Entretien avec un Franco-Turc Kemal Y. : "Ce que les extrémistes arméniens proposent, c’est la haine du Turc"
Pour Emmanuel Todd, 58 ans, démographe et historien, ingénieur de recherche à l’institut national d’études démographiques (INED) "Si vous êtes au pouvoir et que vous n’arrivez à rien sur le plan économique, la recherche de boucs émissaires à tout prix devient comme une seconde nature".

"Rares sont les arméniens qui aiment les Turcs de France. Certains affirment ne pas avoir le droit de les apprécier au risque de se voir accolé le blason de "traître"", souligne Kemal.
Pour Kemal "la haine du Turc chez les Arméniens est assez présente à tous les niveaux et cette éducation anti-turque se développe très tôt et s’apparente à un bourrage de crâne". Bien sûre que cette communauté a vécu dans son histoire des épreuves douloureuses, mais est-ce normal qu’en France, aujourd’hui, on continue de mettre l’accent sur le barbarisme des Turcs ? Ne sont-ils pas en train de développer une forme de racisme à l’égard des Turcs de France ?"
Kemal se dit "Blessé violemment et pour longtemps de ces comportements. J’ai essayé de les comprendre. Je me suis intéressé à leur histoire et à leurs coutumes. Nous avons beaucoup de points communs. Mais je ne comprends définitivement pas pourquoi ils "propagandent" contre nous. Vous voulez des exemples, des actes ? Regardez leurs télévisions, écoutez leurs multiples émissions de radio, lisez leurs journaux ou certains de leurs livres, surfez sur internet. Vous verrez et vous comprendrez que leur but ultime est d’avoir un comportement militantiste au quotidien. Ils ne veulent que rallier un maximum de personnes à leur cause. Leur bataille est simple : détruire les héritiers des Turcs par n’importe quel moyen. Les rapports ne sont pas normaux. On ne parle que de "génocide", toujours de "génocide". Est-ce que la richesse de la culture arménienne ne concerne que cet aspect ? Est-ce qu’il ne faut pas avoir d’ami turc pour pouvoir être apprécié par un Arménien ?"
Pourquoi accepter encore une fois de punir les Franco-Turcs sur ce sujet ?" me demande Kemal.
Il rajoute :" Est-ce que je mérite ce qui se passe en ce moment, en France, je ne veux que la paix ?
Il est évident que la haine qu’ils proposent à leur communauté, non seulement les empêche de bien comprendre ce que nous voulons dire, mais elle les fait se comporter, non pas comme des personnes adultes et responsables, mais comme des enfants agressifs. Personnellement, je ne peux que leur souhaiter de dépasser cette haine qui les porte. Vivre dans la haine de l’autre ou dans son exclusion risque d’être contaminant. Je ne veux pas d’une France gangrenée par la peur du Turc. Bien qu’aujourd’hui c’est un peu le constat que je fais".
Ces blessures sont autant de comportements que la France ne doit pas cautionner pour éviter, plus tard, les conduites auto-destructrices. Si jamais l’inéluctable est accepté, c’est accepter la frustration pour d’autres.
Espérons donc que le tempérament égalitaire des Français fera que Kémal n’aura plus de questions à se poser sur ses origines.
Le Comité national arménien oeuvre quotidiennement auprès des instances publiques françaises et dans beaucoup de villes pour faire ériger des monuments rappelant le "génocide des Arméniens" alors que les deux pays concernés (Turquie/Arménie) n’ont pas encore réglè cette question importante.
Mais il ne faut pas être étonné de ces réussites. Ces citoyens d’origine arménienne s’intègrent et se sont intégrés dans la vie politique française et réussissent à travailler pour les intérêts de l’Arménie dans les plus hautes instances du pays.
Alors je me demande si ces Français sont des représentants-citoyens de ce pays où sont-ils des serviteurs-défenseurs de leur pays d’origine orienté par une diaspora "non-pacifique" ?
Je me demande aussi pourquoi les milieux politiques tolèrent ces actions qui divisent les communautés turque et arménienne en France.
Le jour ou les Turcs seront nombreux à voter en France, allons-nous voir de partout fleurir des monuments à la mémoire de l’humanisme ottoman ?
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[1] Message de paix
"Rien, moins que rien
Le ciel est gris, tout gris ; le froid est supportable, quoique vif ; la colombe et la mésange, perchées côte à côte sur la haute branche d’un arbre dénudé, se rapprochent pour se tenir chaud. Soudain tombe, voltigeant, un flocon blanc sur l’arbre noir, puis un autre, un autre encore, une multitude...
La neige, légère, discrète, enfouit lentement le paysage dans un grand rideau frissonnant qui palpite autour des deux oiseaux.
– Que peut bien peser un flocon de neige ? s’interroge la mésange, curieuse.
– Rien, moins que rien, répond la colombe, souriante.
– Tiens, je vais m’amuser à compter ces flocons de neige, s’écrie la mésange, quelque peu follette.
Et la voilà s’efforçant de compter les nombreux flocons qui tombent en silence : dix, cent, mille, cent mille, un million, deux millions, deux millions cent un, deux million cent deux...
Brusquement le décompte s’arrête, les oiseaux s’envolent : surchargée de neige, la branche qui les portait vient de s’effondrer.
Nos actes ne sont-ils pas semblables à des flocons de neige ?
De chacun, souvent, le poids est négligeable.
Imaginons qu’ils soient tous rassemblés, ils pourraient alors, ...faire craquer la haine et surgir,... !
Ces imperceptibles riens, paroles bienveillantes, sourires accueillants, gestes affectueux, attentions vigilantes, il nous faudrait les accumuler sans cesse, encore et encore ; le mal, là où nous sommes, finirait par s’écrouler comme cette branche sèche, alourdie par la neige.
Anonyme"