Petersbourg d’un père originaire de Bakou, Irène Melikoff grandit à Paris. Très vite, les arts, la littérature et les courants spirituels turco-iraniens la fascinent. Etudiante aux Langues Orientales (INALCO), elle décide d’orienter ses études vers le turc et le persan dans les années 1940, mais celles-ci sont interrompues en raison de la Seconde Guerre mondiale. Après un séjour en Turquie qui va durer 7 ans, Irène Melikoff rentre en France, où elle obtient tour à tour son diplôme de persan et son doctorat ès lettres. Parallèlement, elle s’engage dans une carrière de chercheur au CNRS. En 1968, elle est nommée maître de conférences à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, et devient professeur titulaire l’année suivante. Elle fait alors du Département d’études turques un des lieux les plus prestigieux de la turcologie française.
Une pionnière des études turques en France
Elève de Melikoff, et aujourd’hui directeur du Département d’études turques de l’Université de Strasbourg, Paul Dumont se souvient : « Madame Melikoff était très appréciée par tous ses collègues et ses élèves à Strasbourg ». Evoquant son caractère maternel et protecteur, Paul Dumont précise qu’elle a formé de nombreux turcologues qui aujourd’hui lui rendent hommage en poursuivant son œuvre. Paul Dumont a pris le relais et assure la direction avec Gilles Veinstein de la revue Turcica, fondée en 1969 par Irène Melikoff. La revue, de rang international, publie des articles d’universitaires ayant trait aux états, peuples, langues et cultures turcs. Le Comité international des études pré-ottomanes et ottomanes (CIEPO), créé avec le professeur Ömer Lütfi Barkan, continue également les efforts de sa co-fondatrice en organisant régulièrement des rencontres entre universitaires. Reconnue mondialement comme spécialiste de l’islam hétérodoxe turc, Irène Melikoff a reçu de nombreuses distinctions honorifiques, dont l’ordre des palmes académiques en 1983. Ses recherches sur le soufisme turc et l’alévisme, qu’elle a poursuivies jusqu’à l’âge reculé de 90 ans, ont été maintes fois récompensées.
Au cœur de l’alévisme
« C’est Irène Melikoff qui nous a appris, à nous les Alévis, ce qu’était l’alévisme » témoigne David Durak Arslan, président de la Fédération Union des Alévis en France (FUAF). Pour la communauté alévie de Strasbourg, qui était également présente à cette journée commémorative, Irène Melikoff occupe une place particulière. En effet, durant les dernières années de son existence, l’alévisme et le bektachisme se situaient au cœur des travaux de la turcologue. Menées en plein cœur de l’Anatolie, ses recherches ont notamment permis de mieux faire connaître la communauté alévie, grâce aux informations recueillies sur les croyances, la religion et la littérature populaire des familles de cette confession. Aujourd’hui, le président de la FUAF parle de la dette importante des Alévis de France envers Irène Melikoff. La création d’une association en son honneur est en cours de discussion. L’association Melikoff contribuerait à la poursuite de ses œuvres, et mettrait à disposition du public la bibliothèque très riche de la grande spécialiste de la Turquie.
Source Zaman